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Intervention de Anny Poursinoff

Réunion du 8 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnny Poursinoff :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après cette mobilisation très réussie de nos concitoyens contre votre projet de réforme, après les orateurs qui sont intervenus à cette tribune pour dire avec des mots forts, empreints de responsabilité et d'émotion, pourquoi vous faites fausse route en vous obstinant à ne pas faire la réforme attendue, je vais à mon tour vous dire pourquoi votre projet n'est pas compatible avec la société que les écologistes veulent construire. Les déclarations du Président de la République, ce matin, n'y changent rien. L'hyperprésidentialisme ne peut se substituer à la démocratie.

Le Gouvernement vient de démontrer que la loi a été mal préparée. La société française ne peut pas s'organiser autour de ce seul slogan réducteur : « travailler plus pour gagner plus » ! Travailler plus pour gagner plus, c'est pourtant bien ce que, chaque jour, un grand nombre de nos concitoyens sont obligés de faire, parfois au risque de leur santé, uniquement pour nourrir leur famille et non pas pour devenir propriétaires ou pour assurer un héritage à leurs enfants.

Pensez-vous, monsieur le ministre, que les fonctionnaires pourront acheter des actions dans les fonds de pension ? Croyez-vous que les entreprises cesseront de pousser les seniors vers Pôle emploi, alors que, selon nous, ils pourraient faire valoir leurs droits à la retraite ?

Estimez-vous correct que des ouvriers, dont certains sont entrés en apprentissage à l'âge de seize ans, soient obligés de travailler plus de quarante ans pour prétendre enfin à se reposer ?

Il en est de même des aides maternelles, des femmes de ménage, souvent à temps partiel, qui elles aussi seront lourdement pénalisées par votre réforme.

Et que dites-vous à ces femmes qui ont élevé des enfants et qui ne pourront partir en retraite qu'à soixante-sept ans ?

Ce projet de réforme des retraites, nous ne pouvons le traduire que par : moins de justice sociale et plus d'inégalités !

En fait, vous nous proposez de travailler plus pour vivre moins bien, voire de travailler plus pour vivre moins.

Monsieur le ministre, vous assurezr que notre durée de vie en bonne santé, à nous qui sommes nés après la dernière guerre, sera plus longue : c'est faire bien peu de cas de la réalité ! Vous oubliez que si notre confort matériel a été meilleur depuis les années cinquante – et pas pour tout le monde –, nous mangeons de plus en plus de pesticides, nous buvons une eau contenant des substances, comme les hormones, qui n'ont pas encore montré tous leurs effets nocifs sur nos organismes. Les conditions de travail se sont intensifiées, nous sommes exposés à des radiations dont les effets sur notre santé n'ont pas encore été étudiés. En revanche nous connaissons une épidémie de cancer sans pareille, y compris chez les enfants et chez les adultes jeunes. La progression de la maladie d'Alzheimer est fort inquiétante. Et que dire des effets des OGM sur la biodiversité, dont nous sommes dépendants ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous entendre que nos concitoyens vous voient non pas comme un réformateur, mais comme un sabordeur des acquis sociaux qui ont fait notre pacte social ?

Monsieur le ministre, depuis mon entrée dans cette assemblée, le 11 juillet dernier, j'ai la conviction d'avoir été élue par les électeurs qui soutiennent mes valeurs écologistes, mes valeurs ancrées à gauche, mais aussi par vos électeurs traditionnels qui ne veulent pas voir saccager notre belle devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». Monsieur le ministre, nous avons été nombreux à le dire, ici et dans la rue, car cette situation est choquante, ce seront encore une fois les femmes qui seront les plus touchées par la réforme.

À l'initiative de nombreuses associations, nous avons demandé à la HALDE de se saisir des discriminations manifestes contenues dans ce projet de loi. Une étude d'impact différencié sur les femmes et les hommes doit être menée préalablement à toute réforme. Je pense en particulier aux salariés exposés à des produits toxiques, à ceux qui doivent porter des charges lourdes, ou qui doivent travailler la nuit. L'Association des accidentés de la vie demande que ceux qui vont mourir plus tôt cessent de travailler plus tôt. Il est de votre responsabilité de prendre en considération ces revendications, et pas seulement par des accords de branches, mais d'une manière globale. Les déclarations du Président de la République engageant la réforme de la médecine du travail au détour de cette réforme des retraites augmentent encore notre inquiétude.

De la même manière, promettre aux paysans qu'ils pourront partir à soixante ans ne change pas la question fondamentale de leur revenu. Est-il nécessaire de rappeler que 33 % des paysannes et des paysans vivent avec moins de 500 euros par mois, et 75 % avec moins de 700 euros, donc bien en deçà du seuil de pauvreté ?

Je pense aussi aux personnes en situation de handicap, dont les difficultés quotidiennes s'aggravent, l'âge venant.

Votre réforme va également toucher de plein fouet les actuels « oubliés de la retraite », les travailleurs et travailleuses migrants, qui méritent mieux que cette honteuse politique « d'immigration jetable » menée par le Gouvernement. Samedi dernier, la France était dans la rue pour refuser la peur de l'étranger que certains essaient d'utiliser comme écran de fumée. Il est temps de respecter celles et ceux qui ont consacré une vie de travail à construire notre économie.

Autre injustice présente dans votre projet de réforme : la différence de traitement entre les personnes mariées et pacsées. En cas de décès, les couples mariés et les couples pacsés doivent bénéficier des mêmes droits à percevoir une pension de réversion.

Le projet de société que vous nous proposez, qui consiste à enrichir les riches et à appauvrir les pauvres, je n'y adhère pas et je ne le soutiens pas.

Je le redis, cette réforme ne va pas dans le sens d'une « retraite juste et durable ». C'est pourquoi il est primordial que le régime par répartition soit conforté et que la solidarité intra et intergénérationnelle soit consolidée. Aujourd'hui, ce sont les petits salaires qui financent les petites retraites, et les gros salaires qui financent les grosses retraites !

Alors, non, vous ne nous ferez pas la démonstration que le recul de l'âge légal à soixante-deux, voire soixante-sept ans, est nécessaire pour sauver un système déjà porteur de discriminations et d'injustices. Les préceptes libéraux qui constituent les fondements de vos réflexions ne sont pas raisonnables !

D'autres solutions doivent être mises en place pour financer les retraites en répartissant mieux les richesses.

Voici quelques pistes, que je vous suggère d'analyser : doubler la CSG sur les revenus du patrimoine ; imposer une contribution sociale retraites sur les dividendes ; supprimer les exonérations inutiles de charges sociales, à commencer par celles portant sur les heures supplémentaires ; augmenter modérément les taux de cotisations ; favoriser le passage progressif à la retraite à temps partiel. Ces quelques pistes démontrent que d'autres réformes sont possibles. Il suffit de vouloir réformer pour plus de justice, et non l'inverse !

Oui, la recherche d'un financement soutenable des régimes de retraite est indissociable d'une réflexion plus générale sur l'organisation de notre société et sur notre mode de développement. Ce débat, mené sans concertation, et au pas de charge, n'a pas permis à la démocratie de s'exprimer.

Les écologistes proposent : la conversion écologique de l'économie ; le partage des ressources et du travail ; du temps libéré pour des activités d'utilité sociale ; une retraite active, inscrite dans la société, à vivre en pleine santé le plus longtemps possible.

Oui, il est temps de construire un monde plus juste, plus solidaire et plus durable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

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