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Intervention de Nicolas Perruchot

Réunion du 3 mai 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Perruchot :

Cette semaine est effectivement assez chargée.

Vous remarquerez, d'ailleurs, mes chers collègues, que nous n'avons déposé aucun amendement se référant à des débats nationaux au présent projet de loi. Nous espérons ainsi que l'esprit de responsabilité saura l'emporter chez la majeure partie d'entre nous, comme cela a été le cas à l'automne 2008, lors de la loi de finances rectificative relative au financement de l'économie. C'est aussi la raison pour laquelle nous espérons un vote unanime de notre assemblée sur ce texte. Quand la solidarité européenne elle-même est en jeu et quand des principes aussi fondamentaux que la stabilité et la cohésion de la zone euro sont menacés, les clivages politiques ne tiennent plus. Pire encore, ils semblent totalement dérisoires et tout à fait hors de propos. C'est un signal fort que nous devons en effet adresser à nos partenaires européens : celui d'une France unie dans l'adversité, unie contre la spéculation sans limites. J'en profite ici pour redire que les ouvertures de crédits prévues dans le présent projet de loi n'auront aucun effet sur la charge de la dette de notre pays et qu'elles ne supposent pas de modifier le programme d'émission de la dette française. Surtout, elles n'auront d'impact que sur notre déficit budgétaire, même si ce n'est pas une dépense définitive, mais non sur notre déficit public, puisqu'il s'agit d'une opération financière et non d'une dépense définitive pour le budget de l'État.

J'aimerais faire une deuxième remarque ce soir : l'aide que nous allons apporter à la Grèce ne doit en aucun être un « chèque en blanc » offert sans conditions aux autorités de l'État hellénique. Comme vous le savez, en temps de crise, les finances publiques sont soumises à des injonctions paradoxales : si la plupart des gouvernements sont acquis aux principes de la relance budgétaire, l'impact de ces mesures sur l'endettement public est impressionnant, alors que les économies avancées vont connaître le choc du vieillissement démographique. Selon les projections du FMI, la dette publique pourrait dépasser 100 % du PIB en 2014 aux États-Unis et atteindre 234 % du PIB au Japon. Le chiffre est de 90 % en France, soit une hausse de près de trente points de PIB par rapport à 2006. Néanmoins – et c'est d'ailleurs l'un des enseignements de cette crise profonde que traverse actuellement l'Eurogroupe – les pays qui étaient marqués, avant la crise, par une situation fragile de leurs comptes publics sont aujourd'hui les plus durement affectés par l'éventualité d'un défaut de paiement, et ce dans un contexte d'aversion accrue au risque sur les marchés financiers. Comme je viens de le souligner, la Grèce est aussi menacée en raison même de la situation de ses finances publiques, situation bien antérieure à la crise, d'ailleurs, la dette grecque et les déficits publics de l'État hellénique n'ayant fait qu'ajouter de l'incertitude à l'incertitude actuelle.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons impérativement que le soutien financier que nous apportons aujourd'hui à la Grèce ne puisse se faire sans de véritables engagements drastiques de réduction de ses déficits publics. Sur ce point, nous rejoignons sans complexes nos collègues allemands – et nous comprenons aisément leurs réserves, leur pays étant le plus gros contributeur de la zone euro – à financer un État qui a délaissé de longue date la question du retour à l'équilibre budgétaire et dont on peut également douter de la transparence budgétaire.

Tout cela, bien sûr, implique également un renforcement du contrôle budgétaire que nous, parlementaires, serons en mesure et en droit d'effectuer au regard de l'évolution du plan de redressement des finances publiques grecques dans les trois prochaines années.

Dernière remarque : le cas grec n'est pas un cas isolé et il résonne comme un véritable signal d'avertissement pour les vingt-sept, à commencer par notre propre pays. Permettez-moi d'insister sur ce point : ce que nous montre cette crise, c'est que la « soutenabilité » de nos finances publiques n'est pas une question périphérique que l'on peut ajourner à l'infini ou que l'on pourra résoudre une fois le retour à la croissance acquis. C'est prendre l'effet pour la cause. En fait, le cas grec a cela de didactique – je dirai presque d'intéressant – qu'il permet de replacer la question de l'équilibre de nos finances publiques au coeur même de nos priorités en rappelant trois paramètres essentiels. Premièrement, le risque de contagion à d'autres pays membres de la zone euro est aujourd'hui avéré. Cette menace concerne, comme vous le savez, ces pays que l'on nomme trop dédaigneusement les « PIGS », à savoir le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et la Grèce, dont les taux à court et moyen terme se sont amplement tendus ces derniers jours. Derrière ce vilain mot de « PIGS » se cachent des situations qui, on l'a malheureusement constaté, peuvent être parfois assez dramatiques.

J'aimerais à ce propos vous interroger, madame la ministre, sur les moyens que la France et le G20 comptent mettre en oeuvre pour freiner cette dérive spéculative et éviter la faillite pure et simple de la monnaie unique. Si nous pouvons peut-être nous rassurer et nous réjouir, ce soir, sur l'évolution de cette situation, il serait utile et fondamental que, lors des prochaines réunions du G20, ces dérives spéculatives, ces faillites pures et simples de nos monnaies, puissent être évoquées. J'ajoute que le groupe Nouveau Centre souhaite également obtenir dans les plus brefs délais une évaluation précise de ces risques pour les trois pays que je viens de citer. Si nous sommes en effet réunis ce soir pour évoquer la Grèce, c'est aussi pour ne pas être contraints de nous réunir dans quelques mois pour parler des autres pays à risques : le Portugal, l'Irlande ou l'Espagne, que je viens de citer. Nous avons donc besoin d'être quelque peu rassurés quant à leur situation. Je suis certain que vous ne manquerez pas de nous apporter en la matière, madame et monsieur les ministres, un certain nombre d'éléments.

L'exemple grec prouve combien la solvabilité de la dette dépend à la fois du niveau de la dette et du taux d'emprunt.

En effet, le Japon, avec une dette de 200 % du PIB, mais un taux de 1,5 %, aura le même niveau de charges d'intérêt que la France avec 80 % de dette. C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas considérer le fait que nous empruntons aujourd'hui à des taux préférentiels comme définitivement acquis. Faut-il encore le redire : notre signature « AAA » n'est pas une donnée inamovible, c'est un construit économique et financier en lien direct avec la situation de nos finances publiques. Il nous appartient de préserver ce gage de sérieux en adressant des signaux clairs aux marchés financiers relatifs à la maîtrise de nos comptes publics. Pour cela – et vous le savez depuis longtemps maintenant –, le groupe Nouveau Centre a fait une proposition très simple : l'adoption d'une règle d'or, d'une loi organique qui interdirait le vote en déficit des lois de finances de l'État et de la sécurité sociale, avec quelques exceptions. Cette règle ne serait pas brutale et n'entraverait pas la relance actuelle : le retour à l'équilibre serait graduel et ne s'appliquerait qu'à partir de 2018 ou 2020. Nous emprunterions là un chemin beaucoup plus vertueux que celui sur lequel nous sommes aujourd'hui.

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