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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 12 mai 2010 à 15h00
Entrepreneur individuel à responsabilité limitée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Car rien n'est prévu dans votre texte pour limiter, voire empêcher le contournement, par les futurs créanciers, de cette sûreté pour l'entrepreneur.

L'existence d'un patrimoine affecté n'empêchera en rien les établissements bancaires d'exiger des sûretés réelles constituées sur un patrimoine personnel, afin de garantir un emprunt nécessaire à la poursuite de l'activité de l'entrepreneur et d'en faire la condition de l'octroi du prêt. Il pourrait même constituer une incitation forte en la matière puisqu'il limite les garanties offertes par l'entrepreneur aux organismes bancaires en vue de l'obtention d'un prêt.

Or, à l'heure actuelle, la difficulté majeure à laquelle sont confrontés les entrepreneurs individuels ne tient pas tant au remboursement des crédits en cas de faillite qu'à l'accès au crédit. Sans dispositions relatives à l'accès au crédit pour les entrepreneurs individuels, l'efficacité de votre projet est donc soumise à caution.

La transformation d'OSEO ne répond à nos yeux que partiellement et de manière très insatisfaisante à cette préoccupation. S'il est légitime que la puissance publique organise un cadre propice au développement des entreprises individuelles, nous ne pouvons, sur ces bancs, cautionner un mécanisme qui consiste à mobiliser de l'argent public pour atténuer les effets sur les entrepreneurs des contraintes disproportionnées que leur imposent les organismes de crédit. À l'évidence, le dispositif revient à donner un blanc-seing à ces organismes, sans pour autant garantir l'accès au crédit des entrepreneurs.

Nous ne pouvons par ailleurs que nous indigner du maintien en CMP de l'article 1er bis AA, qui autorise la création d'une entreprise individuelle par un mineur, le rendant de fait titulaire d'un patrimoine d'affectation. Une telle nouveauté expose les jeunes, au nom de la liberté d'entreprendre et de la volonté du Gouvernement de mettre fin à la défiance française vis-à-vis des entreprises, à l'instrumentalisation de leur volonté d'entreprendre par leurs responsables légaux.

La création de nouvelles niches fiscales, quand bien même elles sont destinées à soutenir la création d'entreprises, nous semble anachronique en cette période de rigueur et d'austérité budgétaire annoncée pour notre pays qui connaît de graves difficultés financières et un déficit public abyssal.

Sous le vernis d'une meilleure protection des entrepreneurs individuels, votre texte est encore une fois emblématique et révélateur de l'inadaptation de vos réformes face à la montée du chômage. Faute de véritable politique de l'emploi, sans parler de l'échec de votre politique en faveur du pouvoir d'achat, de votre complaisance à l'égard des organismes financiers qui serrent les cordons du crédit, et des entreprises peu scrupuleuses qui préfèrent sous-traiter leurs anciens salariés en les maintenant dans une situation servile, vous bricolez la loi.

Car, pour Mme Parisot, du MEDEF, l'entreprise individuelle est une aubaine. Le nouvel entrepreneur ne compte pas ses heures et l'ancien employeur devenu client échappe à ses obligations légales : pas de contrat de travail, pas de durée légale du travail, pas de temps de repos obligatoires, pas de congés à respecter. Mais, surtout, un paiement à la prestation ou à la livraison remplace le salaire minimum, et le licenciement ne pose plus de problème. De son côté l'auto-entrepreneur perd tous les droits et garanties attachés au contrat de travail : représentation syndicale, allocations chômage, congés payés, congés maternité et tant d'autres.

Ces nouveaux statuts sont d'ores et déjà la variable d'ajustement des entreprises de taille moyenne et des grandes entreprises pour baisser le coût du travail et accroître leurs profits en jouant, grâce à la concurrence entre indépendants, sur les prix des prestations et, donc, sur le niveau des revenus.

Or, d'après l'Observatoire des inégalités, le taux de pauvreté des indépendants est deux fois supérieur à la moyenne française, alors qu'ils ne représentent que 10 % des actifs. Un actif pauvre sur cinq est un travailleur indépendant, et 65 % des auto-entrepreneurs gagnent en moyenne 775 euros par mois.

Au-delà des lacunes et des dispositions inacceptables de votre texte, et en dépit de la sécurisation du patrimoine des entrepreneurs individuels, c'est bien le modèle de société porté par vos réformes successives et régressives que nous entendons dénoncer en votant contre ce texte.

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