Je vais tenter d'expliquer pourquoi je suis défavorable à la suppression de l'ISF, pourquoi je suis favorable à une imposition du capital et pourquoi je pense que le dispositif proposé par notre collègue Piron n'est pas le bon.
Le bouclier fiscal, sur lequel je ne m'étendrai pas car nous en avons longuement débattu, n'est pas seulement un symbole d'injustice, selon l'expression de M. le ministre. C'est un dispositif fondamentalement injuste, tout le monde le sait. La majorité, aiguillonnée par l'opposition, n'a cessé de corriger le revenu qui sert de base au bouclier fiscal, à savoir le revenu fiscal réduit de toutes les exonérations que permettent les niches. Comble du paradoxe : certains contribuables à la tête de très gros patrimoine peuvent, grâce aux niches fiscales, s'exonérer de l'impôt sur le revenu et, de plus, se faire rembourser tout le reste : la CSG, voire les impôts locaux et, bien sûr, l'ISF.
Les deux tiers du bouclier fiscal vont à des contribuables qui possèdent plus de 16 millions de patrimoine. Il s'agit essentiellement d'un dispositif qui permet aux plus gros patrimoines de se faire exonérer d'ISF. Je vous livre quelques chiffres éclairants.
Ceux qui actionnent le bouclier fiscal dans la première tranche de l'ISF – c'est-à-dire un patrimoine inférieur à 1,2 million d'euros –, représentent un contribuable à l'ISF sur mille. Même pour ceux-là, le dispositif est complètement marginal.
Pour les trois premières tranches de l'ISF – c'est-à-dire jusqu'à un patrimoine de 3,8 millions d'euros –, c'est un contribuable pour 100.
Le bouclier fiscal ne joue que pour la dernière tranche de l'ISF – 16 millions d'euros de patrimoine – : 40 % de ces contribuables actionnent le dispositif.
Telle est la réalité du bouclier fiscal. Voilà pourquoi, depuis toujours, nous demandons sa suppression.
Alors qu'un effort de solidarité est demandé à l'ensemble des Français, les seuls à en être exonérés sont les bénéficiaires du bouclier fiscal. Cette situation vous a d'ailleurs conduits, dans vos dernières décisions, à tenir compte de la force d'un tel argument et à ne pas faire jouer le bouclier pour quelques prélèvements.
J'en viens à la légitimité de l'imposition du patrimoine.
Premièrement, les inégalités de patrimoine sont considérables et sans commune mesure avec les inégalités de revenus ; c'est dix fois plus élevé que les inégalités de revenus.