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Intervention de Henri Nayrou

Réunion du 5 novembre 2010 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Sport jeunesse et vie associative

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Nayrou, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, monsieur le ministre de la jeunesse et des solidarités actives, messieurs les rapporteurs, mes chers et nombreux collègues (Sourires), le sport ne se porte pas bien, la jeunesse doute et proteste, la vie associative s'étiole et les budgets sont à l'avenant !

C'est dans ce cadre incertain que j'ai l'honneur, et aussi la tristesse, de vous présenter ce matin la mission budgétaire « Sport, jeunesse et vie associative » dont je suis le rapporteur spécial depuis 2007 et qui n'a plus rien à voir avec ses moutures des années précédentes en raison du changement des formalités, des périmètres et des ministres. Cela m'autorise ainsi à l'ausculter à l'aune non pas de mes préférences mais des évidences.

Concernant le sport, dont le programme accuse une baisse des crédits de 14 %, on note deux records peu enviables. Tout d'abord, le programme 219 « Sport » est, avec 208 millions d'euros, moins bien loti que le programme 163 « Jeunesse et vie associative », qui dispose de 212 millions d'euros. Ensuite, c'est aussi la première fois que les moyens dévolus au sport par le budget de la nation sont inférieurs à ceux qu'annonce le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, d'un montant de 247 millions d'euros.

Cet état de fait n'est ni conjoncturel ni surprenant : d'une part, le budget de l'État consacré au sport a diminué de près de 40 % à périmètre constant ; d'autre part, pendant la campagne 2007, le candidat Sarkozy avait proclamé que le sport serait bombardé « grande cause nationale ». Au-delà de la période et du personnage, j'avais trouvé cette perspective alléchante mais, en bon montagnard que je suis, j'attendais de voir. J'attends encore et je déclare sobrement mais fermement qu'il s'agit là d'une promesse non tenue, parole de rapporteur spécial, d'une promesse non tenue de plus, foi de député.

Après les années 2002-2007 consacrées en priorité au « sport business » avec des droits de retransmission télévisuelle devenus propriété des clubs, du droit à l'image collective auquel on a finalement piteusement renoncé en 2009, l'entrée des clubs en bourse avec le succès que l'on sait, après donc toute cette période vouée aux champions du « toujours plus » du sport professionnel, voici venu le temps du « toujours moins » pour les autres, la masse des sportifs. Autant dire que le bilan n'est pas flatteur.

J'en viens au coeur du rapport dont j'ai la charge.

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est avant tout marquée, cette année, par une refonte de sa maquette budgétaire, qui se traduit par la disparition de son programme support, lequel regroupait plus de la moitié des crédits. Les moyens humains et logistiques de la mission ont en effet été transférés au sein d'une autre mission, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Au cours des années précédentes, j'avais critiqué le regroupement de la moitié des crédits de la mission sur son programme de soutien, au mépris de la lettre et de l'esprit de la LOLF. Allant plus loin encore dans la confusion, le présent projet déplace ces dotations sur une autre mission. C'est la LOLF que l'on assassine dans une indifférence d'autant plus générale que ses deux géniteurs ne sont plus parlementaires.

L'intervention humaine et logistique est donc désormais occultée dans le budget de la mission, en dehors de quelques données qui figurent en dernière page de la présentation de chaque programme et qui esquissent, au titre de l'analyse des coûts, une consolidation « pragmatique » de l'action de l'État.

Quant au nouveau programme support « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », il assure la gestion des ressources humaines et du fonctionnement – écoutez la liste – de neuf directions d'administration centrale, de cinq délégations interministérielles ou ministérielles, des inspections générales des affaires sociales, de la jeunesse et des sports, ainsi que d'un réseau constitué de services déconcentrés, des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et de vingt-six opérateurs, les agences régionales de santé, autant dire d'un ensemble fourre-tout, qui se prête mal à l'analyse des objectifs, de la performance et de l'évolution des crédits.

On ne peut que déplorer amèrement que la représentation nationale n'ait finalement plus à se prononcer sur les moyens humains et les crédits budgétaires qui sont spécifiquement alloués à la mise en oeuvre des politiques de la mission.

Voilà pour les questions de forme. Passons donc à la réalité concrète de ce budget.

Selon ce projet de loi de finances, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » disposera d'un budget de 409,4 millions d'euros en autorisations d'engagement contre 829 millions d'euros en 2010, sous une autre forme, et de 420,9 millions d'euros en crédits de paiement contre 849,4 millions d'euros en 2010, sous une autre forme également. Cherchez les analogies !

Je commence volontairement par les crédits de la jeunesse et de la vie associative.

Les crédits de ce second programme de la mission connaissent une évolution importante, de l'ordre de 10,1 %, en passant de 193,1 millions d'euros l'an dernier à 212,4 millions d'euros dans le présent projet. Cependant, cette progression est essentiellement due à l'augmentation des crédits destinés au service civique, au détriment des politiques d'éducation populaire, de soutien à l'engagement des jeunes et d'aide à la vie associative. Le périmètre historique du programme – hors service civique et hors fonds d'expérimentation – subit en effet une baisse de 16,8 % avec 90 millions d'euros contre 108,1 millions d'euros en 2010.

Je ne suis pas de ceux qui poussent des cris d'orfraie face à la montée en charge du service civique, à l'inverse d'autres collègues, comme nous le verrons peut-être tout à l'heure. Pour moi, on peut en faire d'autres analyses, moins médiocres, que celles qui peuvent être suggérées dans cet hémicycle. Le dispositif vient à peine de démarrer, le process est ambitieux, les moyens ont été fournis ; nous jugerons sur pièces, ce qui nous changera des exécutions sommaires.

En revanche, j'aurais préféré que les « plus » accordés au service civique ne se traduisent pas par des « moins » sur d'autres lignes de crédits. Ainsi, le dispositif « Envie d'agir » de soutien, sous la forme de bourses, des projets individuels ou collectifs des jeunes, avec une finalité d'utilité sociale, a été purement et simplement supprimé, sans aucune explication. Ce n'est ni correct ni justifié car ce programme avait fait ses preuves depuis sa création en 2008. Son remplacement par le service civique ne permettra pas de soutenir totalement les missions d'insertion sociale et professionnelle des jeunes, mais nous verrons.

Madame la ministre, monsieur le ministre, il serait souhaitable que vous nous éclairiez sur les considérations financières qui justifient sa suppression, ainsi que sur les économies réalisées de ce fait.

Comment ne pas s'inquiéter, dans ces conditions, de la nouvelle baisse des crédits d'intervention du programme touché de plein fouet par les réductions budgétaires? Je veux parler des projets éducatifs locaux, désormais regroupés, sous l'appellation générique « Politiques partenariales locales », avec d'autres actions partenariales locales. Songez que l'on passe de 14,5 millions d'euros en 2009 pour les seuls projets éducatifs locaux à 12,67 millions d'euros en 2011 pour l'ensemble de la ligne « Politiques partenariales locales ». Ainsi ce budget met sérieusement en danger les générations qui attendent au portillon de la vie active, de leur vie de demain.

Deuxième programme de la mission, le sport voit ses crédits régresser de 14,4 %, dans un budget total de la mission, à périmètre constant, c'est-à-dire hors programme support, qui diminue de 3,6 %. Ils passent effectivement de 243,7 millions d'euros en loi de finances initiale retraitée 2010 à 208,5 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2011.

Comme d'habitude, le budget du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, est appelé en renfort pour tenter de masquer cette dégradation toujours plus inquiétante des moyens dévolus par le budget de la nation au sport. Cependant, avec les 16,5 millions d'euros de transferts internes et les 10 millions d'euros dont a bénéficié le CNDS au titre du plan de relance et qui ne seront pas reconduits, on aboutit, malgré tout, à une diminution des moyens consacrés au sport de plus de 26 millions d'euros. Il est plus que jamais d'actualité de s'interroger sur cette réalité.

En fait, le désengagement massif et assumé de l'État se poursuit et la loi de finances pour 2011 marque une nouvelle étape dans la fragilisation de ce secteur car on a bien du mal à croire que la baisse de ses crédits n'affectera pas à long terme la politique d'intervention de la mission.

Cette situation est d'autant plus grave que les collectivités territoriales, premiers financeurs publics du sport, ne sont désormais plus en mesure de compenser le désengagement de l'État et que leur intervention en faveur du sport n'est pas reconnue à sa juste valeur ; j'y reviendrai. De plus, la contrainte budgétaire qui pèse sur elles les oblige à réduire leur budget dans ce domaine, comme cela est déjà affiché et communiqué dans mon département de l'Ariège. Ce sont ainsi des dizaines de milliers d'associations sportives et des millions de pratiquants qui sont menacés. J'y reviendrai également.

En fait de sujets, la France compte plus de 35 millions de pratiquants, sans compter les sujets de mécontentement. (Sourires.) Dans ce budget, j'en dénombre au moins six :…

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