Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Vaxès

Réunion du 2 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vaxès :

Cette introduction vient de dire l'essentiel. Néanmoins permettez-moi de développer les critiques que je fais du budget de la justice.

Nous savons tous, et depuis fort longtemps, combien l'administration pénitentiaire a besoin de moyens, et nous pourrions ne pas nous plaindre des créations d'emplois annoncées par Mme la garde des sceaux. Force est pourtant de constater que, pour les personnels de surveillance, ces recrutements seront insuffisants pour couvrir l'ouverture des nouveaux établissements. Ils seront, du reste, pour partie dévolus aux missions de sécurité des tribunaux, de protection des magistrats, de la police des audiences, de transfèrement et d'escorte, bref autant de missions qui jusqu'alors relevaient très logiquement des attributions du ministère de l'intérieur.

Ainsi, malgré les quelques centaines de postes de policiers que vous nous dites avoir récupérés, bien que rien, dans ce budget, ne nous assure que ce transfert de charges s'accompagnera d'un transfert de financements et des personnels, la balance des équivalents temps plein pour l'année 2011 fait apparaître, selon la direction des services judiciaires, une création nette de 127 emplois, tous corps confondus.

Mais ce n'est pas tout. Ce projet de budget acte l'abandon progressif des politiques de réinsertion et, par conséquent, de prévention de la récidive. Une fois de plus, les services de probation et d'insertion seront les grands sacrifiés de l'administration pénitentiaire. Le personnel recruté est si faible qu'il ne couvrira même pas les départs à la retraite, les détachements et autres abandons par lassitude face à une situation que les personnels dans leur diversité qualifient aujourd'hui de désastreuse.

En revanche, vous n'hésitez pas à dépenser pour couvrir l'augmentation des coûts du partenariat public-privé. La part prise par les loyers versés par l'État pour les établissements pénitentiaires ne cesse de croître. Elle est passée de 20 à 30 % des crédits de fonctionnement, et ce seront évidemment autant de moyens retirés aux dépenses de fonctionnement utiles.

Si cet exemple ne suffisait pas, ajoutons celui du coût de la bien médiocre restauration confiée à la gestion privée de sociétés qui, comme toutes les entreprises privées, ont pour objectif prioritaire de satisfaire leurs actionnaires en dégageant des profits, en l'occurrence ici sur le dos du service public.

J'en viens maintenant au volet relatif à la justice judiciaire. Devrions-nous partager la satisfaction affichée par le ministère lorsqu'il note l'évolution du ratio greffiersmagistrats qui passera de 0,86 à 0,92 ? Outre que, demain encore, un magistrat sur dix ne pourra pas bénéficier de la collaboration d'un greffier, cette faible augmentation s'explique pour partie par la baisse des effectifs de magistrats. Depuis 2008, quatre-vingts postes seulement sont ouverts au concours chaque année. La contraction des effectifs de la magistrature se traduit ainsi mécaniquement par une évolution à la hausse du ratio greffiersmagistrats mais, globalement, l'institution judiciaire aura toujours autant, sinon plus, de difficultés à répondre aux attentes du justiciable. Pour nous, l'augmentation de ce ratio ne sera satisfaisante que si elle coïncide avec une évolution simultanée du nombre de magistrats. Comment, en effet, se satisfaire d'une baisse de soixante-dix équivalents temps plein de ces fonctionnaires ?

Mme la garde des sceaux reconnaissait elle-même, en juin dernier au Sénat, que « le problème des tutelles très chronophage était réel et que cette réforme n'avait pas été accompagnée de la création des postes de magistrats qu'elle rendait nécessaire ». Demain, la réforme de la garde à vue fera peser de nouvelles charges sur les magistrats du parquet, ce qui ne manquera pas de dégrader encore le fonctionnement de l'institution judiciaire.

Avec moins de magistrats pour traiter davantage de dossiers, comment honorer le programme 166 visant à rendre des décisions judiciaires de qualité dans des délais raisonnables en matière civile et pénale ? Cela relève d'une mission impossible et vos dénégations n'y changeront rien.

Les frais de justice étant en augmentation de 17 %, pourquoi ne pas dire que cette enveloppe avait été sous-évaluée l'an dernier et que 19 millions d'euros ont été retirés des crédits de personnel pour l'honorer, portant ainsi à 432,5 millions d'euros la dépense totale ? Seulement 460 millions d'euros sont prévus cette année alors que vont être ajoutés à cette dépense 55 millions d'euros pour la médecine légale, 30 millions d'euros pour les cotisations sociales des collaborateurs occasionnels et plus de 15 millions pour les frais nouveaux occasionnés par la LOPPSI.

En ce qui concerne la carte judiciaire, votre projet de budget ne prévoit que 3,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,2 millions en crédits de paiement. En 2007, la ministre précédente, Mme Dati, avait pourtant estimé et annoncé un budget global de 900 millions pour mener à bien cette réforme. Après trois années de financement, nous peinons à atteindre le montant de 250 millions d'euros. Dans le cadre de cette réforme, les maisons de la justice et du droit devaient se développer. Comment serait-ce possible quand le crédit affecté à l'accès au droit baisse, cette année encore, de 6 % après un recul de 4 % l'an dernier, soit au total une perte de 363 500 euros ?

Vous nous dites qu'avec la réforme de la garde à vue le recours à l'aide juridictionnelle devrait connaître une diminution. Comment expliquer, dès lors, que l'étude d'impact du projet de loi portant réforme de la garde à vue fasse état d'un coût total en termes d'aide juridictionnelle de près de 22 millions d'euros en hypothèse basse et de plus de 32 millions d'euros en hypothèse haute ?

Quant au budget de la PJJ, il sera amputé de 20 millions d'euros du fait de son recentrage au pénal ; un recentrage qui traduit, de notre point de vue, l'abandon de la priorité éducative dans la réponse à la délinquance. Cela ne saurait toutefois suffire à justifier une telle baisse. Comment assurer, dans ces conditions, une prise en charge la plus en amont et la plus systématique des mineurs délinquants ?

Madame la ministre d'État, on doit à votre pugnacité que votre budget soit, c'est vrai, le seul à ne pas connaître le sort de tous les autres, mais ce n'est pas pour améliorer les réponses de votre ministère aux justiciables, c'est principalement pour financer les politiques répressives du Gouvernement. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR voteront contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion