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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 25 mars 2010 à 9h30
Présence de l'avocat dès le début de la garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Vous avez raison, madame la garde des sceaux, de parler de dignité de la personne, car tous ceux qui ont rencontré des citoyens sortant de garde à vue ont pu faire ce constat : la vérité judiciaire, la vérité policière, la nécessité de l'enquête ne peuvent jamais justifier cette humiliation.

Faut-il rappeler que, en 2007, le rapport du comité européen pour la prévention de la torture a dénoncé les conditions matérielles de la garde à vue en France ? La garde à vue, c'était à l'origine un statut fixant les droits d'une personne privée de liberté. Elle est devenue un instrument, un outil de mise en condition de la personne interrogée. Le temps n'est donc plus de disserter sur l'origine de cette dérive, mais d'apporter une réponse, dont l'urgence sociale et juridique est indéniable.

Le Gouvernement se contente de nous renvoyer à la future réforme de la procédure pénale – vous venez encore de le faire, madame la ministre. Or il est au moins une question qui doit être traitée en urgence, c'est celle de la présence et du rôle de l'avocat pendant la garde à vue. Nous aurons bien d'autres débats, et probablement des divergences. Des questions essentielles ont d'ailleurs déjà été posées : celle qu'a soulevée M. Goasguen à propos de l'identité du magistrat qui doit décider en matière de garde à vue, est capitale. Il faudrait que ce soit – ce serait un grand progrès – un magistrat du siège. Mais nous débattrons de la question le moment venu.

Ce que nous avons à résoudre aujourd'hui, c'est le problème de l'incertitude juridique, car les récentes décisions rendues par la Cour européenne des droits de l'homme sont évoquées, chaque jour, devant nos juridictions, et des annulations sont déjà intervenues. Vous écartez de nouveau cette réalité juridique en soutenant que ces arrêts n'ont qu'une valeur indicative. Ce débat juridique ne permet pas de sortir de l'incertitude. M. Costa, président de la Cour européenne des droits de l'homme, vous a répondu en indiquant que ses décisions s'imposent à tous les États signataires.

Il faut ajouter à cette incertitude la nouvelle procédure de saisine du Conseil constitutionnel. Son président nous a d'ailleurs mis en garde sur ce qui risque d'arriver. Tout cela, il faut le prendre en compte. Vous ne pouvez pas soutenir que, tant dans le texte exact des décisions que dans la réalité de notre procédure, nos obligations sont remplies. Il suffit de lire l'arrêt de la Cour européenne : « Ainsi, un accusé doit, dès qu'il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit. En effet, l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. À cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer. » Personne ne peut soutenir que notre code de procédure pénale répond aujourd'hui à ces exigences. La police, la justice, nos concitoyens sont donc dans une incertitude majeure, qui peut conduire à des annulations de procédure.

Dès lors que nous débattons d'une question de libertés publiques, chaque seconde, chaque jour perdu est un jour de renoncement. C'est bien pourquoi nous vous proposons aujourd'hui, dans l'attente du grand débat, de répondre à cette question d'urgence pour la protection des libertés et le respect de la convention européenne dont la France a l'honneur d'être signataire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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