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Intervention de Henri Nayrou

Réunion du 1er juillet 2010 à 9h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Nayrou :

Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, monsieur Chassaigne !

Mais la réalité est tout autre. L'agriculture rurale et montagnarde souffre. Si on ne lui vient pas en aide concrètement et rapidement, elle va disparaître et, avec elle, l'entretien de paysages remarquables et partout pénétrables pour le tourisme, 1'agrotourisme, 1'agroalimentaire. Avec toutes ces activités, c'est tout simplement la vie qui risque de s'arrêter dans ces contrées. Les problèmes de handicap naturel, de lait, de maladies, de prédateurs, de fluctuations de cours, de rentabilité, de successions, d'installations de jeunes, de noirs présages à l'horizon 2013, de sombres enjeux suspendus aux négociations commerciales internationales dans le cadre de l'OMC : tout cela va conduire inéluctablement, comme le dirait Mme Bachelot, à la désespérance et à l'abandon. Là, je ne hurle ni avec les loups, ni d'ailleurs avec les ours, je dis en termes simples ce qui va compliquer paradoxalement la mise en place d'un système de production sous-tendu dans cet article 1er.

Je vous prends au mot, monsieur le ministre. Il y a, à l'article 1er, les ingrédients pour redonner un sens à l'agriculture traditionnelle et un goût incomparable à ses produits dans l'assiette. Hier, dans Les Échos, vous avez déclaré votre ambition de venir en aide aux zones difficiles comme les montagnes. Il ne vous reste plus qu'à passer aux actes, ce qui se fera plus par votre budget que par votre loi.

Comme président de l'ANEM, je regrette à cet égard qu'aucun des 24 articles des cinq titres de votre projet de loi n'ait été dévolu à la seule montagne qui comprend pourtant 50 000 exploitations valorisant 14 % de la surface agricole sur des surfaces herbeuses à 70 % – vous comprenez ce que je veux dire. Mais l'affichage compte moins que les écueils guettant les travailleurs des terrains en pente !

Vous proposez des pistes comme la contractualisation. Ce pourrait être, en effet, une avancée majeure si la chaîne des opérateurs liés par contrat allait jusqu'à l'utilisateur final ou au distributeur des produits, ce que semble permettre la LMA. Hélas ! votre texte ne l'impose pas. Il pourrait être opportun de rendre cette contractualisation « chaînée » obligatoire de l'amont à l'aval dès lors qu'un accord interprofessionnel serait trouvé pour la filière considérée. Si le contrat ne concerne que l'agriculteur et l'acheteur de ses matières premières, la répartition de la valeur ajoutée au sein d'une filière sera forcément limitée.

Je ferai la même remarque s'agissant de l'Observatoire de la formation des prix et des marges car, si la transparence des marges au niveau de la dernière transformation ou de la distribution n'est pas garantie, l'impact et les enseignements tirés de cet outil resteront limités.

Un mot sur la gestion des risques. Le fonds d'indemnisation des calamités agricoles était abondé en principe à parité entre les surtaxes payées par les agriculteurs sur leurs primes d'assurances et des subventions de l'État. Si ces deux modes d'abondement sont toujours prévus, la LMA ne prévoit pas d'obligation de parité. Forte donc est l'inquiétude pour ce fonds, qui servira désormais également à prendre en charge une part des cotisations d'assurance. Le risque est de voir diminuer fortement les disponibilités pour les indemnisations de type sécheresse.

Quant à la Commission consultative de consommation des espaces agricoles, elle n'aura qu'un avis à formuler, ce qui ne va pas changer grand-chose.

Enfin, je tiens à évoquer brièvement quelques sujets d'inquiétude concernant l'absence de trace d'une exploitation enfin efficace de la forêt française. J'aurai peut-être l'occasion de vous faire des propositions dans ce sens. Nous avons des craintes sur le maintien des 15 millions destinés aux ADASEA, même si vous prévoyez de les substituer aux chambres d'agriculture pour l'installation de jeunes agriculteurs, ainsi que sur le décalage croissant entre les crédits français opérant en contrepartie et les besoins.

Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples. S'agissant de la PHAE, pour 2009 il a manqué en Ariège 800 000 euros, sur les 1,7 million d'euros demandés. En Midi-Pyrénées, les aides à la conversion à l'agriculture biologique s'élevaient à 9 millions d'euros, pour des attentes dépassant les 20 millions, ce qui est jugé désastreux par les acteurs du terrain ayant cru sur parole vos orientations, monsieur le ministre, ainsi que celles de MM. Barnier et Borloo. Car je ne vous cache pas que, dans le domaine des produits de qualité consommés en quantité, c'est quand le prix de revient colle au prix de vente qu'une vente à l'unité se transforme en succès pour la restauration collective – un travail de fourmi en excellence gustative et une niche en réussite économique.

Le delta, vous le connaissez, ce sont les aides publiques, levier indispensable pour passer d'un système intensif et industriel à un autre, extensif et traditionnel.

Nous retournons donc à la case départ, celle de l'article 1er qui n'aura de sens que quand vous donnerez les moyens à l'agriculture vertueuse – au-delà du bio – d'échapper à la mort. Comme Germinal Peiro, je souhaite la bienvenue au club aux députés de la majorité ; nous sommes heureux de vous retrouver, chers collègues, sur un sujet longuement combattu par vos prédécesseurs.

Monsieur le ministre, j'espère que vos engagements sont chiffrés. Nous vous jugerons aux résultats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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