Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Gaudemet

Réunion du 17 novembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Yves Gaudemet, professeur à l'Université Paris II Panthéon-Assas, président du groupe de travail sur les aspects constitutionnels et conventionnels de la réforme de la procédure pénale :

Il est vrai que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme nous « dépayse » à tous égards dans la mesure où sa démarche est casuelle : elle vérifie, pour chaque dossier, le respect de la proportionnalité ou de l'équilibre entre les atteintes à la liberté individuelle et les contraintes de la procédure pénale. Comme il est difficile de transposer en principes ses décisions, on ne saurait affirmer que, formellement, elle consacre ou interdit telle ou telle disposition, ce qui rend évidemment très difficile le travail du législateur.

Je tiens à souligner que l'audition libre a été introduite dans le projet de loi dans l'intention très louable de limiter le champ d'application de la garde à vue. Chacun s'accorde en effet à considérer que le nombre annuel des gardes à vue en France – près de 800 000 – est excessif, certaines d'entre elles étant du reste abusives, c'est-à-dire non justifiées par la politique pénale que conduisent légitimement les autorités publiques.

L'audition libre a donc été conçue comme une alternative douce à la garde à vue et cela n'apparaît pas illégitime dès lors que le principe de proportionnalité commande de réserver cette dernière aux personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions relativement graves puisque punies de peines d'emprisonnement. Cependant, est-ce bien d'alternative qu'il s'agit ?

Il convient en effet de noter que, de par son appellation même, « l'audition libre » est placée sous le signe de la liberté, ce qui en fait toute l'ambiguïté : puisque le présumé innocent demeure libre de ne pas se présenter à sa convocation devant les enquêteurs, son régime rejoint celui des témoins. Les textes lèveront-ils cette ambiguïté ou faudra-t-il pour cela s'en remettre à la pratique ? Je l'ignore.

Il n'en reste pas moins que si la vision qu'a M. Sudre de l'audition libre est exacte sur le plan juridique – elle est en effet fondée sur la Convention européenne des droits de l'homme –, elle doit être combinée au souci légitime de limiter le champ de la garde à vue, lequel est dicté par le principe de proportionnalité. Il convient en effet de recourir à un autre dispositif que la garde à vue à l'encontre de personnes soupçonnées de faits mineurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion