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Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 9 juin 2010 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon, rapporteur :

La révolution technologique que nous traversons a des répercussions importantes dans le secteur cinématographique. Comme le livre ou la musique, le cinéma devient progressivement numérique.

L'explosion des films en trois dimensions (3D) a accéléré cette mutation ; le succès d'Avatar a fait prendre conscience aux professionnels du cinéma de la nécessité d'adapter les salles aux nouveaux procédés de production et de diffusion des films. De surcroît, le passage de la copie photochimique, coûteuse à produire et à transporter, au fichier numérique est, pour le distributeur, une source d'économies considérables.

La période actuelle est toutefois difficile à gérer. La diffusion numérique des films engendre en effet pour les exploitants, qui doivent acheter de nouveaux équipements et adapter les cabines de projection à la nouvelle technologie, un surcoût évalué par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à 80 000 euros par salle. Pour que la transition vers le numérique profite à l'ensemble de la chaîne du cinéma, il importe de trouver un système de financement leur permettant de s'équiper rapidement.

Cette constatation a conduit la profession à chercher, d'un commun accord, un mécanisme permettant de répartir l'effort financier sur l'ensemble des acteurs de la filière.

Dans un premier temps, le CNC – dont je salue le travail de concertation et de conciliation – a proposé de recourir à un fonds de mutualisation, alimenté par les contributions des distributeurs et réparti entre les exploitants. L'ensemble du dispositif devait être géré par le CNC. Mais l'Autorité de la concurrence a rendu, le 1er février dernier, un avis défavorable à la création de ce fonds, principalement au motif qu'il faisait une concurrence déloyale aux opérateurs privés existants.

En effet, la numérisation a déjà commencé. Des distributeurs ont signé avec des exploitants des contrats leur permettant de financer l'équipement numérique des salles par l'intermédiaire d'une « contribution numérique », appelée « VPF » – Virtual Print Fee –, dont la gestion est souvent déléguée à un tiers investisseur privé.

L'Autorité de la concurrence a bien suggéré d'instaurer une taxe, mais cela n'a pas semblé opportun. Il a donc fallu trouver, d'urgence, une solution afin d'assurer aux exploitants et aux distributeurs un cadre juridique stable et sécurisé. D'où le dépôt de cette proposition de loi.

Étant membre du comité de suivi des ordonnances relatives au cinéma, c'est tout naturellement que j'ai cherché à concevoir, en concertation avec le CNC, un dispositif souple permettant à l'industrie cinématographique de s'adapter rapidement au numérique. Nous avons entrepris de généraliser les pratiques existantes à l'ensemble du parc, tout en édictant quelques grands principes destinés à encadrer et à sécuriser le dispositif.

À cet égard, je remercie Mme la présidente Michèle Tabarot, qui nous a permis de nous rendre à Cannes au moment du festival international du film pour rencontrer de très nombreux professionnels, ainsi que les collègues qui ont assisté avec moi aux auditions à Cannes et à Paris et qui ont pris une part active à la rédaction du texte et de certains amendements. En particulier, ce sujet consensuel m'a permis d'apprécier à leur juste mesure les compétences de M. Rogemont, qui a participé, dans un esprit très ouvert, à l'ensemble des auditions.

La présente proposition de loi tend à permettre à l'ensemble du parc de salles françaises de s'équiper en numérique.

Avant tout, je précise que le dispositif est conçu pour s'articuler avec le dispositif d'aide à la numérisation géré par le CNC : au cas où les contributions numériques seraient inexistantes ou trop faibles, l'exploitant pourrait bénéficier d'une subvention du CNC. Cela s'appliquera notamment aux petites salles, en particulier à celles situées en milieu rural.

L'objectif est de conserver le maillage dense des salles de cinéma sur le territoire national – dont certaines sont gérées par les collectivités territoriales – et de garantir la diversité de l'offre cinématographique. Ce texte répond par conséquent à une volonté forte d'aménagement culturel du territoire. Il vise à maintenir à la fois la liberté de programmation des exploitants et la maîtrise par les distributeurs de leurs plans de diffusion des films.

La proposition de loi introduit, dans le code du cinéma et de l'image animée, un nouvel article L. 213-16, qui prévoit que les établissements programmant des films de longue durée inédits en salles recevront une contribution financière – une « contribution numérique » –, de la part des distributeurs, lesquels participeront ainsi au financement des équipements de projection numérique. Cette contribution sera également due par les personnes qui mettent à la disposition de l'exploitant des programmes dits « hors film », comme la retransmission de compétitions sportives ou d'émissions de télévision. Enfin, je propose que la contribution soit étendue à toute personne louant une salle de projection, dès lors qu'elle souhaite utiliser l'équipement numérique.

Je propose par ailleurs d'apporter quelques précisions au mécanisme de fixation du montant de la contribution.

Tout d'abord, celle-ci devrait être due par salle, et non par oeuvre, puisqu'une copie numérique suffit pour diffuser le même film dans plusieurs salles au même moment, ce qui est une source d'économie supplémentaire pour le distributeur.

Ensuite, la proposition de loi prévoit que la contribution est exigible durant les deux premières semaines suivant la sortie nationale du film. Je propose qu'elle reste due au-delà de cette échéance, lorsque l'oeuvre est mise à disposition dans le cadre d'un élargissement du plan initial de sortie du film, afin de la fixer sur le pic du tirage des copies.

En revanche, la contribution n'est pas exigible lorsque les films sont mis à disposition pour une exploitation dite « en continuation », c'est-à-dire lorsqu'une salle reprend une copie déjà existante.

Par ailleurs, les contributions ne doivent être dues que pour l'installation initiale des équipements de projection numérique, et non pour leur renouvellement ; pour ce faire, les exploitants pourront, comme aujourd'hui, bénéficier des aides du CNC. De même, il nous est apparu opportun de fixer une date butoir pour le versement de cette contribution, qui ne sera plus requise au-delà d'un délai de dix ans après l'installation initiale des équipements de projection numérique, sans que ce délai ne puisse excéder le 31 décembre 2021. Nous souhaitons ainsi inciter les exploitants à engager rapidement les travaux.

En contrepartie de ces obligations, des garanties sont apportées aux distributeurs et aux exploitants.

L'article L. 213-17 précise que le montant de la contribution doit rester inférieur à la différence entre le coût de la mise à disposition d'une oeuvre sur support photochimique et celui de la mise à disposition d'une oeuvre sous forme de fichier numérique.

Le médiateur du cinéma pourra être saisi de tout litige relatif à la contribution numérique.

L'article L. 213-19 prévoit que toute clause contractuelle qui ferait dépendre du versement de la contribution, soit les choix de distribution ou de programmation, soit le taux de location, serait nulle de plein droit.

En réponse à la demande des professionnels du secteur, il est institué un comité de concertation professionnelle, chargé d'élaborer des recommandations de bonne pratique. J'ai déposé un amendement visant à l'ouvrir aux autres acteurs du secteur si l'ordre du jour l'exige.

Par ailleurs, eu égard aux mutations rapides dans l'univers numérique, je proposerai un autre amendement, après l'article 2, prévoyant une clause de rendez-vous un an après la promulgation de la loi, un comité de suivi parlementaire composé de deux députés et de deux sénateurs étant chargé d'évaluer le fonctionnement du nouveau dispositif. Ce comité disposera du concours du CNC, qui devra produire un rapport sur la mise en oeuvre de la loi.

À travers ce texte de loi, je souhaite en particulier préserver la diversité de notre offre cinématographique, qui nous est tant enviée à l'étranger.

Le comité de suivi, le comité de concertation professionnelle comme le médiateur du cinéma devront, en restant chacun dans son rôle, vérifier l'étanchéité entre le versement de la contribution numérique et la programmation, ainsi que le respect des engagements de programmation et des plans de diffusion des films.

Par ailleurs, je vous propose de lier dans la proposition de loi le principe du versement par le CNC d'une aide financière destinée à financer l'équipement numérique d'un établissement au respect d'engagements de programmation.

Enfin, nous souhaitons répondre à la forte demande de la profession relative à la fixation de la valeur locative des locaux monovalents.

Cette proposition de loi, que j'ai voulue aussi consensuelle que possible, n'est pas un texte partisan. Son objectif est de permettre à la profession de s'adapter rapidement aux évolutions actuelles, afin de protéger les salles de projection, de soutenir le dynamisme de l'industrie cinématographique française, de préserver la diversité de l'offre de films, bref, de défendre le modèle français, qui permet à notre cinéma d'être parmi les mieux représentés et les plus reconnus dans le monde. Pour nombre de nos concitoyens, le cinéma est en effet la principale voie d'accès à la culture, à la création et, par conséquent, à la citoyenneté.

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