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Intervention de Stéphane Courbit

Réunion du 7 avril 2010 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Stéphane Courbit, président de Lov Group :

Je suis heureux de pouvoir répondre non seulement aux questions, mais également aux critiques et aux attaques dont je suis l'objet depuis le début du processus d'ouverture du capital et que je trouve injustifiées. La dernière en date vient de M. Mathus, qui a affirmé que les conditions qui ont présidé à ce processus étaient douteuses.

Certes, c'est le Président de la République qui a souhaité la disparition de la publicité sur la télévision publique. Toutefois, ce n'est pas lui qui a lancé le processus d'ouverture du capital : c'est France Télévisions. De la même manière, nous ne nous sommes pas portés candidat : c'est le banquier du vendeur, en l'occurrence Rothschild, qui est venu nous solliciter.

L'appel d'offres a répondu aux normes en matière d'ouverture du capital ou de privatisation d'une entreprise publique, sous le contrôle de l'Agence des participations de l'État (APE) et de la Commission des participations et des transferts (CPT). Il ne visait à privilégier personne.

En ce qui concerne le calendrier, la réflexion a débuté au printemps 2009, mais c'est au mois d'août que nous avons été contactés. Le 29 septembre a eu lieu la présentation de la société et de sa stratégie ; le 9 octobre, nous avons remis une première offre indicative, le 23 novembre une offre ferme et début décembre une lettre complémentaire. Le 3 février, le conseil d'administration de France Télévisions s'est prononcé en faveur de notre offre ; le 4 février, s'est déroulée une audition devant la CPT ; le 7 février, une lettre d'exclusivité a été signée ; le 24 février, nous avons rencontré le comité d'entreprise et le 1er mars, celui-ci s'est prononcé à l'unanimité en faveur de notre offre de reprise.

Or, c'est seulement après ces dix étapes, qui ont pris huit mois, qu'on évoque un possible conflit d'intérêts ou un problème de déontologie. Si tel était vraiment le cas, on aurait pu s'en apercevoir plus tôt !

De fait, il n'existe, d'un point de vue juridique, aucun conflit d'intérêts : l'article 3 du contrat de régie est suffisamment clair sur ce point. Une première commission, dirigée par M. Damien Cuier, était censée rechercher d'éventuels conflits d'intérêts en ce qui concerne Publicis : elle n'en a trouvé aucun. En ce qui concerne Lov, je n'ai reçu aucune conclusion officielle mais on nous a dit que nous devrions choisir entre nos deux investissements et décider si nous gardions, ou non, une participation dans Banijay, qui est une société de production dont nous ne possédons que 32 % du capital – Lov n'est pas une société de production mais d'investissement dans l'immobilier, l'énergie, l'audiovisuel et les jeux en ligne. Le prétexte avancé était qu'il n'y avait pas de solution juridique. Or, s'il est vrai qu'il n'y a pas de solution juridique, c'est tout simplement parce qu'il n'y a pas de problème juridique !

Nous avons alors entendu évoquer l'éthique et la déontologie : je trouve cela insultant et diffamatoire.

C'est insultant pour les collaborateurs de France Télévisions, car, en l'absence de conflit d'intérêts au sens juridique du terme, ils ne pourraient se laisser influencer qu'en manquant à la déontologie. C'est diffamatoire pour nous, puisque, en l'absence de fondement juridique, nous ne pourrions faire pression sur eux que par des moyens illégaux.

Patrice Duhamel a souligné qu'il n'avait jamais programmé ses émissions en fonction de l'audience supposée et donc d'éventuelles recettes publicitaires : j'en suis ravi car cela prouve bien l'absence de tout conflit d'intérêts concernant le dirigeant d'une entreprise qui conserverait une activité de production tout en devenant actionnaire de la régie.

Il appartient aux parlementaires et au Gouvernement de décider s'il convient de maintenir la publicité en journée. En tant que citoyen français, je ne suis ni favorable à l'augmentation de la redevance audiovisuelle ni défavorable au maintien de la publicité en journée, publicité qui ne m'a, du reste, jamais gêné en tant que téléspectateur.

Le processus d'ouverture est-il uniquement lié à la disparition de la publicité ? Nous saurons nous adapter. Nous avons été mandatés pour un processus d'ouverture du capital dans un cadre donné. Le fait que la publicité pourrait être maintenue est prévu dans l'appel d'offres et fait l'objet de clauses de prix complémentaires. La pertinence de l'ouverture de la régie n'est donc pas liée à la disparition de la publicité.

En ce qui concerne l'interruption du processus d'ouverture du capital de la régie de France Télévisions, je tiens à rappeler, monsieur Bloche, qu'il existe aussi une morale dans les affaires. Chacun sait qu'on ne peut de manière unilatérale interrompre un processus de vente, d'autant que, je le répète, l'hypothèse du maintien de la publicité est prévue. Nous avons pris beaucoup de coups : il serait un peu fort qu'on nous dise maintenant que le maintien de la publicité entraîne l'interruption du processus de vente, d'autant que nous sommes prêts à nous adapter !

Je rappelle que le dossier France Télévisions, pour important qu'il soit – nous y avons passé beaucoup de temps –, n'est vital ni pour Publicis ni pour Lov. Publicis réalise 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Lov, 1,5 milliard. Damien Cuier a rappelé que la commission de régie de France Télévisions Publicité s'élevait à quelque 60 millions d'euros : cet enjeu ne saurait donc en rien changer la donne de nos deux groupes.

Enfin, monsieur Traube, la baisse des recettes d'une chaîne publique n'est pas une fatalité. De très belles chaînes européennes ne disposent plus de recettes publicitaires : cela n'empêche pas la BBC, qui est dans ce cas, de réaliser 1,2 milliard d'euros de recettes en activités annexes – organisation de concerts et de spectacles ou édition de DVD. France Télévisions peut suivre cet exemple. Cela ne dépend pas, assurément, de France Télévisions Publicité. Du reste, TF1 fait 40 % de son chiffre d'affaires hors la publicité et M6 la moitié. France Télévisions est loin d'atteindre un tel résultat parce qu'on a longtemps considéré qu'il ne convenait pas de mélanger le service public et l'argent. La BBC démontre le contraire.

À M. Françaix qui a parlé de cadeau fait aux amis du Président de la République, je tiens à rappeler que le processus d'ouverture s'est fait sur trois critères objectifs : financier, social et industriel. Nous avons été les mieux-disants en matière sociale – je tiens du reste à noter que le maintien de la publicité permettra d'évacuer ce critère, puisqu'il ne sera plus nécessaire de réaliser un plan social. Nous avons été également les mieux-disants du point de vue financier – là encore, le maintien de la publicité changera les données. Enfin, grâce à Publicis – M. Lévy n'a pu venir ce matin –, notre projet industriel était séduisant. C'est à son sujet, du reste, qu'il convient de se demander s'il faut ou non maintenir le processus d'ouverture.

Parler de cadeau est insultant pour tous ceux qui ont validé ce projet – l'APE, la CPT, le conseil d'administration de France Télévisions. De plus, si une offre mieux-disante avait été proposée, elle l'aurait remporté. Cela signifie que tous les autres candidats n'ont pas voulu du cadeau parce qu'ils le jugeaient trop cher !

Enfin, je tiens à souligner, monsieur Mathus, que M. Alain Minc n'est pas au conseil d'administration de Lov mais possède 3 % de Financière Lov. Or l'offre a été faite, depuis le premier jour, non par Financière Lov mais par Lov Group Investment. Chez Vivendi, les actionnaires de SFR ne sont pas les mêmes que ceux de Canal Plus : il en est de même de Lov.

On peut aimer ou ne pas aimer Alain Minc – je lui témoigne pour ma part le plus grand respect. Toutefois, je ne pense pas qu'on puisse voir en lui un homme malhonnête. Du reste, deux ans ont passé entre l'évocation de la disparition de la publicité et le début du processus d'ouverture : il n'aurait pu faire le lien entre les deux.

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