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Intervention de Marie-Jo Zimmermann

Réunion du 28 juin 2010 à 17h00
Moyens du parlement pour le contrôle de l'action du gouvernement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Jo Zimmermann :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a considérablement élargi les prérogatives du Parlement. L'article 24 de la Constitution définit dans le même alinéa sa triple mission : il vote la loi, il contrôle l'action du Gouvernement, il évalue les politiques publiques.

Nous, parlementaires, devons désormais accompagner les textes législatifs tant dans leur conception que dans leur application, engageant ainsi le Parlement sur le chemin d'un exercice cohérent de ses fonctions. En effet, dès que l'on parle de contrôle et d'évaluation, on pose la question du sens même de notre activité de législateur. Combien de lois avons-nous déjà votées qui ne sont toujours pas appliquées ? Il ne suffit pas de voter la loi : nous avons aussi une responsabilité en termes de concrétisation des textes que nous votons. Si nous nous dédouanons de cet impératif, nous dévalorisons non seulement la valeur de nos débats, mais aussi le projet de société que nous défendons. Prenons l'exemple des six lois votées depuis 1972 concernant l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes : aujourd'hui, elles restent encore lettre morte dans la plupart des entreprises.

Parler d'évaluation et de contrôle, c'est aussi prendre un rendez-vous avec la modernité, au-delà des clivages politiques. Ainsi, Guy Carcassonne considère qu'un Parlement est moderne quand il « contrôle beaucoup et légifère peu » et que « la législation devrait être le produit du contrôle ». L'évaluation et le contrôle ne sont pas simplement des activités a posteriori : ils permettent d'établir un lien fort entre les intentions politiques et la réalité que vivent nos concitoyens. La loi modifie le terrain, et le terrain peut, en retour, modifier la façon dont les parlementaires pensent la loi. C'est tout le rôle des études d'impact, véritables outils d'évaluation et d'aide à la décision.

Je me permets à cette occasion de regretter une nouvelle fois que le Sénat ait évacué du texte de loi organique la mention expresse précisant que les études d'impact devaient aussi faire état des conséquences induites par un projet de loi en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.

Doter le Parlement de nouveaux pouvoirs dans la Constitution constitue certes une avancée majeure, mais il ne s'agit que d'une première étape. Il ne faudrait pas, sans le voir ni le vouloir, laisser des principes essentiels perdre de leur substance. Un défi se présente à nous : il nous faut maintenant nous approprier ces nouveaux pouvoirs. Nous devons les exercer, les normaliser, les banaliser en quelque sorte. La création au sein de notre assemblée du comité d'évaluation et de contrôle lors de la réforme du règlement a marqué un tournant. Nous disposons désormais d'une instance identifiée qui sert notre volonté d'assumer notre mission. Je salue à cet égard le travail précieux qui a déjà été fourni par nos collègues.

Dans ce contexte, il est normal que le Parlement dispose de moyens renforcés pour remplir sa mission d'évaluation. C'est l'objet de la proposition de loi déposée par le président Accoyer, auquel je tiens à rendre hommage, que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture après son passage controversé au Sénat. Le travail de la commission des lois a permis de rééquilibrer le texte en retrouvant son esprit initial, et je me félicite de l'action de M. le rapporteur.

En effet, pourquoi créer une nouvelle instance d'évaluation comme le comité d'évaluation et de contrôle, si c'est pour lui octroyer le même pourvoir limité en termes d'évaluation, que celui dévolu aux commissions permanentes ? Il est normal que les rapporteurs désignés par le comité d'évaluation et de contrôle, ainsi que par la délégation aux droits des femmes, qui sont les instances d'évaluations de notre assemblée dont les domaines de compétence dépassent ceux d'une commission permanente, puissent exercer leur mission sur pièce et sur place, à l'instar des rapporteurs des commissions d'enquête. Or, dans le texte voté par le Sénat, ils ne pouvaient bénéficier de ces prérogatives que dans le cadre d'un vote l'autorisant, et pour une mission déterminée n'excédant pas six mois.

La volonté sénatoriale de rééquilibrage entre les commissions permanentes ou spéciales et les instances d'évaluation revenait tout simplement à priver les instances d'évaluation de pouvoirs indispensables à l'exercice de leur mission. Il faudra donc faire preuve de vigilance lors de la commission mixte paritaire pour préserver cette avancée importante. Je me félicite par ailleurs que les instances d'évaluation puissent bientôt convoquer toute personne dont elles considèrent l'audition nécessaire.

Il est tout aussi indispensable que le comité d'évaluation et de contrôle, la délégation aux droits des femmes ainsi que les commissions permanentes puissent adresser des demandes à la Cour des comptes, demandes qui seront filtrées par 1e président de l'Assemblée nationale. Il me semble légitime de ne pas instituer une hiérarchie consistant à privilégier les demandes des commissions des finances et des affaires sociales au détriment de celles des instances de contrôle et d'évaluation. Il est important que les instances d'évaluation gardent, la possibilité d'adresser une demande à la Cour des comptes sur tous les sujets, y compris ceux qui relèvent des finances publiques et sociales. Encore une fois, la commission a fait le bon choix.

Le Parlement doit se donner les moyens de ses ambitions. En conséquence, les instances d'évaluation et de contrôle doivent bénéficier d'une légitimité incontestable. Cette légitimité passera par une action transversale et par un accès garanti aux sources d'information nécessaires. Nous ne voulons pas d'un Parlement au rabais, ou d'une cellule d'évaluation qui ressemblerait à une coquille vide. Nous avons l'occasion aujourd'hui d'ouvrir un chantier aussi immense qu'essentiel pour le Parlement et pour l'équilibre des pouvoirs dans notre pays. Il faut assurer la continuité de la révision constitutionnelle de 2008.

Le groupe UMP estime que cette proposition de loi permet de donner au Parlement les instruments dont il a besoin pour engager une action de contrôle et d'évaluation à la fois fiable et nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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