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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 12 juillet 2010 à 18h00
Adaptation du droit pénal à l'institution de la cour pénale internationale — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La signature du traité de Rome en juillet 1998 a marqué une étape majeure dans la longue marche pour l'établissement d'une justice pénale internationale, avec la création de la Cour pénale internationale, première juridiction pénale internationale permanente, qui est entrée en fonction le 1er juillet 2002. La compétence de cette Cour, vous le savez, est limitée aux crimes les plus graves touchant l'ensemble de la communauté internationale : crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre, auxquels s'ajouteront sans doute prochainement les crimes d'agression.

La création de la CPI a déjà conduit notre pays à adapter son droit interne. En effet, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999, par laquelle il avait estimé que l'autorisation de ratifier le traité de Rome exigeait une révision de la Constitution, notamment en raison des immunités dont bénéficient en droit interne les parlementaires et le Président de la République, et en raison du fait que le procureur près la CPI peut procéder à certains actes d'enquête sur le territoire national hors la présence des autorités judiciaires françaises compétentes, la Constitution a été révisée le 28 juin 1999. Un nouvel article 53-2, non modifié par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, a été introduit, aux termes duquel « la République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998 ». Cette révision a ouvert la voie à la ratification du traité par la France, intervenue le 9 juin 2000.

Seconde étape de l'adaptation de notre droit, la loi procédurale du 26 février 2002 a été adoptée avant même l'entrée en fonction de la CPI, car les dispositions de cette loi étaient indispensables au fonctionnement même de la Cour. Cette loi a défini les conditions de la coopération de la France avec la Cour pénale internationale, non seulement s'agissant de l'arrestation et de la remise des personnes réclamées par la Cour, mais également en matière d'exécution des peines prononcées par elle.

Le présent projet de loi constitue le troisième volet de l'adaptation de notre droit à l'instauration de la Cour pénale internationale. Cette fois, il s'agit d'une adaptation de fond : le projet entend incorporer dans notre droit pénal les infractions prévues par la convention de Rome et qui font encore pour partie défaut en droit interne.

Ainsi, notre droit pénal ne reconnaît pas aujourd'hui en tant que tels les crimes de guerre. La plupart des actes relevant de cette définition peuvent d'ores et déjà être poursuivis sur la base des dispositions de droit commun de notre code pénal telles que celles punissant l'assassinat, les actes de torture, les prises d'otages, les violences sexuelles ou les destructions, mais ces disposions ne permettent pas de prendre en compte la spécificité des infractions liées à un conflit armé et leur particulière gravité compte tenu, notamment, de la situation de plus grande vulnérabilité des populations civiles.

Seuls les crimes contre l'humanité commis en temps de guerre font l'objet d'une disposition spécifique. L'article 212-2 du code pénal punit de la réclusion criminelle à perpétuité les crimes contre l'humanité commis en temps de guerre en exécution d'un plan concerté.

Prenant acte de cette lacune de notre droit, la France s'est d'ailleurs prévalue des dispositions de l'article 124 du statut de Rome, qui permet aux États parties de déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur du statut, soit jusqu'au 1er juillet 2009 au plus tard, ils n'accepteront pas la compétence de la Cour à l'égard des crimes de guerre lorsque de tels crimes ont été commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants. Le Gouvernement français a cependant, par anticipation sur le vote de la loi, retiré sa déclaration dès le 15 juin 2008. Depuis cette date, la France reconnaît ainsi la compétence de la Cour pénale internationale pour juger des crimes de guerre.

Pourquoi le présent projet de loi est-il nécessaire ? Il n'existe aucune disposition dans le statut de Rome qui obligerait les États parties à harmoniser la définition en droit interne des crimes relevant de la compétence de la Cour. Pour autant, l'adaptation de notre droit pénal interne est rendue nécessaire par l'application du principe de complémentarité posé par l'article 1er de la convention de Rome, en vertu duquel il incombe au premier chef aux États parties de juger des crimes relevant de ce statut, dans le cadre des procédures propres à chaque État, tandis que la Cour pénale internationale n'exerce sa compétence que dans le cas où les États ne veulent ou ne peuvent poursuivre les auteurs de telles infractions, afin de mettre fin à toute impunité. Dès lors, toute carence dans la législation interne induit nécessairement la compétence de la Cour pénale internationale.

Derrière cette raison juridique, il y a aussi des raisons plus politiques. La mise en place d'un système pénal international efficace suppose le concours de toutes les justices nationales ; notre pays, qui a joué, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre d'État, un rôle majeur dans les négociations du statut de la Cour, se doit d'être exemplaire en la matière.

Je voudrais à présent dire quelques mots des articles du projet de loi, qui visent, pour l'essentiel, à compléter les incriminations prévues par notre code pénal.

Le projet de loi sanctionne tout d'abord l'incitation directe et publique à commettre un génocide. C'est l'objet de l'article 1er.

Il précise en outre, à l'article 2, la définition du crime contre l'humanité.

Il permet la mise en cause de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique, militaire ou civil, du fait de sa complicité passive à l'égard d'un crime contre l'humanité ou d'un crime de guerre commis par un subordonné, sans pour autant que le subordonné ne puisse s'affranchir de sa propre responsabilité au seul motif qu'il a exécuté un ordre. C'est l'objet des articles 3 et 8.

De même, le projet de loi introduit dans le code pénal un nouveau livre consacré aux crimes de guerre ; c'est l'objet de l'important article 7.

Il faut souligner que le présent texte est un projet d'adaptation de notre droit pénal au statut de la Cour pénale internationale et non un texte de transposition du statut de Rome.

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