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Intervention de Annick Girardin

Réunion du 5 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Sport jeunesse et vie associative

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme celle de mon collègue Michel Ménard, mon intervention portera sur la politique de la jeunesse et la vie associative.

Ce budget « Jeunesse » 2011 est – cela a déjà été dit – un budget en trompe-l'oeil : il affiche une augmentation de près de 20 millions mais, de fait, l'argent disponible pour conduire une politique de jeunesse, d'éducation populaire et de vie associative diminue fortement. Ce budget ne permettra ni de donner aux associations les moyens indispensables à leurs actions – et de plus en plus à leur survie –, ni d'assurer une politique ambitieuse pour tous les jeunes. Une fois de plus, le Gouvernement cache derrière un chiffre positif une réalité très inquiétante.

Ainsi la faible augmentation de l'action 1 consacrée à la vie associative est loin de combler le retard accumulé et, surtout, de répondre aux besoins de formation et de développement de la vie associative. Tout est fait, dans la logique de la circulaire Fillon du 18 janvier dernier, pour assimiler les associations à des acteurs économiques comme les autres répondant à des appels d'offres, à des marchés s'inscrivant dans la concurrence et la rentabilité et à occulter leur apport à la vie citoyenne et démocratique.

L'action 2, qui assure le coeur des missions du département ministériel de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et garantit les actions structurantes, partenariales et pérennes de l'État dans ce domaine, est en baisse drastique de 19 millions. Ainsi s'instaure une politique de la jeunesse à deux vitesses !

Les actions en faveur de tous, celles qui permettent de construire et de maintenir du lien social, qui assurent le mieux vivre ensemble en articulant l'impulsion de l'État, le partenariat avec les collectivités territoriales et la forte implication associative perdent plus de 20 %. Ce désengagement massif et continu de l'État de ces actions qui construisent la citoyenneté et sont ferments de cohésion sociale est incohérent par rapport aux objectifs affichés. Il renvoie, comme dans de trop nombreux autres domaines, la responsabilité de les assumer aux collectivités territoriales : elles le font ou non ; elles le veulent ou non ; elles le peuvent ou non. Où est, dès lors, l'égalité de traitement de tous les citoyens sur l'ensemble du territoire national dont l'État se doit d'être le garant ?

Face à cette diminution des actions structurantes qui donnent du sens, une action particulière voit son financement en large augmentation : le service civique qui s'adresse à un nombre limité – très limité – de bénéficiaires.

Sous réserve qu'il ne soit pas un détournement de l'emploi associatif, c'est une excellente mesure en soi : les radicaux de gauche sont d'ailleurs les auteurs de la loi le mettant en place. Néanmoins il ne peut servir de politique de jeunesse à lui tout seul !

Pour 15 000 jeunes qui pourront en bénéficier en 2011, il mobilisera 97,4 millions d'euros dont plus de 75 millions du budget jeunesse, soit pratiquement autant que l'action 2 qui, elle, s'adresse à tous les jeunes, de trois à trente ans, comme il est rappelé dans la présentation du budget. S'agit-il d'une politique pour tous les jeunes, tout au long de leur jeunesse ou de quelques mois de volontariat associatif pour quelques-uns ?

Si les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ou trente ans peinent à entrer dans la vie active et professionnelle, c'est la tranche précédente, les dix à dix-sept ans, qui nécessite aujourd'hui l'accompagnement le plus développé : c'est pour eux et avec eux qu'il faut penser et construire des réponses innovantes de loisirs, un ancrage citoyen, un accès aux pratiques culturelles, artistiques, scientifiques. C'est parce qu'ils auront vécu ces démarches d'ouverture et d'autonomie qu'ils pourront, demain, s'engager, porter des projets, agir collectivement. C'est pour eux qu'il faut investir aujourd'hui ! Or le budget proposé ne porte absolument pas cet investissement d'avenir.

Que dire du fonds d'expérimentation, des laboratoires territoriaux, des plate formes locales de coordination ? Que, là encore, ce ne sont pas de mauvaises idées a priori mais qu'elles ne pourraient avoir du sens, de la cohérence, de l'efficacité qu'en étant inscrites dans la durée, qu'en reposant sur une évaluation solide, qu'en étant mutualisées et généralisées. Or le budget triennal annonce déjà le contraire, et dès cette année.

Un autre paradoxe de ce budget relève des relations avec les services et les personnels.

Ainsi il ne nous est rien dit des nouveaux services imposés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et mis en place par la réforme de l'administration territoriale de l'État. J'ai pu constater, sur l'organigramme détaillé de la direction de la cohésion sociale et de la protection des populations de Saint-Pierre-et-Miquelon, une disparition pure et simple de toute référence à la politique de jeunesse, sans même parler de l'éducation populaire. Cela m'interpelle, pour ne pas dire que cela me choque.

Il ne nous est rien dit non plus sur les frais occasionnés par les nombreux déménagements, relogements et autres déplacements de ces directions. Rien non plus sur le sens et l'efficacité d'un tel démantèlement des services, ni de son impact sur les usagers, alors que la Cour des comptes pointe l'inutilité et la confusion engendrées par une telle réforme, qu'elle invite à abandonner.

Le document budgétaire n'indique pas non plus les plafonds d'emplois, mais l'on constate qu'avec la disparition de plus de 1 000 postes de conseiller d'éducation populaire et de jeunesse dans les années 80 et de 562 équivalents temps plein travaillé aujourd'hui, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a déjà eu lieu. Ce corps de métier – déjà absent de certains territoires, dont le mien – est manifestement en voie de suppression.

Cela revient à retirer à l'État un levier essentiel de conduite sur le terrain de sa politique jeunesse et, en contrepartie, à faire de plus en plus appel à des agences et experts extérieurs. À quand une « agence jeunesse » et la disparition des services et de leurs personnels ? Le budget présenté pour 2011 montre que la piste est largement ouverte et anticipée.

Des actions ponctuelles, sans moyens pour les pérenniser et les généraliser, une aide à la vie associative bien en deçà des besoins, un désengagement continu, l'abandon d'une politique structurante et partenariale pour tous, une déconnexion grandissante avec les services et les agents, la mise à mal des démarches d'éducation populaire, le service civique comme seul arbre pour cacher une forêt de manques : voilà ce que masque la prétendue augmentation de ce budget en trompe-l'oeil, qui ne trompe, en fait, personne sur ses intentions destructrices et sur ses effets dévastateurs pour les jeunes, l'éducation populaire, la vie associative et, plus globalement, l'avenir de notre société.

Madame la ministre, monsieur le ministre, comme nos collègues socialistes, les radicaux de gauche ne voteront pas ce budget, et je le regrette. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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