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Intervention de Laurent Bigorgne

Réunion du 29 septembre 2010 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Laurent Bigorgne, directeur général adjoint de l'Institut Montaigne :

Oui, mais il y faut bien du courage et de l'abnégation !

J'en viens à l'aide individualisée aux élèves, sur laquelle 2 milliards sont fléchés chaque année. Mettez-vous cependant un instant à la place des personnels qui gèrent les politiques éducatives dans des communes comme Clichy ou Montfermeil : aucun de nous n'accepterait d'être confronté à pareil millefeuille de programmes et de budgets ! Il y a là matière à réflexion…

Personne ne peut être contre une aide individualisée, si elle est vraiment individualisée et utile. Mais deux heures, c'est à peine 10 % du temps scolaire… Ce qui est important, c'est ce qui se passe dans la classe. Si l'aide individualisée se fait sans soutien dans la classe ni connexion avec la classe, il y a peu de chances qu'elle ait l'efficacité espérée. L'effort doit à notre sens porter d'abord sur la salle de classe.

Vous me permettrez de ne pas me prononcer sur la « taille critique » des écoles. Nous avons identifié comme vous le passage du CM2 à la sixième comme un point névralgique, d'autant qu'il décuple l'angoisse des élèves en difficulté. J'en reviens donc toujours au même point : on intervient trop tard dans la chaîne éducative.

Vous m'avez parlé du métier d'enseignant. Quel fonctionnaire, quel salarié du privé vivrait bien avec 40 % d'échec dans sa tâche quotidienne, et ce depuis vingt ans, puisque nos résultats se dégradent continûment depuis 1987 ? Il y a certes un problème de formation initiale et un problème de formation continue, mais il y a surtout un problème de priorités. Qu'est-ce qui va le mieux nous aider à lutter contre l'échec scolaire ? Il faut un consensus national sur ce point, car les mesures à prendre, en particulier si on touche à la formation des enseignants, exigeront un débat au plus haut niveau.

L'échelon grande-section-CP-CE1 est fondamental : c'est là que se forgent les compétences indispensables pour l'avenir. C'est pourquoi il a été pensé en 1989 comme un cycle cohérent. Ce n'est hélas pas appliqué partout, mais lorsque c'est le cas – c'est-à-dire lorsqu'il y a un continuum pédagogique entre la grande section et le CP – cela se passe beaucoup mieux. Nous plaidons donc pour le renforcement de cet échelon, qui nous paraît essentiel.

Quant à la petite enfance, je pense qu'il y a là une carte à jouer puisque les communes ont à la fois compétence sur les écoles et sur la petite enfance. Les plus belles expériences de recherche pédagogique – celles que l'on a pu suivre sur vingt ou trente ans – ont concerné la petite enfance, entre zéro et cinq ans. On a par exemple suivi en Caroline et en Californie des populations difficiles : la différence à vingt ou trente ans entre celles qui ont bénéficié de protocoles pédagogiques du type de ceux que nous évoquons et celles qui n'en ont pas bénéficié est tout bonnement insupportable. Il n'y a pas à ciller : plus on prend précocement les enfants, mieux on peut traiter leurs difficultés en termes de maîtrise du vocabulaire et d'acquisitions langagières. Rappelons que s'agissant de la maîtrise des mots, la différence entre un enfant d'ouvrier et un enfant de cadre supérieur peut aller de 1 à 5 ou de 1 à 6 à l'âge de trois ans.

En ce qui concerne les rythmes scolaires, un seul chiffre : nous avons une année scolaire à 140 jours utiles, quand la plupart de nos voisins sont entre 190 et 220 jours. À cette difficulté s'en ajoute une seconde : nous avons sans doute l'année scolaire la plus dense. Si la Finlande – qui n'est pas la panacée – s'intéresse tant à l'éducation, c'est parce que c'est un petit pays où l'on estime que « perdre » ne serait-ce qu'un seul individu est une catastrophe. Le système scolaire se bat donc jusqu'au bout pour l'éviter, c'est une belle leçon. Il faut savoir qu'à six ou sept ans, les enfants finlandais ont 700 heures de cours, contre 900 en France – sur 140 jours !

Je ne prétends pas que nos propositions soient les meilleures. Nous pouvons en discuter, mais gardons en tête qu'avec l'année scolaire la plus courte et les charges horaires les plus lourdes, nous avons des résultats qui sont relativement médiocres.

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