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Intervention de Rama Yade

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Rama Yade, secrétaire d'état chargée des sports :

D'aucuns reprochent à ce texte un fort tropisme en faveur du football. Qu'ils se rassurent : au cours des travaux préliminaires, nous avons entendu les représentants de toutes les disciplines. Le cas des sports individuels, comme le tennis ou l'athlétisme, a été pris en compte. Si le football occupe une place dominante, c'est qu'il fait l'objet des dérives les plus choquantes. Le nombre d'examens pour l'obtention de la licence d'agent sportif du football se monte à 274, sur un total de 469. Sur le montant total des commissions des agents, au cours de la saison 2008-2009, 40 millions d'euros concernaient le football, contre seulement 6,5 millions pour le rugby. Cela démontre le poids écrasant du football. Mais la proposition de loi prend en compte l'équilibre indispensable entre le football et les autres sports.

M. le rapporteur, M. Herbillon et M. Roy m'ont interrogée sur la possibilité d'une législation européenne. En novembre 2009, la Commission européenne a réalisé une étude d'impact sur les agents sportifs dans l'Union, mais cette étude est décevante car elle ne préconise pas l'intervention de la Commission en matière d'encadrement et de contrôle de l'activité de ces agents. Ce qu'elle recommande, c'est que les règles édictées par les fédérations nationales s'appliquent, les pouvoirs publics pouvant intervenir en complément pour régler les problèmes d'éthique et d'ordre public. Quoi qu'il en soit, et même si l'on peut regretter l'absence d'une impulsion européenne, cette étude ne s'oppose pas à l'adoption de mécanismes nationaux d'encadrement.

La France joue un rôle pionnier dans le domaine qui nous occupe. En matière de régulation nationale et, plus récemment, de régulation internationale, nous sommes en capacité de déclencher un mouvement vertueux, comme nous l'avons fait pour le football avec la Direction nationale de contrôle et de gestion. Au niveau européen, la réflexion est en cours.

J'en viens, monsieur le rapporteur, aux grandes lignes du décret d'application de cette proposition de loi. Nous allons constituer une commission sur la profession d'agent sportif. Le rôle de la fédération en matière de sanctions sera précisé, ainsi que les conditions de délivrance de la licence, le contenu de l'examen, les conditions du contrôle annuel, les informations que les agents doivent transmettre aux fédérations et la détermination de l'assiette de 10 %. Concernant le contenu des formations, nous allons engager une réflexion avant la parution du décret.

S'agissant du fair play financier défendu par Michel Platini, je souhaite aller au-delà de ce que comporte le présent texte. Les transferts constituent en effet un vrai problème, mais qui dépasse celui des agents sportifs. Ces opérations mettent en jeu des sommes considérables, ce qui nous pose des problèmes de compétitivité dans la mesure où notre pays dispose d'une Direction nationale de contrôle et de gestion qui nous interdit de dépenser plus que nous n'avons en caisse. Les autres clubs européens, à qui nulle limite n'est imposée, peuvent consacrer des sommes folles à l'achat de nouveaux joueurs. Cette tendance est renforcée par la jurisprudence européenne, qui a supprimé les restrictions relatives au maintien d'un joueur dans le club après la période de formation. Or nous savons tous ce que représente pour un club la perte d'un joueur au terme de sa formation. Ces transferts, pourtant interdits par la Convention internationale des droits de l'enfant, concernent un nombre de plus en plus important de mineurs et sont une pratique courante dans le sport, du fait du grand nombre de dérogations.

M. Platini, qui a réalisé une étude très intéressante sur le fair play financier et l'autorégulation des clubs, souhaite que ses propositions soient relayées par les politiques au niveau européen. C'est ce que je compte faire. Je rencontrerai prochainement quelques ministres des sports européens – en fin de semaine le ministre anglais et la semaine prochaine mon homologue espagnol. L'Espagne occupera en effet la présidence européenne lorsque se tiendront les réunions des ministres des sports – une réunion informelle fin avril et un conseil des ministres des sports à la fin du mois de mai. Au cours de ces réunions, nous mettrons en avant ce principe du fair play, en espérant que nous pourrons aller le plus loin possible. Je pense comme Mme Buffet qu'il s'agit d'un combat essentiel. Mais nous aurons du mal à nous faire entendre car les clubs espagnols, anglais ou italiens, à qui il est permis de recevoir des chèques de tel ou tel milliardaire en échange d'un joueur, n'ont pas intérêt à mettre fin à ce système. Mais après tout, les milliardaires en ont peut-être assez, en période de crise, de dépenser autant d'argent…

L'idéal serait de mettre en place une Direction européenne du contrôle de gestion mais, compte tenu des oppositions qui ne manqueront pas de s'exprimer, je ne peux m'engager sur ce point. Si le combat mené par la France sur les bonus pouvait, inspiré par le même souci d'éthique, s'appliquer au domaine sportif, notre compétitivité pourrait s'en trouver améliorée...

M. Patrick Roy m'interroge sur l'opportunité d'une brigade chargée de vérifier l'application des sanctions. Les sanctions relatives à la profession d'agent, de nature pénale, sont renforcées par le présent texte qui prévoit une peine d'emprisonnement de deux ans et 30 000 euros d'amende pour toute personne ayant exercé illégalement la profession – l'exercice illégal recouvrant comme je l'ai dit l'exercice sans licence, l'exercice rémunéré pour le compte d'un mineur, le non-respect des incompatibilités et des incapacités et le non-respect des dispositions sur la rémunération et la transmission des contrats. Quant à l'amende, elle peut être portée au double de la somme perçue indûment par l'agent sportif.

Monsieur Grosperrin, vous aimeriez que le ministère joue un rôle en matière de sanctions disciplinaires. Le texte laisse aux fédérations le soin d'exercer le contrôle. Actuellement, ces sanctions ne s'appliquent qu'aux agents qui n'auraient pas communiqué les contrats de travail des joueurs ou les mandats. Il était nécessaire de les étendre à ceux qui contreviennent aux dispositions légales, notamment en matière de rémunérations, et c'est ce que fait la proposition de loi.

La tutelle de l'État vis-à-vis des fédérations est renforcée par l'obligation qui leur est faite de communiquer au ministère des sports la liste des agents et de leurs préposés. Quant à la validation par le ministère des règlements fédéraux, elle sera établie par le décret d'application. Comme vous le voyez, le ministère participe au contrôle, directement et par le biais des fédérations.

S'agissant de la formation initiale et continue des agents, votre suggestion est très intéressante, monsieur le député, mais elle n'est juridiquement pas recevable dans le cadre de ce texte : elle relève d'une disposition réglementaire. Nous en discuterons avec les fédérations et vous tiendrons informé de l'évolution de nos réflexions.

Monsieur le rapporteur, vous m'interrogez sur le montant des rémunérations. Aux termes de la proposition de loi, la commission des agents correspondra aux montants prévus dans les contrats de travail ou de transfert. La pratique en matière de contrat de travail consiste à se référer au salaire brut – ce que préconise la FIFA. Prendre en compte les primes conduirait à un paiement échelonné des commissions, ce qui n'est pas conforme aux dispositions du code du commerce en matière de délais de paiement.

Mme Fourneyron et Mme Buffet craignent que ce texte ne crée une nouvelle niche fiscale, les rémunérations des agents n'étant pas soumises aux prélèvements fiscaux et sociaux. La proposition de loi, dans un souci de transparence, autorise les clubs à rémunérer les agents. Désormais, les joueurs déclareront leurs agents et communiqueront les contrats de mandat. Les sommes versées apparaîtront donc dans les comptes du club, qui seront vérifiés par la DNCG. Les rémunérations des agents seront donc soumises aux prélèvements fiscaux et sociaux. Les agents sportifs supporteront les cotisations sociales assises sur leurs bénéfices dans les conditions du droit commun. Il ne s'agit donc pas d'une niche fiscale.

L'implication des ligues professionnelles, madame Buffet, ne signifie pas que celles-ci vont se substituer aux fédérations. L'enjeu de cette proposition de loi étant d'impliquer tous les acteurs, il nous semblait difficile de mettre en place un contrôle de la profession d'agent sportif sans les y associer. Cela étant, je rappelle que les clubs ne sont pas majoritaires au conseil d'administration de la ligue puisque y sont représentés également les joueurs, les médecins, les entraîneurs… Quant au président de la ligue, ce doit être une personnalité qualifiée, non issue d'un club. La ligue n'intervient pas sur le suivi des agents, ce qui supprime le risque de conflits d'intérêts. Ce sont les fédérations qui assureront ce suivi et seront responsables des sanctions, même si nous considérons que la participation des ligues est importante en raison du rôle qu'elles jouent en matière d'enregistrement des transferts et d'homologation des contrats. Enfin, les fédérations rendront un rapport annuel au ministère chargé des sports.

Monsieur Delcourt, vous dénoncez le « commerce des enfants au nom du sport ». Nous pourrions aussi bien parler de traite des mineurs, ou encore d'esclavage sportif. Les prochains sommets européens nous donneront l'occasion d'évoquer cette question et de trouver une solution européenne à un phénomène qui, par définition, se joue des frontières. Nous demanderons l'application de la Convention des droits de l'enfant et insisterons pour que soit limité le nombre de dérogations.

J'ai personnellement mis en place, en octobre dernier, le « fonds sportif pour la protection internationale de l'enfance ». Il s'agit d'un fonds à la fois public et privé, dont la part publique est assurée. S'agissant de la part privée, nous sollicitons les entreprises car l'État ne saurait assumer seul les conséquences d'un phénomène dont il n'est pas responsable. Les clubs, les ligues, les fédérations et l'ensemble des acteurs du mouvement sportif sont représentés au sein du conseil d'administration de ce fonds, destiné à la prévention, à la formation et à l'intervention, en étroite coopération avec l'UNICEF et les trop rares associations qui oeuvrent dans ce domaine.

Pour prévenir, nous devons agir à la source, c'est-à-dire dans les pays d'origine, pour éviter que des jeunes, emportés par un rêve de gloire, ne se laissent entraîner par de faux agents – ce qui jette le discrédit sur cette profession. Notre intervention concerne les jeunes qui se trouvent en France mais n'ont pas fait la carrière qu'ils espéraient. Désoeuvrés, sans famille et sans papiers, ils ont besoin de nous. Il appartient au tribunal des enfants, aux associations, au ministère de l'immigration et au ministère des sports de les aider. Le cas de quelques jeunes a récemment défrayé la chronique. Nous avons été obligés de les prendre en charge et de leur trouver un hébergement. Le fonds sera une structure pérenne et dédiée qui validera ce qui se pratique déjà en l'absence de règles préétablies. Nous ne sommes pas en mesure d'estimer combien de jeunes se trouvent dans cette situation en Europe. On parle de 7 000, mais ce chiffre n'est pas certain car ces jeunes vivent souvent dans la clandestinité.

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