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Intervention de Stéphane Martin

Réunion du 7 avril 2010 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Stéphane Martin, directeur délégué du Syndicat national de la publicité télévisée :

Six cent cinquante millions d'euros en deux ans, dont plus de 450 millions sur la seule année 2009, voilà la baisse en valeur des dépenses de communication des annonceurs à la télévision, selon les données de France Pub.

Les dépenses de publicité télévisée sont évaluées à 3,66 milliards d'euros. Elles englobent, outre les recettes nettes perçues par les régies publicitaires pour le compte des chaînes, la rémunération des agences conseil et des agences média des annonceurs, ainsi que les coûts de production des spots publicitaires. Des talents, des industries et des emplois techniques ont donc souffert ces deux dernières années. Partie substantielle à l'économie du financement de la télévision, et donc des programmes et des développements technologiques des chaînes, ces recettes ont été sévèrement amputées. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », écrivait Lamartine : il nous a, hélas, fallu attendre cette grave crise pour qu'on mesure les conséquences qu'aurait la disparition de la publicité. Alors que chaque Français regarde en moyenne la télévision trois heures et demie par jour, la publicité télévisée, en particulier sur les chaînes privées qui contribuent au financement des émissions d'information, de divertissement, de documentaires, participe éminemment au soutien des industries culturelles.

Dès la crise financière de l'été 2007, la conjoncture économique a conduit de nombreux annonceurs à réduire leurs investissements. Or, nul n'ignore que les investissements d'aujourd'hui font la croissance de demain, dans le domaine de la communication comme dans le domaine industriel. La crise a accentué la tendance, amorcée dans les années 2000, de déflation des prix de la publicité. J'en veux pour preuve que les dépenses de communication dans leur ensemble se sont montées à un peu moins de trente milliards d'euros l'an passé, soit 1,55 % du PIB, contre plus de 2 % avant l'éclatement de la bulle Internet en 2000. Cette perte de valeur affecte tous les médias, en particulier la télévision, mais elle est sensible aussi sur Internet, notamment pour ce qui concerne les bannières publicitaires. En revanche, le volume horaire de publicité diffusée est, lui, demeuré stable, progressant même légèrement. L'ensemble de nos industries a donc été affecté par un effet prix.

Le rôle de la régie publicitaire d'une chaîne télévisée est d'optimiser les ressources de publicité de façon que la chaîne investisse toujours plus dans ses programmes afin d'accroître son audience. Le métier des annonceurs n'est certes pas de financer les médias, mais ils ont bien conscience d'être des partenaires : les médias ont besoin d'eux, qui doivent en retour avoir la garantie que la télévision pourra toujours à terme mettre à leur disposition des audiences, suffisantes sur le plan quantitatif et pertinentes sur le plan qualitatif, de façon à continuer de développer des produits et services innovants, reconnus et accessibles au plus grand nombre. Et ces annonceurs ne manquent pas de courage de continuer à faire de la publicité alors même que celle-ci, en dépit de l'importance de son rôle, est de toutes parts attaquée, y compris par le biais de dispositions législatives ou réglementaires. Attaquée dans son concept même, la publicité a aussi été taxée au profit de radios associatives et de certaines formes de presse, même si ce « fléchage » ne figure plus désormais comme tel dans la loi.

Comme l'y invite le thème d'une exposition actuellement présentée au musée des Arts décoratifs « La publicité au secours des grandes causes », le législateur devrait modifier radicalement sa vision de la publicité à la télévision, héritée de l'ORTF, en tout cas de l'univers de la diffusion analogique, appelée à s'éteindre prochainement, et lever les restrictions spécifiques dont elle fait l'objet. Les défenseurs de causes d'intérêt général, les pouvoirs publics eux-mêmes l'utilisent comme outil pour leurs campagnes d'information, grâce au travail d'agences spécialisées dans la communication institutionnelle ou citoyenne. Au risque de choquer, je dirai que la défense de la publicité télévisée constitue elle-même une grande cause, pour toutes les raisons que les panélistes n'ont pas manqué de rappeler. Comment faire pour qu'elle ne soit plus pénalisée, mais au contraire favorisée ? L'Union des annonceurs a apporté la preuve que la publicité soutenait l'économie, l'innovation en particulier, en faisant découvrir de nouveaux produits et de nouveaux usages, surtout dans une économie de services. Pour nous, c'est une impérieuse nécessité que de continuer à assouplir la réglementation la concernant. Trois principes me paraissent devoir être retenus : ouverture dans un monde de toute façon sans frontières du fait des technologies ; harmonisation au niveau européen – l'exception franco-française se justifie d'autant moins que la presse ne s'en est pas trouvée mieux aidée qu'ailleurs, au contraire, et qu'elle a conduit à un sous-investissement chronique dans l'audiovisuel – ; enfin, homothétie de régulation entre tous les moyens de promotion à la disposition des annonceurs, dont Internet. La publicité télévisée a des atouts qu'elle sait défendre auprès des annonceurs et de leurs agences, à condition qu'on ne lui mette pas de bâton dans les roues ou de boulets aux pieds.

On pourrait la soutenir au travers d'un crédit impôt-recherche. Le rapport Jouyet-Lévy sur l'économie de l'immatériel en avait formulé l'idée, soulignant que la communication, c'est de l'immatériel lié à l'imaginaire, et relevant dans le même temps que dans les domaines du design, de la publicité, de la mode et de la création de produits, la fiscalité demeure un obstacle majeur à l'investissement. Après que ce point a été évoqué lors des États généraux de l'industrie, il semble que la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) réfléchisse à ce qu'une part des dépenses soutenant l'innovation au sens large – et il ne fait pas de doute que la dépense publicitaire en fait partie – puisse faire l'objet d'un traitement fiscal particulier. Cela induirait une autre vision financière chez les annonceurs, qui n'auraient plus aussi systématiquement à ajuster leurs résultats trimestriels et leur budget en fonction des difficultés du marché, avérées.

Même si dans les prochains mois, il se confirme que le marché publicitaire progresse de quelques points, il faut rester prudent et les chiffres n'en demeurent pas moins cruels : sur deux ans, après une baisse de 15 % des recettes publicitaires, il faudrait mécaniquement que celles-ci progressent de 18 % pour simplement retrouver leur niveau de 2007. Cela ne sera possible que dans un environnement économique porteur mais aussi dans un cadre législatif et réglementaire favorable à la publicité télévisée, et partant à la création française dans des domaines comme les jeux vidéo, l'animation, le cinéma et les musées virtuels, où le rayonnement international de la France est incontestable.

Les perspectives de la publicité télévisée sont intrinsèquement porteuses pour peu qu'on ne l'entrave pas. Une « discrimination positive » serait peut-être même nécessaire à son égard, face à des opérateurs qui ne contribuent en rien, eux, à la production de contenus éditoriaux. D'une part, l'audience, déjà forte, progresse encore : jamais nos concitoyens n'ont autant regardé la télévision qu'au premier trimestre 2010, et encore ne dispose-t-on que des données de Médiamétrie qui ne mesure que l'audience de la télévision au foyer, en direct, sans comptabiliser encore les usages complémentaires de la télévision « délinéarisée » – télévision « de rattrapage » ou mobile par exemple. Des innovations technologiques majeures ont également eu lieu. La moitié des foyers sont désormais équipés d'un écran plat permettant le plus souvent la réception des programmes en haute définition ; l'interactivité, possible dès l'année prochaine y compris en numérique terrestre, permettra une publicité ciblée ; la télévision mobile, et à moyen terme, le relief et la 3 D sont autant d'évolutions prometteuses pour la publicité, et donc pour les programmes en eux-mêmes. Reste à perfectionner la mesure d'audience.

Nous réitérons notre demande d'un véritable soutien collectif mais il semble que votre Commission, comme en atteste l'initiative de ces tables rondes, a pris la pleine mesure de l'importance de la publicité à la télévision.

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