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Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 2 novembre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Dans un contexte budgétaire rigoureux où les crédits de la plupart des ministères subissent des diminutions, celui de la justice est l'un des rares à pouvoir encore afficher une hausse.

S'il est donc important de souligner et de saluer l'augmentation globale de plus de 4 % du budget de la justice, il n'en demeure pas moins, madame la ministre d'État, que cette augmentation doit être relativisée.

Les crédits affectés aux différents programmes restent, en effet, nettement insuffisants au regard des besoins réels de notre institution judiciaire. En particulier, les moyens alloués au service public pénitentiaire exécutant votre politique pénale ne permettront pas de répondre aux besoins du monde carcéral, tant sur le plan humain que matériel. En d'autres termes, le budget 2011 n'est toujours pas à la hauteur des ambitions portées par la loi pénitentiaire, c'est-à-dire sanctionner sans désocialiser, prévenir la récidive en assurant la sécurité de tous.

L'accroissement, depuis plus de dix ans, du nombre de personnes incarcérées impose de moderniser des prisons surpeuplées, tout en favorisant une politique d'aménagement des peines « hors les murs ».

Ainsi, la modernisation des établissements pénitentiaires et, plus généralement, de l'ensemble des lieux privatifs de liberté, est un impératif. Beaucoup reste encore à faire. Au-delà de l'aspect purement matériel, l'amélioration des conditions de détention exige un meilleur accompagnement des détenus sur le plan médical, psychologique et surtout psychiatrique – un point préoccupant dont vous aviez d'ailleurs reconnu le caractère prioritaire lors de l'examen du budget 2010. Un an après, qu'en est-il exactement ? De quelle manière se traduit cette priorité dans vos choix budgétaires ? Quels moyens sont mobilisés pour enrayer la vague de suicides dans les prisons françaises ?

Par ailleurs, et vous le savez, l'amélioration des conditions de détention est un facteur déterminant pour préparer l'insertion ou la réinsertion sociale des détenus.

La prévention de la récidive commence dès l'incarcération. C'est pourquoi il est primordial de favoriser et de développer l'accès à l'alphabétisation, à l'enseignement, d'organiser de véritables activités de travail, ainsi que des formations qualifiantes. La prison reste trop souvent l'école du crime, notamment pour les jeunes délinquants.

Sur ce point précis, on déplore une baisse significative des crédits affectés à la protection judiciaire de la jeunesse, alors même qu'on assiste, dans les petites villes, à une progression de la délinquance mettant en cause des mineurs ou de jeunes majeurs. Quelles sont vos orientations en matière de prévention de la délinquance juvénile ? Comment expliquer la diminution du nombre d'emplois d'éducateurs ?

Plus généralement, en matière de lutte contre la petite délinquance et la primo-délinquance, les solutions apportées sont inadaptées, lorsqu'elles ne sont pas inexistantes. Au grand désespoir des forces de l'ordre et des victimes, il n'est pas rare que des délinquants, dans l'attente de leur incarcération, soient remis en liberté sans contrôle judiciaire, continuant ainsi à troubler l'ordre public.

Du fait d'un manque important de moyens humains, une réponse pénale inexistante ou trop tardive conforte ces délinquants dans un sentiment de quasi-impunité. Trop de peines de prison ferme prononcées par les tribunaux ne sont pas exécutées. Comment entendez-vous remédier à ces dysfonctionnements de la chaîne pénale afin de mieux garantir la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens ? Quelles mesures permettront de lutter concrètement contre l'inexécution des peines ?

Les tribunaux « expédient » les petites affaires pour se concentrer en priorité sur les plus importantes. Il convient pourtant, pour limiter les risques de récidive, de se donner les moyens de sanctions graduelles, intervenant dès le premier acte de délinquance. Mais les juridictions, engorgées, saturées, ne sont pas toujours en état de fonctionner normalement. Les juges d'application des peines, les surveillants de prison et les conseillers d'insertion et de probation sont débordés ; les délais de jugement et d'exécution des décisions ne cessent de s'allonger au détriment d'une politique efficace de lutte contre la délinquance.

L'efficacité promise lors de la réforme de la carte judiciaire et du redéploiement territorial des juridictions n'est pas au rendez-vous. La justice française se paupérise, au point que notre pays fait aujourd'hui figure de très mauvais élève, avec un ratio budgétaire par habitant parmi les plus faibles de l'Union européenne.

Aussi les députés radicaux de gauche dénoncent-ils une politique pénale en trompe-l'oeil et des moyens budgétaires insuffisants pour permettre un fonctionnement digne de l'institution judicaire. Sur ces questions essentielles, nous serons très vigilants, afin que puissent être assurés le traitement équitable des justiciables et la nécessaire prise en considération des victimes sur l'ensemble du territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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