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Intervention de Jean-Louis Gagnaire

Réunion du 27 mai 2010 à 21h30
Réforme des collectivités territoriales — Article 1er a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Gagnaire :

Je l'ai été dans plusieurs configurations : en tant que membre de l'opposition ou en tant que membre de la majorité. Le problème réside d'ailleurs non pas dans la couleur politique des assemblées en question, mais dans le fait que nous nous heurtions très souvent et simultanément à des logiques très différentes.

Ce n'est pas leur faire insulte que de considérer que les conseillers généraux doivent inscrire leur action dans la proximité : pour les questions sociales, il faut une très grande proximité et il en va de même quand on gère les services de secours ou quand on s'occupe des collèges – je suis du reste de ceux qui pensent que lycées et collèges pourraient être gérés par une seule et même collectivité.

Or cette proximité n'incombe pas à la région dont je rappelle que les compétences se limitent au développement économique, à l'aménagement du territoire, à une certaine forme de planification des grandes infrastructures et à un système de solidarité entre les territoires et de péréquation au sein de la même région.

Je suis issu d'une région très contrastée, entre l'Est et l'Ouest, et pense qu'on peut aussi organiser de façon efficace des solidarités entre les territoires, certains se trouvant parfois en situation de déprise économique, d'autres restant très ruraux et d'autres encore, au contraire, se montrant très en avance sur certains points.

Je suis persuadé que le système d'hybridation que vous proposez présentera des inconvénients pour les deux types de collectivités : trop de proximité quand il s'agira de réfléchir à des stratégies de développement qui soient performantes ; trop d'éloignement quand il s'agira de gérer la proximité. Ce double inconvénient se traduira évidemment, et de manière presque immédiate, par des effets désastreux sur un certain nombre de politiques. C'est évident, ne serait-ce que parce que des assemblées aussi nombreuses, avec autant de conseillers territoriaux, seront ingérables. Je rappelle que notre région partenaire, la Catalogne, dont le budget doit être quinze ou vingt fois supérieur à celui de la région Rhône-Alpes, a une assemblée qui ne comporte que 110 ou 115 députés, ce qui montre bien que l'on peut gérer une collectivité aussi importante qu'une région sans avoir un nombre d'élus aussi élevé que celui que vous proposez. Nous étions parvenus à quelque chose d'acceptable, au fil des différentes lois qui ont défini les compétences des régions.

S'agissant des pôles de compétitivité, à trop vouloir aller dans le sens du localisme, on va forcément aboutir à des dérives qui sont celles auxquelles on a déjà assisté dans un certain nombre de cas, à tel point que certains pôles ont dû être déclassés par le Gouvernement parce qu'ils n'avaient aucune réalité. Quand on fait un pôle de compétitivité, il faut admettre que l'objectif n'est pas l'aménagement du territoire : il est de doper des secteurs dont on juge qu'ils représentent un enjeu.

Je rappelle, pour ceux qui ne le sauraient pas, que l'État finance l'essentiel des pôles de compétitivité. Ce fut une très heureuse surprise, parce que nous étions inquiets, au départ. Mais les collectivités territoriales, dans leur ensemble, financent les deux tiers de ce que paie l'État. Et les régions financent autant que toutes les autres collectivités territoriales réunies. Cela montre bien que les uns et les autres, nous ne sommes pas du tout sur le même champ. Cela n'a rien de déshonorant. Ce n'est pas forcément le rôle des conseils généraux que de s'investir dans ce champ des pôles de compétitivité ou des clusters, pas plus que dans le capital-risque, pas plus que dans les reprises et transmissions d'entreprises. Car dans tous ces cas, il s'agit de monter des outils financiers suffisamment puissants pour permettre une action significative.

Les effets désastreux pour la parité ont déjà été longuement décrits. Il n'y aura aucune économie possible, parce que le nombre de conseillers territoriaux va faire exploser le nombre d'élus dans les conseils régionaux. Il y a également beaucoup d'incertitudes en termes budgétaires.

Tout cela va aboutir à une hibernation. Je rappelle, pour ceux qui l'oublient un peu trop facilement, que 73 % des investissements publics dans notre pays sont réalisés par les collectivités territoriales. Dans cette grande confusion qui va résulter de l'adoption de la loi, je crois que, au moins jusqu'en 2014, c'est l'attentisme qui prévaudra. Quel conseil régional investira dans de nouveaux lycées s'il sait que, à terme, leur gestion sera transférée aux métropoles ? Quel conseil général construira de nouveaux collèges s'il sait que, à terme, il en sera dessaisi ? Dans cette grande confusion, qui générera beaucoup d'attentisme, nous vivrons une véritable hibernation.

Notre pays n'est pas suffisamment décentralisé, contrairement aux autres pays européens. Nous sommes vraiment à la traîne de l'Europe, très loin derrière des pays qui ne sont pas forcément fédéraux. Le Royaume-Uni n'est pas un État fédéral, et nous sommes très loin derrière lui, comme nous sommes très loin derrière l'Autriche. Nous sommes relégués au rang des petits pays, pour lesquels il n'y a évidemment aucune raison d'avoir une organisation aussi décentralisée que chez les plus grands.

Voici à quoi aboutira votre texte : de la confusion, aucune économie, et finalement la panne du pays.

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