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Intervention de Annick Le Loch

Réunion du 30 juin 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch :

Il n'en demeure pas moins que je m'étonne de la faiblesse des propositions dans certains domaines. J'aimerais attirer votre attention sur l'un d'entre eux en particulier : le foisonnement de labels, dont aucun ou presque n'est clair pour le consommateur. Des signes officiels de qualité et de provenance comme le label rouge ou les AOP et IGP, côtoient des marques collectives simples et de certification. Je ne nie pas l'utilité de ces signes, pris individuellement, mais leur prolifération ne peut qu'entretenir la confusion dans l'esprit du consommateur. C'est d'ailleurs ce que remarque l'eurodéputé Alain Cadec dans son rapport pour le Parlement européen du 5 mars 2010 sur le régime des produits importés de la pêche et de l'aquaculture. Il préconisait à ce sujet de « mettre un terme à la prolifération incontrôlée des systèmes de certification privée ».

Il est urgent de réfléchir à une clarification et au sens que l'on souhaite donner à certaines identifications à l'avenir. Il me semble souhaitable d'aller vers une marque de certification d'entreprise « pêcheurs responsables », ou encore de créer un éco-label reprenant les critères de pêche responsable dégagés par la FAO. Cet éco-label concrétiserait le souhait manifesté au moment de la loi Grenelle II. Je reviendrai plus tard sur cette question centrale qui conditionne la bonne valorisation des produits de la pêche et donc les résultats de toute la filière.

Mais je ne peux finir cet état des lieux de la pêche française sans une analyse plus globale de votre politique depuis 2007. Le 16 janvier 2008, un plan pour une pêche durable et responsable était présenté à l'Élysée. L'annonce du déblocage de 310 millions d'euros en trois ans était un geste fort, qui a moins suscité d'espoirs qu'il n'a permis d'éteindre provisoirement la colère dans les ports français. Pourtant, quel est le bilan précis de toutes les mesures annoncées ? Aide sociale, aide d'urgence, aide minimale, plan de sécurité, contrats bleus, mon sentiment est que le suivi des annonces est bien difficile à assurer.

Sur le terrain, je vois surtout l'attrait que représente pour de nombreux patrons pêcheurs le plan de sortie de flotte. Est-ce ainsi, en cassant des bateaux, que l'on modernise la pêche ? Ces plans de sortie de flotte ressemblent d'ailleurs à de mini plans sociaux qui ne disent pas leur nom, mais dont les dégâts en termes d'emplois dans les entreprises de la filière sont conséquents.

Même lorsque les mesures annoncées vont dans le bon sens, et je ne nie pas qu'elles existent, je m'étonne du manque de transparence et de lisibilité qui entoure leur financement et leur mise en oeuvre. Une action me tient particulièrement à coeur, ce sont les contrats bleus, qui ont été construits pour partie en Bretagne. C'est à mon avis une voie d'avenir, dans laquelle de nombreux professionnels bretons se sont résolument engagés. Pourtant, il est bien difficile aujourd'hui de connaître le bilan précis des contrats déjà validés depuis 2008, le montant exact des versements déjà effectués et la somme qu'entend provisionner chaque année l'État afin de les pérenniser. Mais se donne-t-on vraiment le temps, existe-t-il une volonté de dresser des bilans crédibles lorsque la réalité ne se traduit que dans l'ouverture de grands chantiers tels que le Grenelle de la mer ou les assises de la mer, qui peinent à trouver une traduction concrète ? Au fil des mois, que constate-t-on sur le terrain ? Les tonnages diminuent, les prix moyens sont à la baisse, or la pêche française doit conserver une taille critique pour survivre.

Pour aider à la mise en oeuvre du plan pêche, il aurait été souhaitable de mieux associer les élus locaux et les parlementaires, et surtout de les informer régulièrement du degré d'avancement des mesures. Aujourd'hui, en réalité, j'apprends la plupart du temps par les acteurs de la pêche que je rencontre au gré de mes déplacements que telle ou telle décision est intervenue à la suite d'une rencontre, quelquefois directement organisée à l'Élysée. Tout cela finit par laisser penser qu'aucune méthode précise n'est à l'oeuvre, alors même que le plan de 2008 comporte de nombreuses mesures intéressantes.

Au-delà de cet état des lieux, de ces éléments de constat qu'il me semblait important de rappeler, ce projet de loi va-t-il aider le secteur ?

Je crois qu'il serait aussi excessif de dire que ce texte contient de mauvaises dispositions que d'affirmer qu'elles sont à la hauteur des enjeux de la pêche française. En réalité, il n'y a que peu de choses la concernant dans ce texte. Rien sur les hommes ou l'attractivité du métier. Et ce ne sont pas les nombreuses dérogations accordées en ce moment pour que les équipages puissent être au complet dans les bateaux qui me feront dire le contraire. Il est absolument nécessaire aujourd'hui de se préoccuper prioritairement de cette attractivité du métier, et des hommes. Le texte ne prévoit rien non plus pour le renouvellement de la flottille et la sécurité des bateaux. Certes, il s'agit d'une politique européenne, et la France n'a pas systématiquement à s'y intéresser mais, tout de même, cette activité me semble en danger.

La seule ambition affichée de ce projet de loi est de moderniser la gouvernance de la pêche et de l'aquaculture. Et même sur ce point précis, on ne peut pas dire que l'audace soit au rendez-vous. Que peut-on concrètement attendre du comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l'aquaculture ? Il ne pourra formuler que des recommandations et des avis pour le compte du conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halioalimentaire, lui-même ne participant que pour avis.

Autre point important du texte, vous proposez la suppression des comités locaux tels qu'on les connaît actuellement. Cette mesure pourrait se comprendre si les comités départementaux, interdépartementaux et régionaux connaissaient dans le même temps une clarification de leurs prérogatives. En fait, votre texte ne choisit pas la voie de la clarification. Il revient à retirer aux acteurs locaux leur pouvoir décisionnel et à transférer aux échelons supérieurs des compétences mal définies. Dans ce contexte, il est même à craindre – et les députés socialistes seront extrêmement vigilants sur ce point – que vous vous serviez de ce texte pour reporter sur les conseils généraux et surtout régionaux le financement des moyens de fonctionnement des antennes locales. D'ailleurs, la problématique du financement se pose globalement pour tous.

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