Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 22 juin 2010 à 15h00
Débat sur le principe de précaution

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat :

Avec Michèle Pappalardo, commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable, nous avons évidemment étudié l'avant-projet des co-rapporteurs Alain Gest et Philippe Tourtelier et nous partageons largement leurs analyses.

Il s'agit d'un dossier extrêmement difficile. Premier point : l'utilisation inappropriée d'un terme n'appelle pas la suppression du concept ; il s'agit plutôt de revenir à un usage approprié du terme en question.

Devrais-je rappeler que le Gouvernement n'a jamais utilisé le principe de précaution au moment de l'irruption du volcan islandais ? Au contraire, la France est le premier pays à avoir fait revoler des avions, en gérant un problème de sécurité aéronautique. On ne nous l'a jamais reproché.

Comme l'ont souligné Alain Gest et Philippe Tourtelier, le principe de précaution n'est pas un principe d'urgence. C'est agir de façon précautionneuse face à un risque mal évalué, en adoptant une démarche scientifique visant à mieux le connaître et à en apprécier les possibles conséquences sociales.

Pour en revenir à l'exemple de l'irruption volcanique islandaise, la France a décidé de ne pas fermer les aéroports de Toulouse, de Marseille et de Nice, même si les cartes météorologiques internationales gérées par nos amis britanniques pouvaient l'inciter à le faire. Ensuite, la France a décidé de faire voler des avions à vide, puis de démonter les moteurs afin d'analyser les risques. Personne ne nous a parlé du principe de précaution parfaitement inadapté aux circonstances. Dans le langage courant, on l'évoque pour des situations où il est souvent tout aussi inadapté.

Notre problème n'est donc pas tant juridique que sémantique, si je lis bien le rapport d'étape. L'acception courante ou médiatique de ce terme peut avoir des répercussions sociales ou sociétales.

Chantal Jouanno et moi-même, nous soutenons l'analyse des co-rapporteurs sur un deuxième point : ce principe d'action précautionneuse et documentée n'a pas arrêté la recherche et l'innovation ; il les a même fait plutôt progresser.

En revanche, nous sommes en désaccord sur un sujet dont il est bon que nous puissions discuter entre nous. Je ne crois absolument pas que le principe de précaution ait à voir quoi que ce soit avec le problème de la recherche sur les OGM.

D'abord, ce sujet est antérieur à 2005. Ensuite, même s'il a été un peu atténué grâce à la création du Haut conseil sur les biotechnologies, nous sommes confrontés au problème de l'importation d'un produit de commerce courant. Certains considèrent qu'il a un caractère diffusant et agressif à l'égard d'autres modes de cultures, mais je ne veux pas entrer dans ce débat.

Imaginons qu'il y a dix ans, la France n'ait pas autorisé la commercialisation d'un tel produit. Cette polémique n'aurait pas eu lieu. Je suis convaincu que la recherche sur les OGM – qui est nécessaire et que nous soutenons – aurait perduré et se serait même amplifiée et développée. Je n'établis pas de rapport de cause à effet entre ces deux événements.

Autre observation : le débat public est nécessaire dans ce domaine. Non seulement nous regrettons mais nous condamnons les conditions dans lesquelles, malgré des éléments scientifiques très préparés, le débat citoyen sur les nanotechnologies s'est déroulé.

Ceux qui invoquent ce sujet à contretemps et de manière inappropriée et qui font appel à la démocratie citoyenne sont en général ceux qui empêchent la tenue de débats citoyens parfaitement nécessaires ou qui n'y participent pas.

En résumé, le problème provient, nous semble-t-il, d'un mot du langage courant qui n'a, au fond, pas tout à fait la même signification dans la charte et au quotidien. Le mot lui-même créant la confusion, il faudra, et ce ne sera pas facile, l'encadrer et repréciser son champ, le considérer, en quelque sorte, comme une boîte à outils.

M. le rapporteur Gest s'est interrogé sur l'opportunité d'élargir le principe au-delà de l'environnement. Le débat est ouvert et l'on voit bien que le mot est d'utilisation extrêmement difficile. Je regrette, comme vous, messieurs les rapporteurs, que la Cour de cassation n'ait pas eu à se prononcer sur la notion de trouble de voisinage à propos du principe de précaution.

Le principe de précaution est un principe d'action précautionneuse, nécessitant un débat de plusieurs sciences. On a vu, grâce au Haut conseil sur les biotechnologies qui a maintenant un an d'existence, qu'une seule catégorie scientifique ne peut pas s'approprier le débat sur un élément de recherche. Que sociologues, juristes, économistes et autres scientifiques puissent participer à un débat contradictoire et ouvert dans la société nous paraît tout à fait utile et décisif.

Pour nous, le problème tient beaucoup plus à l'utilisation du mot qu'au concept lui-même, qui nous paraît devoir être défendu en tout état de cause.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion