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Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 25 mars 2010 à 9h30
Droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les étrangers non ressortissants de l'union européenne résidant en france — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice :

Il est légitime que l'acquisition du droit de vote soit liée à l'acquisition de la nationalité française. À cet égard, je voudrais dire mon désaccord avec la position des auteurs de cette proposition de loi constitutionnelle, qui stigmatisent la prétendue étroitesse d'esprit de ceux qui présentent la naturalisation comme le meilleur moyen d'accéder au droit de vote. En effet, récuser la naturalisation comme marche d'entrée dans la citoyenneté, c'est faire peu de cas de tous ceux qui se lancent dans cette démarche positive pour devenir nos compatriotes.

Nous sommes plusieurs ici à avoir, en tant que maires, solennisé cette démarche, en organisant des moments forts pour marquer l'acquisition de la nationalité française et nous pouvons témoigner de l'importance que cette cérémonie revêt pour les personnes concernées. Je rappelle que plus de 90 000 personnes, en 2008 comme en 2009, sont ainsi devenues françaises par décret, auxquelles il convient d'ajouter plus de 40 000 personnes devenues françaises par déclaration, au terme d'une démarche également volontaire.

C'est une chose de conférer un droit nouveau aux étrangers résidant en France ; c'en est une autre de s'engager volontairement dans la démarche de devenir Français. Cette démarche est porteuse de sens. Elle témoigne de l'adhésion à une nouvelle communauté de destin. La France, fidèle à sa tradition, peut s'enorgueillir de ces nouveaux citoyens. Elle est en droit de leur réserver l'accès aux droits civiques et de demander à ceux qu'elle accueille sur son territoire, s'ils veulent prendre une part active à la vie politique et électorale, d'engager les démarches nécessaires à leur naturalisation.

C'est là, également, une part essentielle de notre politique d'intégration, qui concilie fermeté et générosité, laquelle ne peut se résumer à des gestes en direction des étrangers résidant sur notre sol. Elle doit être accompagnée d'une volonté d'intégration. En matière politique, bien plus qu'ailleurs, cette volonté doit être fermement exprimée.

Par ailleurs, je voudrais contester la notion de citoyenneté de résidence, contenue dans la proposition de loi. La citoyenneté ne peut pas se fonder sur la résidence. Nous ne sommes pas, en effet, un pays de cités-États. Le fait de résider dans une commune ne peut fonder, en soi, un droit politique, pas plus d'ailleurs que le fait de payer des impôts — ce qui serait une forme de suffrage censitaire – ou d'être engagé dans la vie associative, ce qui est par ailleurs très respectable.

Le droit de vote n'est pas la contrepartie de tout cela. Le droit de vote est quelque chose de beaucoup plus profond. Je ne peux, dès lors, qu'en revenir à mon propos initial : seule l'acquisition de la nationalité, qui témoigne d'un attachement particulier à la France et de la volonté d'entrer dans son histoire, non pour quelque temps, mais pour le reste d'une vie, justifie l'octroi du droit de vote.

Élu d'un territoire où résident de nombreuses personnes étrangères représentant plus de cent nationalités, je connais bien, comme d'autres, ici présents, les termes de ce débat. J'ai toujours été réticent à l'idée que l'acquisition du droit de vote serait la condition d'une meilleure intégration et d'une amélioration du vivre ensemble. Personnellement, je n'y crois pas, sauf si, comme je viens de le dire, les personnes concernées s'engagent dans une démarche volontaire.

Nous connaissons tous les difficultés actuelles liées à la nécessité pour chacun de trouver sa place dans la société. Si elle était adoptée, la mesure qui nous est proposée comporterait un certain nombre de dangers et pourrait produire des effets pervers. Je pense aux risques de dérives clientélistes ou d'encouragement de démarches communautaristes. Certes, ces phénomènes existent déjà et je ne veux procéder à aucun amalgame. Je ne prétends pas qu'ils soient liés à votre proposition et je ne doute pas que celle-ci vise à améliorer la cohésion nationale. Mais je ne crois pas qu'elle permettrait d'atteindre cet objectif.

Encore une fois, je suis, depuis plus de vingt ans, élu d'une ville où ce débat existe et je suis intimement convaincu que votre proposition n'est pas une bonne réponse. Je suis persuadé, au contraire, que ce sont l'acquisition de la nationalité, la naturalisation et la forme qu'elle revêt actuellement – j'ai participé aux travaux du Haut conseil à l'intégration sur ces questions – qui permettront de renforcer la cohésion nationale, le vivre-ensemble et l'aspiration à approfondir la citoyenneté. Quelles que soient les bonnes intentions qui vous animent, votre proposition de loi ne saurait, si elle était adoptée, atteindre cet objectif.

La position du Gouvernement est donc conforme à la tradition de notre République. Elle est généreuse, car elle tend à élargir la communauté nationale. Elle est également exigeante, car elle demande, au terme d'un cheminement personnel, de faire en toute responsabilité un choix qui engage une vie.

Fidélité à la République, générosité et exigence : c'est ainsi que nous concevons le droit de vote. Il se mérite au travers d'une démarche personnelle de ceux qui ont décidé de s'établir dans notre pays et ne se confère pas par une mesure générale et impersonnelle. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir rejeter la proposition de loi constitutionnelle qui vous est soumise.

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