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Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 8 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Les partisans de M. Copé étant partis, je m'adresse au reste de l'UMP et aux députés de gauche et du Nouveau Centre.

Dans la formidable mobilisation populaire d'hier, les femmes, salariées du privé ou fonctionnaires, étaient nombreuses à manifester pour leur droit au repos, pour leur droit au temps libre, pour leur droit à la retraite tout simplement, elles qui, le plus souvent, font la double journée tout au long de leur carrière professionnelle.

Elles ont dû être profondément révoltées lorsque, ce midi, elles ont écouté la fin de non-recevoir du Président de la République. Leur lutte pour le droit à la retraite est pourtant juste. Frappées par les inégalités dans leur rémunération et dans leur déroulement de carrière, elles sont aussi discriminées en matière d'accès à la retraite et de montant des pensions.

Combien de femmes retraitées sont aujourd'hui contraintes de choisir entre la facture de gaz et deux repas par jour ? Combien, après avoir travaillé toute leur vie, viennent discrètement solliciter des aides auprès d'organisations caritatives ? Avec un montant moyen de revenus de 825 euros, les femmes retraitées subissent en quelque sorte la double peine : celle des politiques de bas salaires et de précarité, co-organisées par le MEDEF et par votre majorité, et celle qui, depuis leur entrée sur le marché du travail, les a confinées aux salaires d'appoint dans une société patriarcale.

Oui, les femmes sont confrontées aux inégalités. Une réforme portant sur les retraites aurait pu contribuer à y remédier, si elle s'était fixé pour but l'intérêt général. Mais, monsieur le ministre, vous avez fait le choix de ne pas toucher aux égoïsmes financiers, et ainsi vous enfoncez le clou de l'inégalité.

Les femmes représentent 60 % des bas salaires, 82 % des emplois à temps partiel – et l'on sait bien que, loin d'être un choix, le temps partiel est désormais un mode d'embauche que vos lois libérales ont offert aux patrons. Or qui dit travail à temps partiel dit retraite partielle.

Cette double peine pèse aussi sur le déroulement de la carrière des femmes : précarité, charges parentales non partagées, incitation au retrait de l'activité professionnelle, chômage font que 44 % seulement des femmes valident une carrière complète, contre 86 % des hommes. Contrairement à ce que vous prétendez, cette différence tend à s'accroître.

Parlons enfin du niveau des pensions : 45 % des femmes, contre 28 % des hommes, se voient imposer une décote maximum. Le résultat est terrible : la pension moyenne des femmes ne représente que 62 % de celle des hommes, et même 48 % si l'on exclut les dispositifs familiaux. Vous nous dites que la réforme des retraites ne peut pas corriger les problèmes que rencontrent les femmes dans leur parcours professionnel ; mais ce sont vos logiques qui aggravent ces problèmes, comme elles aggravent la situation des femmes retraitées.

Vous trouvez, au contraire, que les femmes seraient encore trop privilégiées : vous remettez en cause le droit acquis, pour celles qui ont trois enfants, de partir de façon anticipée après quinze années de services dans la fonction publique. Pardon ! Dans un geste de grande générosité, il semblerait que le Président de la République ait évoqué ce matin l'idée d'exonérer de cette sanction les femmes qui sont à cinq ans de la retraite. Mais, monsieur le ministre, les femmes refusent les brioches de Marie-Antoinette ; ce qu'elles veulent, c'est du pain et de la justice !

Les mesures phares de votre projet constituent surtout une véritable remise en cause du droit à la retraite pour les femmes, car elles renforcent tous les facteurs d'inégalités. Avec d'autres députés, j'ai d'ailleurs saisi de ce dossier la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et je sais qu'elle examinera rapidement notre demande.

L'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein comme le report de l'âge légal de soixante à soixante-deux ans et celui de l'âge de la retraite à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans vont faire des femmes les principales cibles du dogme du Président de la République : « travailler plus pour gagner moins ».

C'est une tout autre direction qu'il faut prendre pour corriger les inégalités entre les femmes et les hommes. Il importe de s'en prendre aux rôles sexués responsables des inégalités, d'agir dans la sphère professionnelle sur les salaires, les carrières, les statuts, de sanctionner réellement les inégalités professionnelles, de prendre d'urgence des mesures spécifiques telles que la revalorisation du minimum contributif et, enfin, d'assurer le droit à la retraite à soixante ans à taux plein pour tous et toutes.

Garantir ce droit est possible contrairement à ce qu'assène M. Copé : cela passe par une nouvelle répartition des richesses produites par le travail au profit de l'emploi et de la solidarité. C'est l'objet de la proposition de loi déposée par notre groupe que vous refusez de discuter alors même que ses objectifs ont reçu un large soutien populaire : contribution des revenus financiers, suppression des dispositifs d'exonérations incitant aux bas salaires, modulation des cotisations patronales en faveur de l'emploi stable.

Vous n'avez cessé, monsieur le ministre, de présenter cette réforme comme juste, efficace et inéluctable. Aucun de ces adjectifs ne dit vrai. Le projet qui nous est proposé n'est recevable ni pour les hommes ni pour les femmes. Il enlise la société dans les bas-fonds des soumissions et des reculs engendrés par le règne de l'argent.

Décidément, l'émancipation des unes et des autres passe par l'autre réforme du financement des retraites que nous proposons. C'est en écho à tous ceux et celles qui sont en lutte que les députés communistes, tout au long de ce débat, défendront des solutions alternatives pour que la retraite reste un droit pour les hommes et les femmes de ce pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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