Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 3 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues de l'Assemblée, la crise est toujours là, plus tenace que jamais, plus durable que prévu. Elle semble s'enraciner, en dépit des diligences mises en oeuvre et des grands moyens déployés en France pour la déchouquer au plus vite.

Après coup, il faut reconnaître que les premiers soins financiers prodigués à profusion n'ont pas donné tous les résultats escomptés. Et c'est peu dire.

N'aurait-il pas fallu mettre en place une multi-thérapie, plus appropriée à l'état général, et qui aurait pris en compte le social, la formation et la requalification, l'emploi des jeunes, l'accès plus aisé aux prêts destinés à l'investissement productif et pourvoyeur d'emplois ? À mon avis, le choc aurait été plus amorti et le redémarrage plus pertinent.

À cet égard, sans entrer dans le dédale des chiffres, il faut rappeler que déficit et endettement marchent d'un même pas cadencé. Chaque année, ce couple infernal pulvérise son précédent record : l'INSEE indiquait tout récemment que la dette publique de la France atteignait 1 591,5 milliards, soit 82,9 % du PIB.

Ce niveau est nettement supérieur au plafond de 60 % fixé par les traités européens. Et la rude grimpée devrait se poursuivre encore dans les deux à trois ans qui viennent, selon les prévisions les plus optimistes.

En ce domaine sensible, il n'y a qu'une chose certaine, c'est l'incertitude.

La situation devenant pratiquement ingérable, le Gouvernement acculé impose des plans d'austérité, et des cures d'amaigrissement en tous genres pouvant conduire jusqu'à l'anorexie. C'est un choix difficilement défendable car il s'agit de résorber en trois ans trente-six années de dérapages non contrôlés : au laxisme du passé succède aujourd'hui un drastique plein pot.

Cet effort de rattrapage se révèle alors exorbitant. À qui la faute de cette crise, je vous le demande ? Au menu peuple, aux petites et moyennes entreprises, aux handicapés, aux smicards, aux retraités vivant au-dessous du seuil de pauvreté, aux jeunes clochardisés ? Ou bien aux théoriciens de la culture intensive du déficit et de la gestion hasardeuse ?

Pour parer au plus pressé, on va jusqu'à infliger des ponctions sur l'utile et même sur le futile.

Et la potion finale servie est particulièrement amère, d'autant plus amère que l'on s'est focalisé sur les dépenses de l'État sans tenir compte en parallèle de l'utilisation efficace de ses recettes. N'oublions pas que dans les dix dernières années, l'État a gracieusement sacrifié pas moins de 100 milliards d'euros de ses recettes fiscales, dont deux tiers au titre de baisses d'impôts pas toujours judicieuses, car sans retour bénéfique sur la croissance et la création d'emplois pérennes.

On peut s'interroger d'ailleurs sur la finalité et la logique de ces plans qui annoncent en filigrane un véritable changement de système : on réduit d'abord les recettes pour ensuite réduire les dépenses. Ainsi l'État, rendu impécunieux par lui-même, s'exonère de plus en plus de ses engagements essentiels. Or l'on sait, d'expérience, que l'effet de l'amenuisement progressif et irréversible des dépenses publiques, conjugué à l'abaissement continu et inconsidéré de recettes substantielles, peut nourrir la crise au lieu de l'éloigner.

En ce sens, la crise peut avoir bon dos pour tourner le dos aux obligations qui incombent normalement à l'État. Car, en dernier ressort, ce sont les populations à risque, les plus fragiles et les plus exposées, qui en feront les frais.

Maintenant, passons en revue de façon plus concrète encore la situation de la Martinique.

Les réformes envisagées et les mesures retenues par le Gouvernement sont plutôt porteuses de risques et de difficultés supplémentaires. Si on les ajoute bout à bout et qu'on les rapporte à l'échelle de sa population, la Martinique voit son effort décuplé, et non pas doublé, par rapport à celui de la France, les chiffres le prouvent.

Déjà, la crise de février-mars 2009 a fortement endommagé, en sus des entreprises, les finances des collectivités. L'octroi de mer, leur ressource principale, a subi des tirs croisés de partout, j'en sais quelque chose, au prétexte qu'il était facteur de vie chère. Et le gel pendant trois ans, décidé par le Gouvernement, des dotations des collectivités, que l'on peut juger aberrantes, aggravera encore leur condition. Cette décision s'apparente à une sanction à l'égard de celles qui ont honoré leurs engagements sans défaillance et qui se sont désendettées sans hausse d'impôts.

La perte de l'autonomie financière des collectivités confisquée par l'État ajoute à la détérioration générale. Ainsi, on casse les pôles de rebond possible, comme si les collectivités étaient des concurrentes.

De plus, la loi d'orientation pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009 n'est, à ce jour, que partiellement mise en oeuvre. La ligne budgétaire unique s'amenuise de 21 millions d'euros et les crédits consacrés aux logements sociaux et très sociaux se rapetissent, eux, de 34 millions.

Le conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009, consacré prioritairement au développement, est pratiquement au point mort.

La banane est menacée, une fois de plus, par les multinationales américaines. Là, les règles de l'Organisation mondiale du commerce s'appliquent avec tranchant et sans appel.

Le tourisme s'effondre, la croisière atteignant ses niveaux les plus bas.

Pourtant, dans tous les domaines, paradoxe regrettable, les plans n'ont pas manqué.

En effet, à chaque ministre qui arrive, son plan de relance, sa LOOM, sa LOPOM, sa LODEOM, et leur longue liste de mesures annoncées avec fracas. Puis, à chaque départ, le plan précédent rend l'âme avant d'atteindre son régime de croisière et de donner son plein rendement. C'est là, madame la ministre, que résident en fait l'instabilité, l'incohérence, le manque de visibilité, et non dans une évolution institutionnelle vers plus de responsabilité.

Avant de terminer, permettez-moi d'évoquer le problème de la défiscalisation et du photovoltaïque.

Il y a défiscalisation et défiscalisation.

Bienvenue à celle qui développe sans polluer, sans détériorer. Le photovoltaïque sur les toits développe. Il faut d'ailleurs permettre que s'achèvent les travaux déjà commencés sur les toitures.

En revanche, à bas celle qui ne fait que spéculer et dilapider. Le photovoltaïque au sol dilapide le peu de foncier qui reste encore à la Martinique.

Le photovoltaïque est non réglementé à ce jour. C'est vogue la galère ! En effet les projets en portefeuille sacrifieraient 700 à 800 hectares de terre sur les 25 000 qui nous restent. Les douze permis de construire délivrés par les services préfectoraux congèlent déjà 350 hectares. À la limite, on pourrait accepter un ou deux exemplaires de fermes de faibles dimensions mais pas cette avalanche débridée.

J'avais personnellement déposé en son temps plusieurs amendements sur la réglementation du photovoltaïque, dont un qui recommandait le développement du photovoltaïque sur les toitures. Il fut adopté non sans mal après d'âpres discussions.

Devant l'anarchie grandissante, je fus amené à déposer ensuite un autre amendement demandant l'interdiction pure et simple du photovoltaïque sur les sols agricoles. Il fut rejeté sèchement, avec arrogance et sans explication.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion