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Intervention de Jean-Pierre Schosteck

Réunion du 23 mars 2010 à 15h00
Développement des sociétés publiques locales — Discussion d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Schosteck :

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les collectivités locales jouent un rôle économique essentiel pour soutenir le développement de l'activité dans notre pays, mais aussi pour aménager l'espace et offrir à nos concitoyens les services de proximité qu'ils sont en droit d'attendre. Ces collectivités doivent toutefois disposer d'outils juridiques adaptés pour construire les équipements nécessaires et gérer les services publics locaux avec efficacité, au meilleur coût et sans lourdeurs administratives inutiles.

Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous partageons cet objectif pragmatique. C'est pourquoi je crois que la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, adoptée par le Sénat le 4 juin dernier, peut tous nous réunir, comme je l'ai constaté dans mes travaux de rapporteur ainsi que lors de l'examen du texte en commission des lois, le 3 février dernier. Il s'agit en effet de tirer le meilleur profit, dans la législation nationale, de l'évolution du droit communautaire applicable à la commande publique des collectivités locales.

Depuis le fameux arrêt Teckal rendu le 18 novembre 1999, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes a confirmé et précisé la possibilité, pour les collectivités locales, de confier des opérations d'intérêt général à des sociétés publiques qu'elles détiennent et contrôlent étroitement, sans les mettre en concurrence.

Cette dérogation aux règles concurrentielles normalement applicables en matière de marchés publics ou de délégations de service public n'est possible, en droit communautaire, que si deux conditions sont réunies : la collectivité doit d'abord « exerce[r] sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services », ce dont la CJCE a notamment déduit que le capital de la société devait être entièrement public. Il faut en outre que cette personne « réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».

Vous trouverez dans le rapport de la commission des lois une analyse plus détaillée des évolutions de cette jurisprudence, qui s'est progressivement affinée, notamment depuis cinq ans, avec les arrêts Stadt Halle en 2005, Carbotermo SpA en 2006 et Coditel Brabant en 2008.

Notre droit a déjà commencé à tirer les conséquences de cette jurisprudence, puisque nous avons créé en 2006 les sociétés publiques locales d'aménagement, qui n'ont toutefois compétence qu'en matière d'aménagement. Les SPLA connaissent un regain d'intérêt depuis que leur régime a été assoupli l'an dernier, et le Sénat a logiquement proposé de les pérenniser, en insérant dans le texte initial un nouvel article 1er bis. L'article 2 de la proposition de loi renforce les prérogatives des SPLA pour acquérir et céder des immeubles et fonds de commerce. Mais surtout, son article 1er crée les sociétés publiques locales, dont l'objet sera beaucoup plus large puisqu'elles pourront effectuer, pour le compte et sur le territoire des collectivités qui la détiennent, toute activité d'intérêt général. Les collectivités pourront ainsi, en particulier, leur déléguer la gestion de services publics industriels et commerciaux sans mise en concurrence, à condition que les deux critères de la jurisprudence « in house »soient respectés.

Ces innovations vont dans le bon sens et font consensus chez les élus locaux : l'Association des maires de France, l'Assemblée des communautés de France ainsi que l'Assemblée des départements de France et l'Association des régions de France, ont toutes confirmé leur adhésion au projet.

La commission des lois a donc adopté à l'unanimité cette proposition de loi, reprenant l'essentiel du texte sénatorial. Elle a seulement décidé d'en renforcer la cohérence juridique et rédactionnelle, notamment par l'ajout d'un nouvel article 1er bis A. Il s'agit d'éviter toute ambiguïté sur le fait qu'une collectivité sera bien dispensée des obligations habituelles de mise en concurrence pour déléguer la gestion d'un service public à une société publique locale placée sous son contrôle, dans le cadre de ce que prévoit la jurisprudence communautaire relative aux prestations intégrées. Tel était bien l'objectif de la proposition de loi.

Nous avons également prévu, dans le même article, de renforcer le contrôle et l'information des assemblées locales sur les activités des sociétés publiques locales en cas de délégation, ce qui confortera là aussi la conformité de notre législation aux exigences communautaires : je vous rappelle que les personnes publiques à l'origine de la commande devront être en mesure d'exercer sur la société un « contrôle analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services ».

Bien qu'elle soit modeste par son texte, cette proposition de loi représentera pour nos collectivités une avancée juridique importante, puisqu'elles bénéficieront de modes d'intervention économique plus diversifiés. C'est à elles seules qu'il reviendra de choisir, pour la gestion de leurs activités d'intérêt général, entre une gestion en régie directe ou par le biais d'un établissement public, le recours à une société publique locale qu'elles détiennent entièrement ou la gestion concurrentielle par une société ouverte à des capitaux privés. Cette palette d'outils confortera la libre administration des collectivités locales, tout en leur permettant de mieux contrôler leurs dépenses et la qualité du service rendu aux usagers.

Mes chers collègues, je me réjouis que cette initiative parlementaire, qui était partagée entre l'Assemblée nationale et le Sénat comme entre la majorité et l'opposition, puisse enfin prospérer. Je vous invite donc aujourd'hui à confirmer le choix clairement exprimé par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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