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Intervention de Henriette Martinez

Réunion du 7 octobre 2010 à 9h30
Protection des mineurs roumains isolés en france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenriette Martinez :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qu'il nous est proposé de voter rendra effectif l'accord entre la France et la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d'origine ainsi – c'est important – qu'à la lutte contre les réseaux d'exploitation concernant les mineurs.

Dans son préambule, cet accord réaffirme les engagements pris par la France et la Roumanie dans le protocole des ministres de l'intérieur du 30 août 2002 relatif au renforcement de la coopération bilatérale afin de lutter contre la criminalité organisée et la traite des êtres humains – car c'est bien de cela qu'il s'agit.

En poursuivant la coopération qui existe déjà depuis l'accord du 4 octobre 2002 relatif à la protection des mineurs roumains, mineurs dont le nombre est estimé à 2000 en France pour une soixantaine de retours en 2003, les deux parties se réfèrent également – c'est la garantie de leurs intentions – à la Convention internationale des droits de l'enfant de l'ONU du 20 novembre 1989.

L'article 3 de cette convention stipule : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, quelles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

La notion d'intérêt supérieur de l'enfant a été introduite dans le code civil français à l'article 375-1 relatif à l'assistance éducative, article dans lequel il est écrit que le juge doit « se prononcer en stricte considération de l'intérêt de l'enfant ».

Je sais que la définition de l'intérêt supérieur de l'enfant peut être subjective et sujette à caution, et je comprends, compte tenu de mon engagement en faveur de la protection de l'enfance, que certains puissent s'interroger sur l'opportunité d'un retour de l'enfant, dans son intérêt justement, dans son pays d'origine. Moi-même, je me suis posé des questions. Aujourd'hui, je me demande, ces mineurs pouvant être originaires d'autres pays, de Bulgarie par exemple, si un tel accord ne pourrait pas leur être proposé.

En tout état de cause, le maintien systématique de ces mineurs sur notre territoire poserait problème au regard de la Convention internationale des droits de l'enfant, selon leur situation individuelle. De même que poserait problème leur reconduite systématique dans leur pays d'origine. Ce n'est pas ce que propose cette convention car le juge aura la responsabilité de déterminer ce qui est conforme à l'intérêt de ces mineurs après les avoir entendus, s'être assuré que leur retour dans leur pays d'origine ne présente aucun danger pour eux et correspond à leur souhait.

Qui sont ces mineurs roumains isolés sur notre territoire ? Victimes ou délinquants selon le regard qu'on leur porte, souvent les deux d'ailleurs par voie de conséquence, ces mineurs dont leur pays se soucie, à juste titre, avec la volonté d'en assumer la responsabilité, doivent retenir toute notre attention.

Nous ne pouvons que féliciter la Roumanie, pays désormais ami et partenaire au sein de l'Europe, de se préoccuper du sort de ces enfants, après une période noire de son histoire au cours de laquelle nous dénoncions les orphelinats roumains et les mauvais traitements qui étaient infligés aux enfants.

Enfants fugueurs, peut-être pour quelques-uns, enfants séparés de leurs parents, certainement, contrevenant ainsi à l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant, par lequel « les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré ». Enfants victimes de réseaux et de trafiquants, ils ont été amenés dans notre pays contre leur gré ou par abus de confiance d'eux-mêmes ou de leur famille. Enlevés, bernés, ainsi que leur famille, sur la finalité du voyage, drogués, ces enfants sont souvent vendus comme des marchandises, ils sont la proie d'un infâme trafic d'êtres humains qui alimente des réseaux pédophiles, de prostitution, de trafic de drogue, de vol organisé.

Ces réseaux opèrent par-delà nos frontières mais également sur notre propre sol. Nous ne pouvons tolérer une telle situation.

L'article 34 de la Convention internationale des droits de l'enfant, sur lequel j'ai essayé d'appuyer mon raisonnement et mes convictions, stipule : « Les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. À cette fin, les États prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher : que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale ; que des enfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales »…

Mais la France et la Roumanie ont également le devoir, toujours selon la Convention internationale des droits de l'enfant, plus précisément l'article 8 que Mme Fort a cité, de tout mettre en oeuvre pour respecter l'identité des enfants, en les aidant à retrouver leur pays d'origine et, si les conditions le permettent, leur famille dans le cadre de la coopération internationale.

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