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Intervention de Danny Ayalon

Réunion du 17 juin 2010 à 11h30
Commission des affaires étrangères

Danny Ayalon, vice-ministre israélien des affaires étrangères :

Je vous remercie pour ces questions profondes et qui prouvent non seulement votre intérêt pour la situation au Proche-Orient mais aussi votre grande connaissance de sa complexité.

Pour ce qui concerne l'enquête à mener sur l'arraisonnement de la flottille pour Gaza, le gouvernement israélien souhaite publier toutes les informations. Il n'a rien à cacher et cette enquête lui offre l'occasion d'expliquer précisément ce qui s'est passé. Il est vrai que les photos qui ont été diffusées donnent une image très négative et ces photos valent des milliers de mots. Il faudrait pouvoir en montrer d'autres qui leur fassent contrepoids. Israël est fier de sa démocratie, de son Etat de droit, de la liberté de sa presse, même si cette dernière fustige régulièrement des personnalités politiques. Il ne faut pas oublier que le pays a aussi un pouvoir judiciaire fort. La commission d'enquête qui va être mise en place aura à sa tête un ancien juge de notre Cour suprême dont personne ne doute de l'indépendance. La création d'une commission d'enquête internationale aurait constitué non seulement une atteinte à la souveraineté nationale israélienne mais aussi un affront à sa démocratie. Cette semaine, les autorités britanniques ont publié un rapport d'enquête sur le « bloody sunday », qui a eu lieu il y a plus de trente ans : il aura donc fallu attendre trente ans pour savoir ce qui s'est réellement passé ! Notre enquête sera évidemment beaucoup plus rapide ! Le gouvernement israélien a voulu à la fois créer lui-même l'organe chargé de l'enquête et répondre aux préoccupations de la communauté internationale pour sortir de l'isolement dans lequel il se trouvait : pour la première fois, deux observateurs internationaux participeront aux travaux de la commission et pourront témoigner du respect par celle-ci des normes internationales.

Pour ce qui est de la situation à Hébron, je rappellerai qu'il y a trois jours, un policier israélien a été tué et trois autres ont été blessés. Depuis la constitution du gouvernement auquel j'appartiens, le 1er avril 2009, les deux tiers des points de contrôle en Cisjordanie ont été supprimés. Le mouvement de réduction du nombre des points de contrôle se poursuit, parallèlement au processus visant à renforcer M. Mahmoud Abbas. La croissance a atteint 8 % pendant l'année 2009 en Cisjordanie et de nombreux projets sont sur le point d'y être lancés, avec une participation accrue des autorités israéliennes à leur financement. Certains d'entre eux sont par exemple cofinancés avec la France, l'Allemagne et le Japon. Il est vrai que l'Union européenne a été le plus gros investisseur dans les territoires palestiniens. Alors que le monde entier souffre de la crise économique, il est urgent que les pays arabes investissent davantage dans cette région du monde. Ce n'est pas seulement une question d'argent mais aussi une question stratégique. Ces investissements témoigneraient de leur engagement au Proche-Orient. En effet, que font-ils véritablement pour résoudre le conflit ? Dix milliards de dollars, ce n'est rien pour l'Arabie saoudite mais cela permettrait à M. Mahmoud Abbas de beaucoup développer l'économie palestinienne ! Dans le passé, l'argument était que le grand nombre de points de contrôle n'incitait pas aux investissements en Cisjordanie mais beaucoup ont aujourd'hui été levés. Il faudrait vraiment que les pays arabes s'investissent davantage.

Il est incontestable que Yitzhak Rabin, avec lequel j'ai travaillé peu avant son assassinat, avait beaucoup fait pour le règlement du conflit. Mais M. Ehud Barak a aussi fait en 2000 une offre très généreuse à Yasser Arafat, laquelle prévoyait notamment la division de Jérusalem et le retrait des implantations, offre qui a été rejetée et suivie par le lancement de la deuxième Intifada. En 2008 à nouveau, M. Ehud Olmert a formulé des propositions très avantageuses à M. Mahmoud Abbas, qui les a lui aussi refusées.

Israël ne veut pas perdre l'amitié de la Turquie et utilise la voie diplomatique pour maintenir de bonnes relations. Si les autorités turques ont décidé de changer leur orientation, c'est le résultat du choix de l'AKP. Soit le gouvernement décide d'être raisonnable, soit il préfère tenir un discours afin de plaire à la rue arabe. J'ai beaucoup de mal à comprendre le lien qui existe entre l'AKP et le Hamas alors que celui-ci s'oppose aux intérêts de l'Autorité palestinienne, de l'Egypte et de l'ensemble des Etats du Golfe. Il est évident qu'Israël ne peut pas à lui seul infléchir les choix diplomatiques turcs. Il serait intéressant de comprendre ce que veut le Premier ministre Erdogan ! Qu'est-ce que la Turquie fera si l'IHH décide d'affréter une nouvelle flottille pour Gaza ? Acceptera-t-elle de faire pression sur le Hamas, de concéder des gestes en direction de l'Autorité palestinienne et d'Israël ? Que penser du vote de la Turquie contre le nouveau train de sanctions décidées par le Conseil de sécurité ? Le Liban lui-même s'est abstenu car son vote reflète la position de la Ligue arabe pour laquelle l'Iran constitue une véritable menace. Pourquoi la Turquie a-t-elle fait un choix différent ? Il est bien difficile d'apporter des réponses à toutes ces questions.

La barrière de sécurité a été construite après que plus d'un millier d'Israéliens aient trouvé la mort et alors que les attentats suicides se multipliaient. Cette construction, qui n'est que partiellement maçonnée, pourra très facilement être détruite dès qu'une solution de paix sera mise en oeuvre. Elle a permis de faire disparaître les attaques suicides. Son objectif est purement sécuritaire ; il ne vise pas à séparer les peuples. La persistance des attentats rendait le processus de paix impossible. Une fois que celui-ci aura abouti, la clôture sera levée.

L'alliance stratégique entre Israël et les Etats-Unis est très importante pour la stabilité régionale, tout comme le sont de bonnes relations entre Israël et l'Union européenne. Quand les forces radicales de la région verront qu'Israël reçoit l'appui moral de l'Occident, elles seront moins tentées par des solutions extrêmes et davantage ouvertes à des compromis. Israël a une volonté réelle de parvenir à un accord global avec les Palestiniens, en rétablissant des négociations directes. Sur le terrain, la situation est simple : 80 % des colons israéliens vivent sur 8 % du territoire de la Cisjordanie. Pour résoudre la question des implantations, il suffit d'intégrer cette petite partie de territoire à Israël contre la cession de la même surface de territoire aux Palestiniens. Même le cas de Jérusalem peut être réglé selon diverses modalités.

Pour ce qui est des inconvénients du système électoral israélien, il convient de respecter le droit à l'autodétermination du peuple d'Israël, Etat démocratique et juif, comme il faut respecter celui des Palestiniens. Dès 1947, la résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies parlait d'une division entre un Etat juif et un Etat arabe. Un Etat juif ne signifie pas un Etat religieux. Le judaïsme est en effet à la fois une nationalité, une ethnicité, une tradition et une civilisation vieille de 4000 ans. Il ne se réduit pas à l'observance de préceptes religieux. Mais il est vrai qu'il n'y a pas de séparation entre la religion et l'Etat en Israël.

Je suis moi-même entré en politique pour changer le système électoral afin que le gouvernement israélien puisse être responsable et plus efficace. Le fait qu'un large spectre politique participe à un gouvernement est un point positif pour la représentativité de ce dernier mais celle-ci ne doit pas faire obstacle à sa capacité à gouverner. En 63 ans, notre pays a connu 32 gouvernements, soit une durée moyenne inférieure à deux ans pour chacun d'entre eux ! Mais seule la Knesset peut décider de changer le système électoral ; or de nombreux petits partis y siègent actuellement et s'opposent à toute évolution. Seule la population, qui est aujourd'hui consciente des problèmes posés par ce système électoral, peut décider d'en changer en faisant en sorte de donner plus de voix aux principaux partis, dont celui auquel j'appartiens, afin que la coalition gouvernementale ne dépende plus des petits partis et puisse donc faire changer le système.

En conclusion, je ne peux que former des voeux pour que mon pays soit à nouveau considéré comme la « petite France » du Moyen-Orient !

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