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Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 2 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, dans un contexte de nécessaire réduction de la dépense publique, le budget de la justice pour 2011, qui ouvre une nouvelle période budgétaire triennale, est non seulement préservé, mais il progresse encore, dans la droite ligne des budgets présentés ces trois dernières années.

Un chiffre retient l'attention, dans un contexte contraint de RGPP : en 2011, la justice bénéficiera de la création nette de 400 emplois.

Cet effort budgétaire constant démontre que la justice est réellement une priorité absolue du Gouvernement. Ce constat n'a rien de surprenant si l'on se remémore les engagements que le Président de la République et notre majorité ont pris devant les Français.

Depuis, des réformes de très grande envergure ont été accomplies : peines planchers pour les multirécidivistes ; contrôleur général des lieux de privation de liberté ; loi pénitentiaire, véritable texte fondateur, sans précédent depuis la Libération. Il ne suffit pas de parler de la dignité carcérale, encore faut-il agir. Cest ce que nous faisons, et c'est ce que vous faites avec ce budget.

L'innovation que constitue la rétention de sûreté, avec le maintien en milieu fermé, psychiatrique, des criminels dangereux après l'accomplissement de leur peine, souffre néanmoins de la non-rétroactivité de la mesure. L'actualité nous rappelle à notre obligation de prévenir la récidive plus efficacement, comme y concourra la loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle.

Dans cet esprit, il nous faudra encore progresser en matière d'évaluation de la dangerosité et y consacrer de nouveaux moyens, en particulier sur la base des préconisations du rapport Lamanda.

Celui-ci recommandait, en particulier, de mettre en place sans délai une prise en charge médico-sociale, psychologique et éducative des condamnés dangereux, si possible dès le début de leur détention.

Il insistait également sur l'augmentation des effectifs de médecins coordonnateurs et des moyens dont sont dotés les services médico-psychologiques des établissements pénitentiaires.

La règle pénitentiaire européenne 12.1 ainsi qu'un rapport d'information du Sénat préconisent une prise en charge dans des établissements spécialement conçus à cet effet.

Malgré les réels efforts qui ont été réalisés – et il faut vous être reconnaissant, madame la garde des sceaux, d'avoir réussi à maintenir le programme de neuf UHSA, alors qu'il était question de le reporter –, comment comptez-vous augmenter encore plus vite les capacités d'accueil pour faire face aux différentes situations, ainsi que le nombre des psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire afin d'assurer un suivi psychiatrique des détenus dès l'incarcération ?

Après avoir été expérimenté, le PSEM, le placement sous surveillance électronique mobile, qui vise à s'assurer que les personnes qui présentent encore une dangerosité à leur sortie de prison respectent les obligations et interdictions imposées par l'autorité judiciaire, est désormais applicable sur l'ensemble du territoire. Pouvez-vous nous préciser où nous en sommes, et quelles sont les perspectives ?

D'autre part, une insuffisance grave dans notre système pénal, sinon un dysfonctionnement, entretient la délinquance en même temps qu'il suscite une forte incompréhension de nos concitoyens.

Plus de 11 000 individus dans la région parisienne, dont un millier à Paris, seraient connus des services de police pour avoir commis chacun plus de cinquante infractions. Récemment, à Paris, un jeune homme s'est blessé – ce qui est regrettable – en chutant du premier étage, lors d'un cambriolage. Il n'a pas trente ans et est déjà connu pour quatre-vingt-cinq faits.

Comment comptez-vous traiter ce problème non résolu des multi-réitérants, qui alimente, à l'évidence, la hausse des violences faites aux personnes ?

Par ailleurs, le Gouvernement est réellement décidé à clarifier enfin le partage des tâches entre l'intérieur et la justice, et ce en trois ans dès l'an prochain. Néanmoins, le transfert prévu de 800 emplois sera-t-il suffisant – c'est une vraie question – et le projet de loi de finances pour 2011 prévoit-il bien celui de 200 ETP ?

Quant au recours à la visioconférence, qui progresse plus vite que prévu, il doit être généralisé. C'est ce que prévoit le texte de la LOPPSI que nous avons adopté en première lecture, et je pense qu'il faudrait y revenir.

Enfin, vous venez de présenter un projet de loi réformant la garde à vue, que vous serez une nouvelle fois contrainte d'amender en raison des dernières prescriptions de la Cour de cassation.

Outre la multiplication par cinq des crédits de l'aide juridictionnelle – qui sera atténuée, je l'espère, par le recours aux assurances –, je suis extrêmement inquiet du déséquilibre induit par la réforme entre les nécessités de l'enquête et le respect des libertés individuelles. Il y a un vrai danger à obérer le travail d'investigation des policiers et des gendarmes, au détriment de la sécurité de nos concitoyens.

À l'heure où s'exprime une demande forte de sécurité sur tout le territoire, à laquelle vous répondez, justement, par ce budget, il serait plus que paradoxal que cette orientation bénéfique soit contrecarrée par une réforme de la procédure pénale qui amoindrirait les défenses de notre système contre la délinquance et affaiblirait l'arsenal répressif patiemment élaboré depuis 2002 dans notre pays.

Merci, madame la garde des sceaux, de nous donner l'assurance qu'il n'en sera rien.

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