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Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du 17 novembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

La voie est étroite, en raison notamment de la difficulté posée, en France comme dans d'autres pays, par des organisations criminelles qui disposent d'importants moyens, notamment des meilleurs avocats, pour rendre les enquêtes plus malaisées.

Pour préciser la suggestion de M. Roman, je propose que deux de nos collègues soient missionnés auprès du ministère de l'intérieur afin d'étudier la typologie des gardes à vue prononcées. Les ministres de l'intérieur successifs ainsi que les syndicats de policiers nous ont, bien sûr, expliqué qu'elles étaient toutes indispensables. Mais nous voyons bien que ce n'est pas le cas – on pourrait multiplier à l'envi les exemples. Ainsi, le dégrisement d'une personne ayant conduit sous l'empire d'un fort degré d'alcoolémie exige-t-il vraiment son placement en garde à vue ? On pourrait attendre que l'intéressé recouvre ses esprits. Une mission parlementaire serait donc utile pour clarifier les choses.

Un autre élément me paraît inquiétant du point de vue du respect des libertés publiques. Le recours aux enquêtes préliminaires tend à devenir systématique et celles-ci à aller de plus en plus loin. Auparavant, un magistrat demandait une telle enquête au procureur afin de savoir s'il existait des raisons objectives de considérer qu'une infraction avait été commise. Maintenant, dans un nombre croissant de cas, l'enquête de police se poursuit quasiment jusqu'à ce que l'affaire soit en état d'être jugée, et c'est seulement alors que les droits de la personne mise en cause sont ouverts. Je comprends parfaitement qu'en face d'un crime, une enquête soit nécessaire avant d'expliciter des soupçons. Pour autant, une personne placée en garde à vue doit savoir ce qu'on lui reproche, avoir au moins connaissance des déclarations proférées à son encontre. Car beaucoup de choses découlent de ce qui est dit en garde à vue. Cela entre dans notre thème de discussion relatif au nouveau rôle dévolu à l'avocat et à la possibilité pour lui d'accéder au dossier ou aux pièces de la procédure. Doit-il avoir accès à tout ? Nous devons travailler à cette question. Aujourd'hui une personne peut répondre à une simple convocation de police et se retrouver en garde à vue quelques instants plus tard sans aucun moyen de savoir ce qu'on lui reproche. Un traquenard judiciaire est ainsi facile à monter.

Le vrai sujet réside dans la méthode policière et dans ce qu'enseignent les écoles de police. Notre pays est l'un des rares, depuis des siècles, à pratiquer la culture de l'aveu plutôt que celle de la preuve, les indices servant surtout à obtenir le premier et non à établir la seconde : un dossier comportant un aveu est considéré comme définitivement bouclé. Le Parlement devrait donc exercer un contrôle sur la formation des policiers, notamment des officiers de police judiciaire, afin que l'orientation de leurs enquêtes vise moins à réunir des indices susceptibles de faire « craquer » un suspect qu'à faire concorder ces indices afin d'établir des preuves irréfutables.

Certes la jurisprudence de la Cour européenne s'impose à nous mais il faut parvenir à dissocier le crime organisé et le terrorisme des autres incriminations, peut-être à partir du quantum des peines encourues.

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