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Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 7 juillet 2010 à 15h00
Interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort :

Monsieur le président, madame la ministre d'État, chers collègues, « nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Autrement dit : pour des raisons de sécurité, d'ordre et de respect, on ne masque son visage ni sur les voies publiques ni dans les lieux ouverts au public ou affectés à un service au public. C'est là un principe élémentaire du vivre-ensemble. Nous ne pouvons d'ailleurs que regretter d'être aujourd'hui contraints à légiférer sur un tel sujet.

Conformément à la déclaration du Président de la République devant le Congrès réuni à Versailles, nous pouvons aujourd'hui, grâce à la sagesse de la garde des sceaux, traduire dans ce projet de loi un principe général d'application très concrète. Ce texte ne stigmatise pas ; il affirme une règle de vie et un impératif d'ordre public.

On nous demandera, peut-être, en quoi marcher à visage masqué dans la rue relève de l'incivisme. Sincèrement, le bon sens répond à cette question. Rappelons tout de même que cacher son visage, c'est dire : « Je ne me reconnais pas des vôtres, pas plus que je ne vous reconnais des miens. » C'est dire aussi : « Je vous perçois comme une menace ». Et cela signifie encore : « Je peux en être une pour vous. »

Masquer son visage, c'est donc s'inscrire a priori dans une relation de violence à l'autre. C'est marquer son refus des principes fondateurs de notre République : la fraternité évidemment, l'égalité aussi et, sans aucun doute, la liberté. C'est se croire dans une société de castes. Or la République, ce n'est pas cela.

Ainsi, dès lors que ce phénomène prend une ampleur telle qu'il met en cause l'ordre social et républicain et, surtout, la dignité de chacun, à commencer par celle des femmes, nous nous devons d'intervenir. Dans notre pays, l'irrespect et la menace ne sont ni une option ni une liberté. C'est bien le sens de la réflexion et de la responsabilité que nous avons prise autour de Jean-François Copé dont il faut saluer la détermination et la clairvoyance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

J'en profite pour remercier André Gerin qui a su dépasser les minables oppositions qui obèrent trop souvent notre vie politique. Il l'a fait, avec sincérité, au nom de l'intérêt général et de l'intérêt des femmes en particulier. En homme de terrain, il a su dénoncer, à juste titre, ce que tout le monde connaît parfaitement mais qui, par démagogie, est dénoncé par trop peu d'entre nous.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui résulte de notre confrontation à deux phénomènes réunis par une même manifestation. Ici, on vandalise et on agresse en toute impunité jusqu'en plein jour devant les caméras de télévisions. Là, on proclame une appartenance sectaire et son hostilité à la République et à ses valeurs. Dans les deux cas, un même moyen est utilisé : masquer son visage. C'est une forme de honte ou de manque de courage.

La loi, cette loi dont le principe tient en une phrase très simple rappelant l'évidence, répond donc avec nuance et pertinence à ces deux maux et à l'incivisme qu'ils traduisent. Dans son article 4, elle prévoit des sanctions – un an de prison et 30 000 euros d'amende, et deux ans et 60 000 euros si la victime est mineure – contre ceux qui contraindraient d'autres individus, des femmes notamment, à se masquer le visage au mépris de leur dignité. Ces sanctions ne sont pas des plus sévères, elles me semblent adaptées à ces infractions lourdes de sens. J'ai évoqué le rappel au civisme, n'oublions pas qu'il s'agit aussi et surtout de dignité humaine.

Car, au-delà de la violence des voyous, nous voulons nous attaquer à celle ces hommes tyranniques qui considèrent la femme comme un objet, signe extérieur de richesse parmi d'autres. Un objet que l'on emprisonne pour le cacher aux regards des autres, forcément impurs. Laisser se diffuser le voile intégral, c'est laisser prospérer ces tyrans. Je ne peux m'y résoudre.

On entend que la loi serait difficilement applicable. Je m'inscris en faux. D'abord, elle est un outil de rappel d'une règle essentielle du vivre ensemble. Tout Français pourra se l'approprier. Ensuite, chacun constatera que la loi est très concrète : elle est adaptée à la diversité des situations.

Cela me rappelle un débat d'une tout autre nature dans l'Amérique des années trente. À l'époque, une loi similaire avait été votée en Louisiane. La cible en était le Ku Klux Klan. On disait que la loi n'était pas applicable ; l'histoire a prouvé le contraire. Le Klan a commencé à régresser à partir du vote de cette loi, parce qu'elle disait, somme toute, que dissimuler son visage pour exercer une violence physique ou psychologique sur d'autres individus ou groupes d'individus, en même temps que sur la société dans son ensemble, est inacceptable et contraire au principe fondateur de toute société ainsi qu'à l'intérêt général.

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