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Intervention de Daniel Boisserie

Réunion du 12 juillet 2010 à 18h00
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Boisserie :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, de nombreux points de ce projet de loi sont positifs : je pense plus particulièrement à la sanction de l'incitation directe et publique à commettre un génocide, à l'introduction d'un nouveau livre consacré aux crimes de guerre et à la précision de la définition du crime contre l'humanité, ainsi qu'à la mise en cause de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique.

Malgré tous ces satisfecit, un point de ce texte ne passe pas du tout, et provoque même une hostilité considérable qui unit toutes les associations d'anciens résistants, toutes celles et tous ceux qui n'ont pas oublié. Il s'agit de l'article 7, qui vise à prescrire les crimes de guerre commis il y a plus de trente ans.

Permettre la prescription au bout de trente ans est inacceptable. Si ma mémoire est bonne, madame la garde des sceaux, la loi confirmant l'imprescriptibilité des crimes de guerre avait été votée à l'unanimité en 2001 à l'Assemblée nationale. Nous sommes, encore aujourd'hui, 261 députés à l'avoir votée dans cette assemblée, et je crois me rappeler que vous l'aviez, vous aussi, votée à l'époque. Elle avait été paraphée par le président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin.

Une telle mesure, si elle était adoptée, serait une véritable injure jetée à la face de celles et ceux qui ont payé de leur vie les exactions des hordes nazies et de leurs affidés français. Ce serait tirer un trait sur les nombreux massacres qui ont ensanglanté le Lot, la Corrèze, la Dordogne, la Haute-Vienne et la Creuse.

J'étais, il y a quarante-huit heures, avec plusieurs de nos collègues parlementaires qui m'ont demandé de m'exprimer en leur nom. Pour n'en citer que deux, il s'agit de Jean Launay, pour les martyrs de Bretenoux, assassinés le 9 juin 1944, mais aussi de François Hollande, pour les 99 pendus et 149 déportés de Tulle, le 9 juin également. Je ne peux manquer d'évoquer les trente-quatre jeunes résistants assassinés au pont Lasveyras, entre Corrèze et Dordogne, tout près de Saint-Yrieix, sans oublier les centaines d'innocents fusillés tout au long des routes de Haute-Vienne.

Enfin, madame la garde des sceaux, je suis le député d'Oradour-sur-Glane. Oradour, où presque tous les Présidents de la République, tous les Premiers ministres, tous les secrétaires d'État aux anciens combattants sont venus se recueillir devant les ruines du village martyr. Ils en sont repartis profondément marqués par cette barbarie humaine. Oradour, c'est, ne l'oublions jamais, 642 victimes dont 247 enfants, brûlés vifs avec leurs mères dans l'église du village.

Vous connaissez Oradour-sur-Glane, madame la garde des sceaux. Oradour, village martyr s'il en est, avec ses maisons en ruines et les restes calcinés de jouets et de poussettes d'enfants. Prétendre que cela ressemble à un crime de droit commun, c'est méconnaître profondément l'énorme traumatisme vécu par les rares survivants et par les familles des victimes.

Instituer cette prescription, madame la garde des sceaux, c'est affirmer qu'écraser trente et un maquisards sous les chenilles des chars à Combeauvert, pendre à des réverbères 99 habitants de Tulle, brûler vifs ou fusiller 642 personnes à Oradour, ce n'est, somme toute, guère différent d'un crime de droit commun. C'est également ignorer l'importance que revêtent encore ces événements, soixante-dix ans après, dans la mémoire des Limousins et des Français, comme en témoignent chaque année les millions de personnes qui rendent hommage aux victimes de ces lâches assassinats.

Une prescription trentenaire pour les crimes de guerre, ce serait donner l'absolution aux bourreaux des femmes et des enfants d'Oradour. Ce serait comme gommer leurs crimes dans la mémoire collective.

Et, contrairement à ce que soutenait votre prédécesseur, Mme Dati, lors de la discussion de ce texte devant le Sénat le 10 juin 2008, jour anniversaire de la tragédie d'Oradour, le Gouvernement doit faire le choix de ne plus soumettre les crimes de guerre aux règles de prescription du droit commun.

En effet, si l'imprescriptibilité doit demeurer exceptionnelle, elle ne peut pas être limitée aux seuls crimes contre l'humanité. D'ailleurs, si nous déposions un recours auprès de la Cour pénale internationale, je me demande si la tragédie d'Oradour ne serait pas considérée comme un crime contre l'humanité.

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