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Intervention de François Pupponi

Réunion du 19 mai 2010 à 15h00
Débat sur la politique de la ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie le groupe GDR d'avoir proposé ce débat, mais j'ai peur que ce ne soit qu'un débat de plus, et qu'il se termine comme les autres : par un constat de spécialistes de ces territoires. Nous nous connaissons bien, nous avons l'habitude de travailler ensemble, nous partageons les mêmes constats, proposons les mêmes solutions, depuis des années, et avons souvent le sentiment de ne pas être entendus.

Je ne dis pas que rien n'a été fait. Des mesures importantes ont été proposées et mises en oeuvre. Mais, après toutes ces années, j'en suis venu à penser que la France ne voulait pas sortir les ghettos de la situation dans laquelle ils se trouvent. Ces ghettos arrangent nombre de responsables politiques et de Français. Faire en sorte que les plus pauvres, souvent issus de l'immigration, soient cantonnés dans les grands ensembles urbains permet à beaucoup de ne pas se poser de questions sur le ghetto social.

Lorsque ces ghettos explosent, on exprime une grande compassion. Journalistes, responsables, ministres viennent nous visiter en nombre. Et puis, très vite, nous retombons dans l'oubli, car casser le ghetto français obligerait certaines grandes villes et un certain nombre de Français à partager la misère. Et la misère et la difficulté sont dures à partager, ce sont des choses qui ne se conceptualisent pas.

Dans le cadre de notre travail, François Goulard et moi-même avons effectué une visite à Clichy et à Montfermeil, des quartiers que je connais bien et où nous avons été confrontés à des situations humainement insupportables. Nous étions donc avec Xavier Lemoine et Claude Dilain, et le téléphone de ce dernier ne cessait de sonner. Il nous apprit que la veille, un incendie avait touché une copropriété, et qu'il devait s'y rendre. Nous lui avons proposé de l'accompagner. Nous sommes montés, avec le sous-préfet, au quatrième étage d'une copropriété dégradée. L'ascenseur ne fonctionnait plus puisque la copropriété avait été dévastée par l'incendie, et nous sommes montés dans l'obscurité et dans la suie. Un homme nous a ouvert une porte au quatrième étage, et nous a fait visiter son appartement – ou plutôt la seule pièce qu'il avait le droit d'occuper, une chambre où il vivait avec toute sa famille. La chambre d'à côté était louée par une autre famille, et le salon par une troisième famille. Ces trois familles se partageaient la salle de bains et la cuisine, dans des conditions d'hygiène et de sécurité insupportables. Le sous-préfet, à qui nous avons demandé comment la République pouvait accepter cela, nous a répondu qu'il ne pouvait pas faire grand-chose, et que le droit de la propriété privée permettait à ce marchand de sommeil, cet escroc, de sous-louer à trois familles en toute impunité. Et l'on ose nous dire que la République ne peut rien faire !

Face à un tel constat d'impuissance, je suis convaincu que notre pays ne veut pas régler le problème. Nous connaissons pourtant les solutions, madame la secrétaire d'État, et nous en avons proposé de nombreuses. Ainsi, nous savons qu'il faut un ANRU 2 : nous ne pouvons pas rester au milieu du gué. Nous savons qu'il faut dégager des moyens considérables et que le droit commun de l'État doit s'investir plus fortement. Nous savons que nous avons besoin d'emplois dans ces territoires, nous ne pouvons plus accepter qu'il y ait trois ou quatre fois plus de chômeurs dans ces quartiers. Il faudra bien, un jour, inventer un « emploi franc », pour que les entreprises soient incitées ou obligées à embaucher les habitants de ces quartiers. Nous ne pouvons laisser, dans ces quartiers où règnent la misère sociale et le chômage, l'économie souterraine et parallèle faire vivre un certain nombre de familles, dans l'impunité et l'ignorance générale de ces situations dramatiques.

Madame la secrétaire d'État, nous attendons avec une grande impatience vos déclarations sur un sujet vital pour les communes les plus pauvres, celles qui accueillent les populations les plus fragilisées : la question de la péréquation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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