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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 23 novembre 2010 à 15h00
Département de mayotte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Tout à l'heure, madame la ministre, vous parliez de mise en oeuvre opérationnelle de la départementalisation, et vous rappeliez que l'identité législative était la règle et la dérogation l'exception. Vous évoquiez la justice républicaine et vous concluiez, de manière quelque peu lapidaire, en disant qu'en matière de législation spécifique sur l'entrée et le séjour des étrangers, rien ne serait modifié, et ce pour tenir compte, disiez-vous, de la pression migratoire. Non seulement rien ne justifie le maintien d'une législation dérogatoire dans ce domaine, mais je dirai même que tout justifie l'inverse.

Sur le plan des principes, d'abord, il y a un paradoxe à rappeler la « justice républicaine » aux Mahorais – comme dans la belle intervention de notre collègue Diefenbacher, qui parlait de l'attachement au moins biséculaire des Mahorais à la République et à la patrie des droits de l'homme –et à voir cette même République ne pas respecter, à Mayotte, les exigences les plus élémentaires de l'État de droit.

Quelques exemples. Je ne m'étendrai pas sur les contrôles d'identité sans réquisition du procureur. Passons rapidement sur ce point.

Je ne passerai pas rapidement, en revanche, sur le caractère non suspensif du recours déposé par un étranger auprès du tribunal administratif contre un APRF. La Cour européenne des droits de l'homme a pourtant condamné la France, le 26 avril 2007, pour ce caractère non suspensif du recours.

Je serai plus longue encore sur l'accès à la nationalité. Une procédure autorise, à Mayotte, l'officier d'état civil à contester la reconnaissance de paternité d'un homme français pour un enfant né d'une mère étrangère. Une simple saisie du parquet permet l'ouverture d'une enquête pour juger de la réalité de la paternité alléguée. Ces enquêtes se sont systématisées depuis 2007. Et il n'est pas rare que des enfants de Français, eux-mêmes français, soient ainsi expulsés de Mayotte.

Mais je m'étendrai encore davantage, parce que c'est probablement ce qu'il y a de plus scandaleux, sur la situation des mineurs étrangers isolés. Dans le rapport qu'elle a remis en mai dernier sur ce sujet, notre collègue sénatrice Isabelle Debré consacre quelques pages à la situation préoccupante de Mayotte. Elle rappelle que, justement du fait que la législation sur les étrangers est dérogatoire du droit commun, les mineurs ne sont pas traités de manière spécifique, contrairement à ce qui se passe en métropole. Ainsi, quand la présence d'un ou plusieurs mineurs est constatée sur les « kwasa kwasa », ces mineurs sont rattachés à un adulte – sans que l'on se préoccupe, pour le coup, de l'existence d'un quelconque lien de filiation – et sont reconduits à la frontière en même temps que cet adulte avec lequel ils n'ont pas forcément de lien de filiation.

Il n'y a pas, dans le centre de rétention administrative de Mayotte, d'espace spécifique séparant les mineurs des adultes, pas plus qu'il n'y a de structure d'hébergement spécifique pour accueillir ces mineurs étrangers isolés. La prise en charge par le département, par l'aide sociale à l'enfance, qui est la règle dans tous les départements, n'a absolument pas été anticipée dans le pacte pour la départementalisation, alors que les charges qui vont peser sur le département de Mayotte seront, nous en sommes tous convaincus, considérables.

Notre collègue Isabelle Debré indique dans son rapport que le nombre de mineurs étrangers interceptés, sur les « kwasa kwasa » ou sur l'île, était de 3 246 pour la seule année 2009.

Enfin, sans même parler des principes – puisque vous n'y êtes pas toujours sensible, madame la ministre –, je conteste radicalement votre politique sur le plan de l'efficacité. En effet, 50 % des personnes reconduites à partir de Mayotte y reviennent, et 70 millions d'euros sont consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière, alors que le coût de la coopération avec l'Union des Comores est de 20 millions d'euros – c'est ridicule – et que le budget de l'Union des Comores s'élève, quant à lui, à 40 millions d'euros. Replaçons les priorités là où elles devraient être, et revoyons radicalement la politique que nous déployons dans ce domaine, à Mayotte et dans les outre-mers en général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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