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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 9 juin 2010 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Annoncée par le chef de l'État le 20 avril dernier à la préfecture de Bobigny lors de l'installation du nouveau préfet de Seine-Saint-Denis, la suppression des allocations familiales en cas d'absences scolaires récurrentes et injustifiées est un thème de communication de prédilection pour la droite, qui a rétabli ou abrogé le dispositif au gré des circonstances politiques.

En 2003, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur, le Gouvernement de l'époque avait défendu exactement le contraire. On pouvait lire dans l'exposé des motifs de la loi du 2 janvier 2004 : « Le non-respect de l'obligation scolaire est un phénomène complexe. Il est très souvent signe d'un mal-être des élèves, de souffrances qui peuvent être d'origine scolaire, personnelle ou familiale. Le droit en vigueur en matière d'obligation scolaire se caractérise par un dispositif de suspension et de suppression des prestations familiales, dont l'application s'est révélée inefficace et inéquitable. Parce que l'assiduité scolaire constitue un devoir pour les enfants, une obligation pour les parents et une chance pour les familles, le Gouvernement propose de substituer à l'actuel dispositif en vigueur des mesures réactives et graduées pour responsabiliser et soutenir davantage les familles. C'est pourquoi il est proposé d'abroger le dispositif administratif de suppression ou suspension des prestations familiales. » Le fameux article L. 552-3 du code de la sécurité sociale avait alors été abrogé.

Selon l'exposé des motifs de la présente proposition, en 2007-2008, 7 % des élèves en moyenne manqueraient régulièrement l'école sans raison et la tendance irait augmentant. Les indicateurs des projets annuels de performance, annexés aux projets de loi de finances présentés depuis 2004, ne disent pas tout à fait cela. En 2004, l'absentéisme été de 2,2 % au collège, de 4,9 % en lycée général et technologique et 10,8 % en lycée professionnel. En 2008, ces taux sont respectivement passés à 3,1, 5,8 et 15,2 %. Ce n'est pas un hasard si l'absentéisme est plus élevé dans les lycées professionnels, conséquence de l'orientation subie qui y a conduit les élèves. L'évolution est certes préoccupante mais limitée et, tout comme en 2005, la direction de l'évaluation de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale attribue notamment la hausse constatée en 2007 et 2008 aux mobilisations lycéennes.

Votre proposition n'apporte aucune solution sur le fond et fait l'impasse sur toutes les raisons susceptibles de mener à l'échec scolaire et à l'absentéisme. Elle élude complètement les difficultés auxquelles est actuellement confrontée l'Éducation nationale par la faute du Gouvernement : 60 000 suppressions de postes cumulées depuis 2003, suppression de la carte scolaire, problèmes récurrents de remplacement, situation faite aux conseillers principaux d'éducation, aux conseillers d'orientation-psychologues, aux assistantes sociales et aux médecins scolaires. Bien d'autres raisons, signalées notamment par les parents d'élèves, peuvent conduire à l'absentéisme : le faible niveau des bourses qui oblige parfois des lycéens à trouver un travail salarié, une orientation subie, une affectation dans un établissement éloigné du domicile, la fatigue, les emplois du temps surchargés et mal organisés, parfois tout simplement aussi le manque de sens des enseignements pour les élèves, enfin les conséquences de la crise économique, sociale et morale de notre société. Je crains que cette proposition de loi ne soit contreproductive. En effet, la suspension des allocations familiales, outre qu'elle pénalise le reste de la fratrie, rendra encore plus fragile la situation économique et sociale de ces familles alors que, chacun le sait, l'absentéisme sévit d'abord dans les quartiers défavorisés.

Je veux pour preuve de la rédaction hâtive de cette proposition la quinzaine d'amendements rédactionnels que le rapporteur a dû déposer sur un texte qui ne comporte pourtant que quatre articles !

Maire d'une ville populaire, je reçois souvent dans ma permanence des parents, notamment des mères seules qui rencontrent d'énormes difficultés avec leurs enfants. Les réponses apportées tant par l'Éducation nationale, avec un recours trop fréquent à l'exclusion, que par les services sociaux qui manquent cruellement de personnels, de moyens pour l'Aide sociale à l'enfance et pour les centres médico-psychologiques – il faut six mois dans ma commune pour obtenir un rendez-vous ! –, sont le plus souvent inefficaces, même pour les parents qui appellent à l'aide. Ne parlons donc même pas des autres ! Il faudrait remettre à plat toutes nos procédures d'alertes et nos moyens pour aider les parents à exercer leur autorité parentale et prendre le relais quand les relations entre l'enfant et sa famille ont rendu tout dialogue impossible. Je ne connais pas de père ni de mère de famille qui ne s'inquiète pas de l'avenir de ses enfants. Je ne connais que des parents en détresse.

Cette proposition de loi aggraverait leurs difficultés financières sans nullement répondre au défi que représentent pour la cohésion sociale les conséquences de l'absentéisme et du décrochage scolaire. Elle stigmatiserait les familles et accentuerait encore le délitement social des quartiers populaires. Nous nous opposerons donc résolument à ce texte qui fait l'impasse sur les véritables raisons de l'absentéisme et ne propose aucune solution à la hauteur du défi.

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