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Intervention de Philippe de Ladoucette

Réunion du 16 novembre 2010 à 18h00
Commission des affaires économiques

Philippe de Ladoucette, président de la CRE :

La compétence de la CRE n'est pas de définir la politique nationale en matière d'énergie renouvelable. Elle apporte des avis au Gouvernement sur les propositions de tarif d'achat et sur le calcul les charges de la CSPE. C'est sur ce point que portera mon exposé.

La loi impose aux fournisseurs historiques de remplir des missions de service public. Ces missions génèrent des charges, qui sont compensées par la contribution aux charges de service public de l'électricité, dite CSPE, payée par l'ensemble des consommateurs d'électricité – avec des plafonnements pour les gros consommateurs, en particulier les industriels.

Il existe trois types de charges. Il y a d'abord les coûts résultant des politiques de soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables, dont les montants sont égaux à la différence entre le tarif d'achat pour la filière considérée et les prix de l'électricité sur le marché de gros. La CSPE couvre aussi le surcoût dû à la péréquation nationale des tarifs dans les zones non interconnectées – les DOM, la Corse, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et les îles bretonnes. Enfin, les dépenses liées au dispositif en faveur des personnes en situation de précarité relèvent du même mécanisme.

Chaque année, avant le 15 octobre, la CRE propose au ministre de l'énergie une prévision des charges de l'année n + 1. Nous avons donc évalué il y a quelques semaines le montant anticipé pour l'année 2011. Il se compose des charges attendues pour l'année n + 1 auxquelles s'ajoute l'écart entre prévision et réalisation pour l'année n - 1.

Dans le cadre législatif actuel, le montant de la CSPE est arrêté par le ministre de l'énergie sur la base de la proposition de la CRE. Si le ministre s'abstient, la CSPE de l'année précédente est automatiquement reconduite. C'est ainsi que, depuis 2006, la CSPE a été maintenue d'année en année à sa valeur fixée pour 2005, soit 4,5 euros le mégawattheure.

Depuis deux ans, ce montant ne couvre pas les charges constatées. EDF subit ainsi un défaut de compensation. Les charges effectivement supportées par EDF en 2009, que la CRE a calculées en octobre dernier, ne lui ont pas été intégralement remboursées par la CSPE en vigueur : une créance, qui s'élève à 1,4 milliard d'euros, est ajoutée aux charges anticipées pour 2011. À titre d'information, la créance 2010 est estimée à plus d'un milliard d'euros – elle sera intégrée à l'évaluation de l'année 2012.

L'évaluation opérée au titre de 2011 se monte à 3,4 milliards d'euros. Il s'y ajoute la créance 2009, 1,4 milliard, soit un total de 4,8 milliards d'euros. Pour compenser intégralement ces charges, la CSPE devrait s'élever à 12,9 euros le MWh – 9,3 euros pour couvrir les charges au titre de 2011 et 3,6 euros pour régulariser la créance de 2009. L'amendement voté dernièrement par la Commission des finances de l'Assemblée nationale limite cette hausse à 7,5 euros le MWh au 1er janvier prochain.

Les charges prévisionnelles au titre de 2011, qui s'élèvent à 3,4 milliards d'euros, résultent pour 42 % des énergies renouvelables en métropole continentale ; pour 35 % de la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées ; pour 21,5 % de la cogénération ; et pour 1,5 % de la solidarité envers les plus démunis.

Si la péréquation tarifaire constituait en 2010 le premier poste d'affectation – 38 % de charges prévues –, ce sont dorénavant les énergies renouvelables qui sont prépondérantes, en raison du fort développement du photovoltaïque et, dans une moindre mesure, de l'éolien. Toutes choses égales par ailleurs, ce poids devrait augmenter dans les années à venir. Les charges dues au photovoltaïque devraient représenter 30 % du total anticipé pour 2011, soit environ un milliard d'euros : 915 millions d'euros en métropole continentale et 83 millions d'euros dans les zones non interconnectées (ZNI).

Pour estimer le développement du solaire et calculer les charges prévisionnelles dues au titre de 2011 en métropole continentale, la CRE s'est basée sur la prévision des fournisseurs établie au mois de juillet, sur la puissance en service et en attente de connexion connue au 30 juin , et sur une estimation du rythme de raccordement des installations par ERDF.

Au 30 juin, 422 MW étaient en service et 2 900 MW en attente de raccordement. Les projets dans la file d'attente à cette date devaient disposer d'un permis de construire, puisque le décret du 19 novembre 2009 l'exige pour les installations de plus de 3 kWc, qui représentent une part très majoritaire – 80 % – de la puissance en attente de raccordement. ERDF a laissé aux porteurs de projet jusqu'au 1er juin pour fournir cette pièce. C'est ainsi que 1 000 MW ont quitté la file d'attente au cours des trois premiers trimestres 2010, dont 230 MW pour le troisième trimestre. La grande majorité des dossiers comptabilisés au 30 juin avaient donc une forte probabilité d'être raccordés.

On ne peut évidemment nier que certains projets ne se réaliseront pas. Il reste que le nombre de dossiers sérieux en file d'attente, au 30 juin, était très supérieur à celui qu'ERDF est en mesure de raccorder d'ici fin 2011. C'est donc le rythme de connexion des installations par ERDF qui a permis à la CRE d'évaluer le développement du photovoltaïque pour calculer les charges au titre de 2011 – environ 40 % de la file d'attente au 30 juin et 34 % au 1er octobre – et non l'importance de la file d'attente elle-même.

La CRE a retenu un développement prévisionnel un peu inférieur à celui prévu par EDF, soit 2 100 MW installés fin 2011 sur le réseau d'ERDF. Après 200 MW installés fin 2009, la CRE prévoit que 700 MW le seront au cours de l'année 2010 et 1 200 en 2011. La pertinence de cette prévision est démontrée par le nouveau bilan de la file d'attente disponible au 1er octobre 2010, soit 614 MW déjà raccordés et 3 550 en file d'attente, celle-ci étant sensiblement supérieure à ce qu'elle était au 30 juin.

ERDF a raccordé 70 MW au premier trimestre 2010, 150 MW au deuxième, 200 MW au troisième, et, d'après sa programmation, raccordera 240 MW au cours du quatrième.

L'hypothèse prise en compte par la CRE d'un raccordement de 1 200 MW en 2011 correspond à 300 MW par trimestre. Elle est cohérente avec l'accélération du rythme de connexion constaté et avec la puissance des projets en file d'attente, beaucoup plus élevée en moyenne – 48 kW – que celle des installations déjà raccordées, de 6 kW. La prévision de la CRE ne représente par ailleurs que 40 % de la puissance des installations en file d'attente au 30 juin.

Les autres paramètres entrant dans le calcul des charges dues au photovoltaïque sont le tarif d'achat et le prix de marché servant au calcul du coût évité. Le nombre prévisionnel d'heures de fonctionnement des installations correspond à la moyenne française, soit 1 100 heures par an.

Cela conduit à un tarif d'achat moyen pour 2011 de 546 euros le MWh. Le calcul du coût évité pour 2011 est basé sur les prix de marché à terme pour 2011 connus au moment de l'évaluation des charges. Il s'établit à 55 euros le MWh. Il est évident que plus le prix sur le marché de gros est élevé, moins il est nécessaire de compenser. Les charges dues au titre de 2011 sont estimées à 915 millions d'euros en métropole continentale, dont 821 millions pour EDF et 94 millions pour les entreprises locales de distribution.

Je reviens sur les prévisions au titre de l'année 2010. La CRE a considéré en octobre 2009 que 320 MW seraient installés fin 2010, ce qui équivaut à 130 millions d'euros de charges. Or ce sont 860 MW qui devraient être raccordés au réseau, soit environ 300 millions d'euros à compenser.

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