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Intervention de Christian Vanneste

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les étrangers non ressortissants de l'union européenne résidant en france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Vanneste :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le texte que nous étudions aujourd'hui repose sur trois contresens.

D'abord, le vote des étrangers n'est pas un progrès. La conception pavlovienne du progrès défendue dans ce texte consiste à prolonger indéfiniment les courbes, à accroître sans cesse les droits. Cette vision du progrès, c'est l'application au droit de ce qu'est l'entropie en physique. On pense qu'en détruisant les distinctions nécessaires à un ordre juste, on fait avancer le droit. En fait, on crée surtout du désordre.

Aux communautés de citoyens, de personnes conscientes de l'histoire de leur nation, préoccupés par un avenir pérenne et possédant l'usage de la langue ou des langues qui y sont légalement reconnues, on substitue une foule d'individus davantage reliés au pays par l'espace et par l'économie que par le temps et par la culture. Or, la citoyenneté ne repose pas sur la participation économique à la société civile, mais bien sur l'adhésion consciente et volontaire à la communauté des citoyens, à ses valeurs.

Une conception libérale sur le plan économique peut bien souhaiter des individus très mobiles sur un marché mondial. Une conception humaniste exige, elle, des citoyens qui adhérent à des valeurs. On ne vote pas parce que l'on paie des impôts, mais parce que l'on est citoyen.

Si la vieille Europe voit s'éroder ces distinctions essentielles, l'Amérique au contraire a commencé, à l'époque où la plupart des Américains étaient des immigrés, par accepter le vote des étrangers et l'a ensuite restreint en devenant une nation. Le dernier État à y avoir renoncé est l'Arkansas en 1926.

Ensuite, ce texte se prétend démocratique. Voilà un nouveau contresens. Par définition, la démocratie repose sur l'idée qu'il y a un peuple, un demos, une nation. Il est frappant de constater que les pays qui identifient le moins la nationalité et la citoyenneté sont ceux qui sont le plus éloignés des valeurs issues de la Révolution française. Certes, on donne l'exemple des sujets de Sa Gracieuse Majesté, mais ce n'est pas un bon exemple.

En France, c'est le droit du sang qui a coïncidé avec l'avènement de la République, car le droit du sol reposait sur le roi propriétaire du sol. Hériter de sa citoyenneté comme les nobles pouvaient hériter de leurs privilèges, c'est une conquête de l'égalité, le passage entre la situation passive de celui qui naît quelque part et la participation active de celui qui sera appelé à « entrer dans la carrière quand ses aînés n'y seront plus ». À ce droit du sang doit s'ajouter un droit qui dépasse à la fois le droit du sang et le droit du sol : le droit de la volonté. Le citoyen, c'est aussi celui qui veut devenir citoyen, et qui le mérite parce qu'il veut les conséquences de son choix : la maîtrise de la langue, le respect des lois et la participation durable aux efforts de la communauté nationale.

Troisième contresens : le vote des étrangers permettrait leur intégration. C'est évidemment le contraire, puisque les étrangers pourraient participer à la vie politique sans être des citoyens. Ils auraient encore moins de raison de le devenir par la naturalisation. La distinction entre l'homme et le citoyen est essentielle à la démocratie moderne. La démocratie antique reposait uniquement sur la reconnaissance du droit des citoyens de participer à la vie de la cité, mais elle méconnaissait les droits de ceux qui vivaient sur le territoire de la cité. La démocratie moderne repose au contraire sur la distinction entre la protection de tout homme par la cité, c'est-à-dire l'ensemble des citoyens. C'est la fameuse opposition de Benjamin Constant entre la liberté des anciens et celle des modernes. Comme le disait Jean Rivero : « Les droits de l'homme sont des libertés. Ils permettent à chacun de vivre sa vie personnelle comme il l'entend. Les droits du citoyen sont des pouvoirs, ils assurent la participation à la conduite de la cité. » Or, c'est la force et la cohésion de la communauté des citoyens fidèles aux valeurs qui la fondent, qui permet de garantir la protection des droits sur le territoire de la République. Des mesures comme celle que nous examinons aujourd'hui ne peuvent que la diluer et l'affaiblir.

On me dira, bien sûr, que la proposition actuelle ne concerne que les élections municipales. Il s'agit là d'un faux-semblant destiné à grignoter subrepticement les valeurs essentielles de la citoyenneté et de la nation. Les communes ont au moins trois types de rapports avec la nation. D'abord, celui de l'analogie. Les communes sont de petites communautés constituées aussi d'histoire plus que d'espace. En second lieu, les élus municipaux, dès lors qu'ils ont une certaine importance, pèsent dans la vie politique nationale. Enfin, chacun sait que nos sénateurs sont élus par les élus municipaux.

Vous avez rappelé la Constitution de 1793. Elle a condensé les bergeries les plus utopiques avec les massacres les plus sanglants, et pensait imposer à l'Europe sa conception universaliste avant que celle-ci ne rejette la France et ses valeurs… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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