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Intervention de Jacques Valax

Réunion du 14 octobre 2010 à 15h00
Interdiction du cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale — Discussion d'une proposition de loi organique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Valax, rapporteur :

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je déplore que l'assistance soit si peu fournie pour un sujet aussi intéressant.

Il m'arrive de plus en plus souvent de me demander si ma fonction et mon rôle de député servent vraiment à quelque chose. Il doit vous arriver aussi de vous poser cette question, tant notre institution semble céder le pas devant les oukases gouvernementaux ou la logorrhée législative dont elle est alternativement la victime. Jean-Jacques Urvoas n'évoquait-il pas très récemment « l'agonie de la démocratie parlementaire » ? La belle idée selon laquelle le Parlement est le lieu de l'expression du peuple est de moins en moins d'actualité : les Français – poussés en cela par des démagogues qui n'ont eu de cesse de leur répéter que les politiques ne servaient à rien – se résignent. Pour certains, le système parlementaire serait inefficace, pour d'autres il serait même inutile.

Pour sauver notre institution à laquelle, je le sais, chacun de vous est attaché, l'heure est venue de réagir. Réagir, c'est accepter de remettre en cause nos fonctionnements individuels quelque peu égoïstes, c'est accepter de faire passer l'institution, son fonctionnement, son avenir, avant nos préoccupations égocentriques.

Je cite le rapport du comité Balladur de 2007 : « Le renforcement du Parlement par le biais d'attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n'a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d'exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. »

En effet – et c'est une réalité que nul ici ne peut contester –, le cumul des mandats aggrave le déséquilibre entre les pouvoirs, au détriment du législatif, dans la mesure où il ne permet pas aux parlementaires d'exercer pleinement leurs fonctions législatives ou de contrôle.

Cette pratique inégale nourrit également la désaffection du citoyen pour la chose publique. La limitation du cumul des mandats correspond à une attente forte de nos concitoyens.

Certains m'opposeront que ce sont les citoyens qui choisissent un candidat et l'élisent. Mais, selon Le Figaro magazine qui, en 2007, a demandé aux Français de définir le maire idéal, 74 % d'entre eux souhaitent un élu qui se consacre entièrement à sa fonction municipale, contre 16 % seulement qui souhaitent que le candidat dispose déjà d'un mandat parlementaire.

La réalité est tout autre. Si les Français sont dans leur grande majorité favorables au mandat unique, le choix qui leur est proposé est réduit puisque, la plupart du temps, les candidats présentés par les partis sont en situation de cumul.

Après ces observations d'ordre général, je développerai mon propos en trois points.

D'abord, le cumul des mandats reste une exception française. Le cumul entre mandat parlementaire et mandat local apparaît aujourd'hui comme la règle et le mandat unique comme l'exception.

Ce cumul est particulièrement ancré dans notre culture politique et le taux du cumul a presque doublé sous la Ve République.

Par ailleurs, quelles que soient les différences entre les systèmes politiques des grandes démocraties comparables à la nôtre, aucune ne pratique le cumul des mandats à l'échelle de ce que l'on observe en France.

Enfin, le cumul des mandats a un dernier effet négatif : comme le souligne Guy Carcassonne, s'il n'est pas juridiquement interdit, il devient politiquement obligatoire. En effet, nous rappelle cet auteur, le cumul facilite, voire garantit, l'élection et la réélection. Il permet d'asseoir sa notoriété sur un territoire en bénéficiant des réseaux locaux et nationaux. Les moyens matériels mis à la disposition des élus locaux permettent de démultiplier l'action d'une permanence de circonscription.

Mais il y a mieux puisque, en cas d'échec électoral, le cumul permet de garantir la longévité politique en offrant une certaine sécurité financière.

À ce stade, je me permets de citer M. Bernard Accoyer, président de notre institution : « Le cumul entre fonction exécutive locale et mandat parlementaire ne peut plus perdurer. »

J'en viens à un deuxième point : la revalorisation de l'exercice du mandat parlementaire – car tel est le but poursuivi par ce texte.

Pour l'élu local qui exerce dans le même temps un mandat national, les contraintes sont nombreuses. Le parlementaire ne peut participer à toutes les réunions locales sans avoir à choisir entre l'exercice d'un mandat national et la délégation de ses pouvoirs à un autre élu ou à des fonctionnaires. Ainsi, le cumul n'offre aux Français que des élus pressés, surmenés, sollicités de toute part ; en un mot, des élus soumis à la dictature du temps. Pour faire face à la technicité sans cesse croissante des problèmes, et au raffinement toujours plus grand des règles de droit, il n'est plus raisonnable de prétendre assumer plusieurs mandats simultanément, voire plusieurs fonctions exécutives.

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