Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 6 avril 2010 à 15h00
Prorogation du mandat de médiateur de la république — Discussion d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que vous allez examiner aujourd'hui a fait l'objet d'une approbation unanime le 25 mars dernier devant le Sénat – j'avais eu l'honneur de m'exprimer à cette occasion. Il s'agit en effet d'un texte consensuel qui vise à proroger le mandat de l'actuel Médiateur de la République, Jean Paul Delevoye, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau Défenseur des droits qui le remplacera.

Depuis 1973, le Médiateur a trouvé sa place dans notre société et donné toute sa vigueur au débat démocratique ; il est devenu un acteur indispensable, incontournable, du rapprochement entre la sphère publique et les citoyens. Les chiffres de son activité sont connus : rien que pour l'année 2009, plus de 76 000 dossiers reçus, soit, comme chaque fois, une augmentation par rapport à l'année précédente ; ils sont constitués de réclamations et de demandes d'informations. Bref, c'est un travail intense.

La place du Médiateur sera confortée et amplifiée par la création du Défenseur des droits issu de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Afin de tenir compte du calendrier parlementaire de l'examen des projets de loi et de loi organique relatifs au Défenseur des droits et pour permettre la transition, dans les meilleures conditions, du Médiateur de la République au Défenseur des droits, il est apparu nécessaire de procéder à la prorogation du mandat de l'actuel Médiateur.

Face aux reproches qui ont été formulés au sujet du retard pris dans la présentation des projets de loi organique qu'impliquait la révision constitutionnelle, je veux rappeler que l'importance de ces textes nous a conduits à ne pas confondre vitesse et précipitation. Nous avons voulu privilégier la qualité et le temps de la réflexion, comme cela a d'ailleurs été dit en commission. Il s'agit en effet de bien définir le périmètre d'action que nous voulons donner au nouveau Défenseur des droits, institution importante pour garantir les droits et libertés de nos concitoyens. Je pense qu'il y aura débat, et c'est une bonne chose, avec éventuellement des propositions.

Avant que ce débat s'instaure, je tiens à saluer le travail accompli par le Médiateur. J'ai rappelé à l'instant la genèse de ce qui est devenu une véritable institution. On peut, en voyant les cas concrets qui lui sont soumis, comprendre les difficultés que rencontre l'administration dans l'application des dispositions législatives ou réglementaires, difficultés parfois consécutives à l'absence de textes d'application ou de circulaires. Dans un monde où la seule intervention étatique ne suffit plus à nous prémunir contre la commission d'une injustice, le Médiateur a plus que jamais sa place. Ainsi s'explique l'importance de ses saisines ; quant à ses missions d'écoute, de réponse et de conseil, elles ne sont plus à rappeler. Mission d'écoute, dis-je, mais aussi rôle de médiation tout à fait important lui permettant de renouer le dialogue entre l'administration et le citoyen : je pense notamment à la création du pôle « santé et sécurité des soins » en 2009, qui parachève les compétences de l'institution. Je souligne que cette année-là, 93 % des médiations ont été couronnées de succès.

Et puis le Médiateur est également une force de proposition en direction du législateur, à partir de l'observation qu'il a faite d'un certain nombre de dysfonctionnements, de manques et d'améliorations possibles. Je citerai comme exemple récent l'adoption par le Parlement le 22 décembre dernier, à l'initiative de Jean-Paul Delevoye, d'un texte sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Nous en arrivons à une nouvelle étape importante, attendue par un certain nombre d'associations et d'institutions engagées dans la démarche de défense des droits : la définition, dans les prochains mois, des contours de la mission du Défenseur des droits. Celui-ci sera doté de pouvoirs élargis. En effet, le défenseur bénéficiera de l'autorité qui s'attache à sa qualité d'autorité constitutionnelle, à l'instar de ses homologues d'autres pays européens tels que l'Espagne, la Suède ou le Portugal. Sa saisine sera étendue, son champ d'action élargi puisque, aux termes du projet de loi organique, outre les missions déjà accomplies par le Médiateur, il remplira celles du Défenseur des enfants et celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Dans ces domaines si importants, le Défenseur pourra intervenir, y compris lorsque les atteintes aux droits seront le fait de personnes privées. Il aura également des pouvoirs d'action renforcés puisque, pour mener ses missions à bien, il bénéficiera d'une gamme de pouvoirs très large et de moyens d'action lui permettant d'user d'outils plus adaptés pour chaque cas qui lui sera soumis. Il aura notamment un pouvoir d'injonction renforcé, pourra proposer les termes d'une transaction, être entendu par toute juridiction ou encore saisir le Conseil d'État d'une demande d'avis pour couper court aux difficultés qui proviendraient d'interprétations divergentes des textes. Il aura également de larges pouvoirs d'investigation. J'ajoute que le projet de loi ordinaire prévoit des sanctions pénales à l'encontre de ceux qui feront obstacle à l'action du Défenseur des droits.

Voilà quelques pistes qui pourront bien sûr être discutées, améliorées, enrichies. En tout cas, cette prorogation est nécessaire car les deux projets de loi seront examinés au-delà du 12 avril, date de la fin du mandat du Médiateur. Les textes ne pourraient pas être définitivement adoptés dans un délai de quelques semaines. Une prorogation inférieure à un an permettra de travailler sereinement.

Nommer un nouveau médiateur pour quelques mois n'aurait pas beaucoup de sens, surtout dans le contexte tout à fait serein et satisfaisant que j'ai rappelé. Je crois que tout le monde en convient.

Par conséquent, une telle prorogation pour une durée limitée, inférieure en tout état de cause à une année, satisfait à la fois aux exigences constitutionnelles et à la nécessité d'un délai raisonnable pour préparer et discuter ces textes. La proposition de loi prévoit une prorogation pour la durée strictement nécessaire à l'adoption de ces textes. Le délai ne saurait excéder le 31 mars 2011. C'est un délai tout à fait suffisant, raisonnable, qui permettra au Médiateur de poursuivre sa mission avec les qualités qu'on lui connaît, l'engagement qui est le sien, le sens du dialogue qui le caractérise, et d'avoir en commission, dans le débat public et in fine en séance, une discussion fructueuse sur le périmètre des missions du futur Défenseur des droits. Le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi dans le texte de la commission.

Je conclus en saluant bien sûr le travail du rapporteur,M. Morel-A-L'Huissier, celui de la commission et celui de l'ensemble des députés qui se sont impliqués dans la préparation de l'examen de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion