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Intervention de Colette Le Moal

Réunion du 29 avril 2010 à 9h45
Restitution par la france des têtes maories à la nouvelle-zélande et gestion des collections — Discussion d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Le Moal, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui réunie pour examiner une proposition de loi visant à autoriser la restitution à la Nouvelle-Zélande des têtes maories détenues par la France, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 29 juin 2009, et que notre commission a également adoptée à l'unanimité le 7 avril dernier.

Lors de son intervention au Sénat, M. Frédéric Mitterrand, qui venait d'être nommé ministre de la culture, rappelait : « On construit une culture sur le respect et l'échange. Cela semble une évidence, mais il n'est peut-être pas inutile de le rappeler. On construit une culture sur une véritable pratique de la mémoire et sur le respect d'un certain nombre de procédures et de lois ».

Il est donc regrettable que la France, pays des droits de l'homme, fasse exception en la matière, moins par opposition de fond à la restitution de ces têtes humaines momifiées que pour des raisons de forme, liées au statut juridique de ce qui est aujourd'hui encore considéré comme un bien culturel avant d'être traité comme un reste humain.

Ce n'est pas la première fois que le Parlement se saisit du sujet, si sensible, de la restitution de restes humains assimilés à des biens culturels ou scientifiques. Sous la XIe législature, déjà, une loi du 6 mars 2002 a autorisé la restitution par la France à l'Afrique du Sud de la dépouille mortelle de la « Vénus hottentote ».

La présente restitution répond quant à elle à une très forte attente du peuple maori. Rappelons que ce peuple autochtone de Nouvelle-Zélande est entré en contact avec les Européens au cours du XVIIe siècle. Depuis 1980, le gouvernement néo-zélandais relaie la demande des Maoris, qui souhaitent le retour des têtes conservées par des musées ou des particuliers à l'étranger, lesquelles constituent des éléments importants de leur identité.

Je m'attarderai un instant sur le contexte historique de la présence des têtes maories dans nos musées. À partir de la colonisation de la Nouvelle-Zélande, l'engouement de l'Europe pour ces têtes « naturalisées » fut tel qu'elles firent l'objet d'un commerce particulièrement macabre. On recherchait alors les têtes pour les faire figurer dans les cabinets de curiosités européens et américains. Afin de satisfaire la demande, devenue très supérieure à l'offre, des esclaves furent même capturés et tatoués avant d'être mis à mort.

Il fallut attendre 1831 pour qu'une loi britannique interdise le commerce de ces têtes vers l'Australie, alors plaque tournante du trafic ; mais des restes humains avaient déjà essaimé en Europe et aux États-Unis. C'est ainsi que certaines de ces têtes sont entrées dans les collections publiques françaises par dons ou legs, se retrouvant ainsi dans les musées. Ce fut le cas de la tête maorie du muséum d'histoire naturelle de Rouen, donnée à la ville par un certain M. Drouet en 1875 et retrouvée en 2007 dans les réserves du muséum lors de sa fermeture pour rénovation.

Par une délibération en date du 19 octobre 2007, la ville de Rouen décidait de restituer à la Nouvelle-Zélande cette tête depuis longtemps soustraite à l'exposition au public, conformément à un souhait des autorités néo-zélandaises, et que le musée conservait donc dans ses réserves. Par cette décision, la ville souhaitait répondre à l'appel du gouvernement néo-zélandais au retour des restes humains maoris dispersés dans le monde, et être ainsi la première ville de France à accomplir ce geste. Rappelons que seize têtes ont déjà été repérées dans notre pays, dont sept au musée du Quai Branly, les autres se trouvant dans des musées en région.

Au motif du non-respect de la procédure de déclassement, nécessaire à la sortie du domaine public d'un bien inscrit sur l'inventaire d'un musée de France, le juge, saisi par le ministère de la culture, confirma en première instance, puis en appel, le 24 juillet 2008, l'annulation de la décision de la ville de Rouen.

Cela conduisit Mme Morin-Desailly, sénatrice et adjointe à la culture de M. Pierre Albertini, maire de Rouen à l'époque de la délibération, à déposer une proposition de loi visant à permettre cette restitution. Je tiens à souligner la belle continuité culturelle de cette affaire : notre collègue Mme Valérie Fourneyron, devenue dans l'intervalle maire de Rouen, représentait la ville lors de l'appel de la décision du tribunal administratif.

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