Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Patrice Verchère

Réunion du 28 septembre 2010 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Verchère :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité vise d'abord à transposer dans notre droit national trois directives européennes issues du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, débattu lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008 et tendant à harmoniser les législations des pays membres en posant un cadre juridique global.

Il s'agit également de traduire juridiquement les conclusions du séminaire gouvernemental sur l'identité nationale du 8 février 2010.

Ce projet de loi a une double ambition : renforcer l'accueil et l'intégration des ressortissants étrangers entrant et vivant en France et lutter contre l'immigration irrégulière qui porte atteinte à notre capacité d'accueil.

Le premier objectif s'articule autour de trois actions. D'abord, la mise en place de la carte bleue européenne, qui rendra l'Europe et la France plus attractives en matière d'immigration légale du travail. Cette carte institue, pour la première fois, un titre unique de séjour dans les vingt-sept pays de l'Union conférant les mêmes droits à tous les travailleurs qualifiés.

Ensuite, les efforts d'intégration seront pris en compte, notamment par le respect du contrat d'accueil et d'intégration, qui permet le renouvellement des titres de séjour temporaires.

Enfin – et c'est une disposition à laquelle je suis personnellement très favorable –, cette acquisition de la nationalité française nécessitera la signature d'une charte des droits et des devoirs du citoyen qui traduira l'attachement aux principes et aux valeurs de notre République.

Le deuxième objectif – la lutte contre l'immigration illégale – ne se résume pas à une politique du chiffre qui n'aurait d'autre objet que de satisfaire quelques instincts grégaires ou d'indigner faussement l'opposition. Non, la lutte contre l'immigration illégale, telle que nous la concevons, est une lutte contre une forme d'esclavage moderne, contre l'exploitation par quelques réseaux mafieux de la misère humaine.

Ainsi, votre texte prévoit un arsenal de sanctions pénales, financières et administratives très lourdes contre ceux qui auraient recours volontairement à des travailleurs étrangers sans titre de séjour. Malgré leur situation irrégulière, ces derniers se verront également mieux protégés face à leurs employeurs, lesquels auront l'obligation de payer par exemple les arriérés de salaires ainsi que les frais de réacheminement des travailleurs qu'ils auraient employés illégalement.

Le projet de loi prévoit également d'améliorer les procédures d'éloignement. Aujourd'hui, 75 % des procédures de reconduite à la frontière n'aboutissent pas, au risque de créer un nouvel appel d'air pour les migrants clandestins. Il semble donc nécessaire de renforcer l'efficacité de ces procédures.

Ainsi, l'intervention des deux juges compétents en matière de contentieux de l'éloignement des étrangers s'organisera de manière plus cohérente et – il faut l'espérer – plus efficace.

La durée maximale de rétention administrative sera de quarante-cinq jours, contre trente-deux actuellement, ce qui facilitera l'aboutissement des procédures avec les pays d'origine dans les délais, tout en respectant une durée de privation de liberté humaine raisonnable, alors même que le droit européen autorise jusqu'à six mois de rétention.

Enfin, la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière sera facilitée – y compris pour les ressortissants européens – dans certaines situations, notamment en cas de renouvellement abusif de courts séjours visant à faire obstacle aux règles du long séjour, en cas d'accès frauduleux et déraisonnable aux prestations sociales ou encore lors de la réitération d'infractions créant un trouble à l'ordre public.

Pour terminer, ce texte prévoit, conformément au souhait formulé par le Président de la République dans son discours de Grenoble du 30 juillet dernier, d'étendre la déchéance de nationalité, déjà prévue à l'article 25 de notre code civil, aux Français naturalisés depuis moins de dix ans qui auraient commis une infraction particulièrement grave, telle l'atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

Il y a eu de nombreux apports de la commission des lois, avec un débat fort intéressant et constructif. Je voudrais en citer au moins un : l'introduction à l'article 1er de l'obligation d'effectuer un bilan triennal de la politique française de l'immigration, assorti d'un débat parlementaire.

Cependant, monsieur le ministre, il ne pourra être efficace qu'avec la création d'un registre de la population qui permettra d'avoir, sans tabous, les chiffres réels. En effet, aujourd'hui, en l'absence d'un tel registre, le débat est inutile car, à chaque fois, devant l'imbroglio de données en tous genres, il est impossible de connaître la réalité de l'immigration, ce qui amène très souvent – je dirai même trop souvent – à des fantasmes et à des rumeurs quant à l'importance, avérée ou non, de cette immigration. Cela n'est pas bon pour notre démocratie et contribue à créer sur le terrain des ambiances parfois délétères.

Ce texte n'est pas une énième loi sur l'immigration. Il est avant tout l'illustration de l'adaptation continuelle de notre droit, dans le respect de nos principes fondamentaux : adaptation au droit européen par la transposition des directives instituant, sous l'impulsion de la France, un cadre juridique communautaire, et adaptation aux nouvelles formes d'esclavage et de criminalité.

En favorisant l'immigration légale et l'intégration des étrangers, dans le respect de nos valeurs et de ce que nous sommes ; en luttant, dissuadant et sanctionnant plus efficacement le trafic d'êtres humains et l'exploitation de la misère, nous réaffirmons sans transiger notre tradition humaniste.

Mes chers collègues, je voudrais que vous en soyez tous convaincus comme je peux l'être moi-même : adopter une politique d'immigration ferme et généreuse, c'est renforcer la cohésion. En matière d'immigration maîtrisée, plus que dans tout autre domaine, demain se prépare vraiment aujourd'hui. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je soutiendrai votre texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion