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Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 17 juin 2010 à 15h00
Suspension de la commercialisation des biberons à base de bisphénol a — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Génisson :

Nous voici aujourd'hui réunis pour examiner une proposition de loi tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A.

Je souhaite tout d'abord rendre hommage à notre rapporteur Gérard Bapt qui, dès le 8 juin 2009, a été le premier parlementaire à alerter Mme la ministre de la santé sur la nécessité et l'urgence de bannir l'utilisation de biberons fabriqués à partir de ce produit.

Je salue la qualité de son rapport, remarquablement argumenté sur le plan scientifique, qui doit nous permettre, tant au regard de la législation européenne que des conséquences économiques des décisions que nous avons à prendre, d'agir en toute responsabilité.

Devant l'absence de réponse des pouvoirs publics, Gérard Bapt a été également le premier maire à interdire dans sa commune l'utilisation et la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A. Il est utile de le rappeler, sachant que d'autres villes, comme Paris ou Besançon, ont également pris de telles mesures.

Les pouvoirs publics se mobilisent enfin depuis mars 2010, avec l'adoption par le Sénat de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Cependant, si le texte initial, présenté en première lecture au Sénat, prévoyait d'interdire le bisphénol A dans l'ensemble des plastiques alimentaires, la majorité de droite de la Haute Assemblée en a réduit le champ d'application, puisqu'il ne s'agit plus que de suspendre la commercialisation de biberons à base de bisphénol A.

Je le regrette très fortement, tout comme je regrette que notre commission des affaires sociales ait rejeté, lorsqu'elle a examiné la proposition de loi le 9 juin dernier, l'amendement de notre rapporteur tendant à suspendre, à compter du 1er janvier 2012, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de contenants de denrées alimentaires produits à base de bisphénol A autres que les biberons jusqu'à l'adoption par l'AFSSA d'un avis motivé permettant d'autoriser à nouveau ces opérations. Votre proposition, monsieur le rapporteur, était pourtant conforme au principe de précaution.

Dans le cadre de la loi « Grenelle 2 », un amendement a été adopté, à l'initiative de Gérard Bapt, pour suspendre la vente de biberons fabriqués à base de bisphénol A. Cette mesure de bon sens sera donc effective dès la promulgation de ladite loi, et nous nous en réjouissons tous.

Cependant, les bébés peuvent hélas être exposés au bisphénol A dans d'autres circonstances. L'AFSSA a ainsi mis en évidence que l'enfant y était surtout exposé par l'intermédiaire de sa mère, durant la gestation et pendant l'allaitement.

Toujours selon l'AFSSA, le risque d'intoxication du nouveau-né au bisphénol A serait dix fois plus élevé par l'intermédiaire du lait maternel, et vingt fois plus par celui du lait maternisé, que par le biberon lui-même.

Ces données doivent nous faire réfléchir, chers collègues, surtout au vu des conséquences de ces intoxications sur le plan endocrinien.

L'amendement du rapporteur prévoyait de suspendre la fabrication de contenants alimentaires à base de bisphénol A à compter du 1er janvier 2012, ce qui aurait permis aux autorités de contrôle de poursuivre leurs travaux sur l'innocuité des matériaux de substitution et aux industriels d'adapter leurs processus de fabrication.

L'adoption de cet amendement aurait été cohérente avec la suspension de la commercialisation des biberons à base de bisphénol A, au nom du principe de précaution élevé désormais au rang constitutionnel, au nom également de la protection de l'enfant, consacrée par le Préambule de la Constitution de 1946, au nom enfin de la protection de l'ensemble de nos concitoyens.

Nous sommes ici face à un enjeu de santé publique dont nous ne mesurons pas encore pleinement les dégâts potentiels. Loin de moi tout catastrophisme, mais j'en appelle à notre responsabilité collective. Les autorités de contrôle telles que l'AFSSA ou la Food and Drug Administration ne reconnaissaient pas, jusque très récemment, la nocivité du bisphénol A. Ce n'est qu'en 2010 que la FDA a fait part d'incertitudes concernant les risques présentés par le bisphénol A, en évoquant des effets potentiels sur le cerveau et la prostate des bébés et des foetus.

De même, ce n'est que le 29 janvier 2010 que l'AFSSA a émis de premiers signaux d'alerte quant aux effets toxiques du bisphénol A. L'INSERM évoque quant à elle, dans un avis publié ce mois, ses effets sur la reproduction à des doses d'exposition très largement inférieures aux doses journalières admissibles et fixées par l'AFSSA – c'est-à-dire 50 nanogrammes par kilo et par jour.

De ce fait, je soutiens bien évidemment notre rapporteur lorsqu'il souhaite le lancement d'une réflexion sur cette fameuse « dose journalière admissible ».

En refusant son amendement en commission, chers collègues de la majorité, vous avez réduit la portée du texte à une infime partie de la question : l'intoxication du jeune enfant par le bisphénol A. N'oublions pas que des mesures d'interdiction générale touchant ce produit sont d'ores et déjà prises par certains États américains, mais aussi par le Danemark et par le Costa Rica.

Le rejet de notre amendement est d'autant plus difficile à comprendre que certains députés issus de vos rangs, tant du groupe Nouveau Centre que du groupe UMP, ont présenté des amendements visant eux aussi à interdire tous les contenants alimentaires à base de bisphénol A. Je me tourne vers notre collègue Edwige Antier qui, s'appuyant sur son expérience personnelle et professionnelle, a démontré de façon tout à fait convaincante combien ce produit était toxique – sur le plan endocrinien – pour le nourrisson, et en particulier pour l'appareil génital du jeune enfant.

C'est bien la preuve qu'il y a débat, que subsistent des incertitudes, pour le moins, sur les effets réels de ce produit. En tant que responsables politiques, nous ne devons pas négliger les signaux d'alerte lancés par les différentes autorités de contrôle. C'est pourquoi Gérard Bapt présentera tout à l'heure son amendement, que naturellement je voterai et vous invite à voter aussi.

En l'état actuel des connaissances scientifiques, médicales, nous ne savons pas précisément comment cet enjeu primordial des effets toxiques du bisphénol A va évoluer.

Qui eût dit il y a quelques mois, au moment où les différentes autorités de contrôle niaient les effets toxiques de ce produit, que nous nous retrouverions aujourd'hui, 17 juin 2010, pour adopter cette proposition de loi ?

Ensemble, réfléchissons à bon escient, quand les autorités de contrôle, au regard de nouvelles études, tirent maintenant la sonnette d'alarme. En tant qu'élus de la nation, nous avons le devoir de protéger nos concitoyens.

Pour conclure, je souhaite mettre l'accent sur les nombreuses études menées par des laboratoires de recherche académique à partir de protocoles expérimentaux variés montrant, sur l'animal et sur des cellules humaines, des effets du bisphénol A susceptibles de favoriser le déclenchement de cancers, de diabètes, de dysfonctionnements de la reproduction ou encore de troubles neuro-comportementaux.

Je souhaite que nous ayons ces données à l'esprit au moment où nous déciderons, en toute responsabilité, de voter ou non l'amendement du rapporteur. Pour ma part, je le voterai, j'y insiste, et je vous exhorte tous à le voter. Il relève d'un principe de précaution élémentaire, assorti de mesures intéressantes dans la mesure où son auteur a indiqué que nous pourrions revenir si besoin était, après l'évaluation des expérimentations, sur l'interdiction du bisphénol A dans la production des plastiques alimentaires.

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