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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 27 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce n'est pas seulement sur un texte de loi que nous sommes appelés aujourd'hui à voter, mais sur l'organisation par le Président de la République et par ce Gouvernement d'une régression sociale sans précédent, sur l'une des étapes de la déconstruction méthodique des acquis du programme du Conseil national de la Résistance, sur la remise en question du droit social par excellence que constitue le droit à la retraite à soixante ans.

Cette forfaiture du Président de la République (Murmures sur les bancs du groupe UMP) face aux agences de notation et aux exigences antisociales de l'Europe libérale est d'autant plus révoltante que M. Sarkozy avait martelé, en 2007 puis en 2008, qu'il n'avait pas reçu de mandat des Français pour réformer le système des retraites, et qu'il s'était auparavant déclaré fermement attaché au droit à la retraite à soixante ans, qu'il avait soi-disant voté !

Un mensonge entraînant les autres, vous avez, messieurs les ministres, menti aux Français pour tenter de faire avaler le sirop amer de votre réforme antisociale : mensonges par action ou par omission sur vos comparaisons européennes, gage, selon vous, de la pertinence de votre démarche ; mensonges sur la démographie, sur la situation des femmes face à la retraite, sur les carrières longues, sur la pénibilité, sur le maintien du niveau des pensions, sur votre volonté de sauvegarder la retraite par répartition alors même que vous donniez un avis favorable à des amendements visant à accroître la part des retraites par capitalisation au détriment de celle du régime général. Excusez du peu !

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez conduit cette réforme à la hussarde, poussés en cela par le Président de la République, pour qui la moindre anicroche sonne comme un affront personnel auquel il faut répondre par la force et l'autoritarisme, bien loin, malheureusement, de la sérénité qu'on serait en droit d'attendre d'un chef d'État.

Cette réforme, dont les principales dispositions étaient déjà actées à l'Élysée avant même les premières concertations, a donné lieu à un simulacre de dialogue avec les partenaires sociaux, auquel a succédé un véritable putsch parlementaire, puis un passage en force au Sénat.

Notre démocratie est en berne après cette démonstration d'autoritarisme parlementaire et exécutif, d'autant plus vaine que vous proposez désormais un large débat en 2013. Que ne l'avez-vous fait dès cette année ? Quel aveu d'incompétence et de vanité !

Cependant, mes chers collègues, la fin du débat parlementaire – si tant est que l'on puisse appeler cela un débat – ne siffle pas la fin du match.

Vous refusez de voir et d'entendre que 70 % des Français refusent votre réforme (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe UMP) : 57 % se prononcent contre le report de l'âge légal de départ en retraite de soixante à soixante-deux ans ; 65 % contre le passage à soixante-sept ans pour toucher une retraite sans décote et la même proportion juge inefficaces vos concessions sur la pénibilité et sur les carrières longues.

Par ailleurs, 70 % de nos concitoyens soutiennent les mobilisations qui ont commencé en mars 2010, je vous le rappelle. Depuis le 24 juin, le mouvement social ne s'est pas affaibli, loin s'en faut.

Alors que vous enterrez déjà la mobilisation, sachez que dans ma circonscription, au Havre et dans son agglomération, sont toujours en grève – ce matin, les pompiers les ont même rejoints – Total Raffinerie de Normandie, Total Fluides, la CIM, Eliokem, Petrochemicals, SNCF, Chevron, la centrale EDF, Fouré Lagadec, Dresser, Vinci, Ponticelli, Konecranes, Aircelle, Lafarge, Yara, pour ne citer que les plus grandes des entreprises en grève dans ma circonscription. Et vous parlez de « grève de fonctionnaires » !

Demain jeudi, à travers le pays, ils seront des millions dans la rue. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous serons parmi ces citoyens, ces salariés du privé et du public, les personnels dockers, portuaires, hospitaliers, enseignants, les agents territoriaux, les retraités, les jeunes. Votre autisme a conduit à cette contestation populaire, transformant la mobilisation contre votre réforme en un mouvement de révolte beaucoup plus large contre votre politique fiscale et économique, contre vos mesures sociales régressives, contre le mépris, le dédain et le cynisme avec lesquels vous traitez les travailleurs et les gens modestes.

Exaspérés par cette contestation populaire qui enfle, vous tentez de restreindre le droit de grève ou de casser la mobilisation en réquisitionnant les personnels grévistes dans les entreprises. Vous vous obstinez à diviser le peuple : jusqu'où comptez-vous aller ?

Ne voyez-vous pas que, partout, dans le public comme dans le privé, chez les jeunes autant que chez les retraités, le peuple refuse de se mettre à genoux et de se laisser ainsi humilier en abdiquant sur l'un de ses droits sociaux les plus emblématiques des luttes ouvrières ? Avez-vous oublié que le peuple ne se soumet jamais à un pacte de subordination à un chef, fut-il élu, et que le scénario des luttes revendicatives ne se décrète pas à l'Élysée ?

Le Président, ce gouvernement et cette majorité ont aujourd'hui perdu la bataille de l'opinion ; c'est désormais le peuple français qui, comme aux tournants de notre histoire, porte les valeurs républicaines que vous bafouez sans vergogne.

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