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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 23 juin 2010 à 21h30
Modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées — Discussion d'un projet de loi et d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

La crédibilité de la justice, du droit, de la loi en souffre, mais également la confiance des justiciables.

La proposition de loi, quant à elle, rationalise la répartition des contentieux entre le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance en matière d'exécution des décisions de justice.

Des blocs cohérents de compétences faciliteront l'accès du justiciable à l'autorité judiciaire : la partie qui a gagné pour obtenir l'exécution d'une décision, la partie perdante pour obtenir des délais ou contester une mesure d'exécution. Ce sont là les deux blocs de compétences que nous séparons.

Le juge de l'exécution est ainsi recentré sur les difficultés liées aux voies d'exécution. Le juge d'instance se voit confier la compétence en matière de surendettement – c'est le texte qui a été voté par votre commission.

La procédure participative a pour finalité de favoriser le règlement amiable des conflits. Nous le voyons bien, depuis quelques années, notre pays est soumis à une montée de la judiciarisation de l'ensemble des relations publiques. Nous avons malheureusement pris ce défaut, sans doute, aux États-Unis. Mais aujourd'hui, c'est quelque chose que nous contestons de plus en plus.

Face à cette judiciarisation, et face aux attentes de nos concitoyens, qui se plaignent de la lenteur de la justice, de son coût, des lourdeurs procédurales, le droit civil ne peut se limiter au règlement contentieux des litiges. C'est la raison pour laquelle je vous propose de développer, chaque fois que cela est possible, un règlement amiable.

L'avantage du règlement amiable, ce n'est pas seulement d'éviter la lourdeur d'une procédure contentieuse qui va jusqu'à son terme. Ma conviction profonde, notamment au regard de ce que j'ai pu observer dans certaines sociétés différentes de la nôtre, c'est que le règlement amiable va également dans le sens d'une société plus apaisée. Quand un contentieux est tranché au terme d'un procès, vous avez de toute façon deux mécontents : celui qui a gagné estime toujours qu'il n'a pas gagné tout ce qu'il aurait voulu, et celui qui a perdu, bien entendu, n'est pas content. Le résultat, c'est que les gens restent dans une situation d'antagonisme.

Je pense qu'il faut au contraire, en rapprochant les points de vue en amont, tenter d'éviter un antagonisme, et surtout un antagonisme qui dure. Bien entendu, ce n'est pas toujours possible. Mais dans un certain nombre de cas, quand on peut, par la conciliation, arriver à rapprocher les points de vue, je pense que l'on fait un travail qui répond aux attentes de nos concitoyens, mais qui est aussi globalement utile en ceci qu'il essaie de privilégier la continuation des relations entre les justiciables même si, à un moment, il y a eu des divergences d'intérêts.

La procédure participative instituée par la proposition de loi n'écarte pas pour autant l'avocat. Au contraire, elle le renforce, elle le conforte dans son rôle d'assistance et de conseil.

La convention de procédure participative offre un cadre adapté à la résolution amiable d'un conflit, alors même que les parties ont déjà saisi un avocat. Si l'on arrive à faire signer cette convention, elle sera alors homologuée par les juridictions.

Bien sûr, on n'arrivera pas forcément à concilier. Mais même si un désaccord demeure, tout le travail préalable de mise en état aura permis d'accélérer ensuite les procédures et de simplifier le rendu du jugement.

Bien entendu, cette procédure nouvelle ne remet pas en cause les autres formes de règlement amiable des conflits qui existent déjà dans notre droit : la conciliation, la médiation, ou encore les règlements amiables auxquels parviennent avec succès les assureurs dans le cadre des contrats de protection juridique.

Mais nous avons là une procédure qui nous permet d'avancer vers la recherche de meilleures solutions, et de solutions plus rapides.

Le troisième objectif des deux textes qui vous sont soumis, c'est de moderniser l'exercice des professions du droit.

Toutes les professions, mais encore plus celles du droit, doivent aujourd'hui s'adapter, se moderniser pour faire face aux demandes de la clientèle et aux exigences d'un marché internationalisé.

Les deux textes soumis à votre examen modernisent, d'une part, le cadre d'exercice, et d'autre part, les pratiques professionnelles.

S'agissant de la modernisation du cadre d'exercice, le rapprochement des professions est un facteur de modernisation et une réponse à la concurrence internationale. J'ai bien dit un rapprochement, je n'ai pas dit un mélange, ni un empiètement. Ma conviction, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, c'est que chacun doit faire ce dans quoi il est spécialisé, ce pour quoi il a été formé et a un certain nombre de compétences. Mais cela ne veut pas dire que chacun doit ignorer l'autre. Il faut toujours avoir à l'esprit l'intérêt du justiciable, qui ne connaît pas forcément toutes les différences entre les uns et les autres.

Il faut également prendre en compte le fait que, dans d'autres pays, qui sont parfois nos voisins, il y a d'autres modes d'organisation.

Plusieurs objectifs sont visés par le projet de loi.

Le premier, soyons clairs, c'est de garantir la pérennité des cabinets et des offices, par un régime de responsabilité qui soit adapté aux risques juridiques.

Le deuxième, c'est d'assurer leur financement, car ils sont aujourd'hui confrontés à des problèmes de surface financière. C'est pourquoi le projet de loi imagine de nouvelles solutions, par exemple la possibilité pour des holdings de prendre des participations dans des sociétés d'exercice libéral d'avocats et de notaires.

Le troisième est de préserver le dynamisme des professions, en facilitant l'insertion des jeunes professionnels.

Le quatrième est de renforcer leur dimension internationale, en permettant des regroupements avec des avocats venus d'autres pays de l'Union européenne.

Mais, encore une fois, le rapprochement des professions doit se faire dans le respect de l'identité de chacun. C'est pourquoi je parle d'interprofessionnalité « capitalistique ». C'est au niveau du capital qu'il peut y avoir un renforcement réciproque. Mais il ne s'agit pas d'une interprofessionnalité d'exercice des professions.

S'agissant maintenant de la modernisation des pratiques professionnelles, je crois sincèrement que les mesures prévues bénéficieront à l'ensemble des professionnels du droit, et pas seulement aux avocats et aux notaires.

C'est également vrai des huissiers, par exemple. La proposition de loi leur donne des moyens modernisés, qui prennent simplement en compte des réalités quotidiennes. Ainsi, la délivrance des actes est facilitée.

Cela passe par des mesures toutes bêtes, sans doute, mais qui répondent à de vrais problèmes au quotidien. Quand vous devez, par exemple, remettre des actes en main propre à un destinataire, vous pouvez vous heurter à un hall d'immeuble fermé, ce qui est de plus en plus le cas.

Cela passe aussi par la possibilité de s'adresser directement aux administrations susceptibles de communiquer l'adresse et l'employeur du débiteur, ou les comptes bancaires dont il est titulaire.

L'intervention des huissiers en matière de successions est facilitée par la proposition de loi. Certaines mesures conservatoires prises après un décès sont aujourd'hui accomplies par les greffiers en chef des tribunaux d'instance. Je pense à l'apposition des scellés, ou à la réalisation des états descriptifs du mobilier. Désormais, ces mesures conservatoires seront confiées aux huissiers.

Au-delà, plusieurs mesures prévues par la proposition de loi renforceront les pratiques de l'ensemble des professions du droit. L'obligation de suivre une formation tout au long de la vie sera étendue à toutes les professions du droit.

L'indépendance des instances disciplinaires sera renforcée, notamment par le fait que les procédures disciplinaires seront traitées à l'échelon régional, et non plus à l'échelon local, où il peut y avoir en effet, de par la fréquentation quotidienne ou habituelle des gens, certaines difficultés ou certaines suspicions, même injustes.

Mesdames, messieurs les députés, les mesures qui vous sont aujourd'hui proposées ont, au fond, une même finalité : faire en sorte que la justice réponde toujours mieux, à travers les différents professionnels qui y participent, aux attentes de nos concitoyens. N'oublions jamais, en effet, que tous les professionnels du droit contribuent ensemble à l'oeuvre de justice.

Ma responsabilité est de leur permettre de travailler ensemble, toujours dans l'unique but de satisfaire le justiciable et de faire respecter le droit.

Mon ambition, c'est donc de renforcer l'entente, la solidarité entre les hommes et les femmes qui sont unis par les mêmes valeurs et par la même passion du droit.

En modernisant la justice civile et commerciale, en facilitant la mission de celles et ceux qui la font vivre, ces deux textes nous font franchir une nouvelle étape dans la modernisation de notre justice. Par là même, ils apportent une pierre de plus à la consolidation de notre État de droit.

Je suis heureuse de voir que, très symboliquement, un projet de loi et une proposition de loi sont rapprochés et discutés ensemble, ce qui montre bien que nous partageons cette grande ambition de faire vivre le droit, de faire vivre la justice, parce que c'est ainsi que nous faisons vivre la démocratie en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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