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Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 17 février 2010 à 10h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Ollier, co-rapporteur :

je ne comprends pas la charge brutale de François Brottes. Croyez bien que je suis tout à fait sincère quand je vous fais part de mon intention de soutenir l'action du Gouvernement afin de mettre fin à un certain nombre de pratiques dans trois domaines distincts.

S'agissant du « coefficient multiplicateur » que je défends avec ardeur, des difficultés juridiques existent mais c'est une question qui doit être abordée dans le cadre de la future LMA. J'invite donc M. Dionis du Séjour à se rapprocher de M. Michel Raison, rapporteur de ce texte, pour travailler ensemble.

Le présent rapport a pour objet de vérifier l'application de la LME dans trois domaines différents. Si le bilan a pu être qualifié dans le document provisoire distribué de « désastreux » en matière d'urbanisme commercial, j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas là pour autant d'une appréciation globale sur l'application de l'ensemble du texte.

Qu'il s'agisse des pratiques commerciales, de délais des paiement ou de l'urbanisme commercial, il était nécessaire de trouver les bases d'une législation qui permette de mettre fin aux abus et les méthodes de contournement. Cette base juridique était nécessaire : elle a été établie par la LME et s'avère globalement efficace même si, chacun en convient, certains points méritent d'être améliorés : j'espère que ce rapport va y aider.

Les difficultés liées au prix du lait et, plus globalement, la crise du lait que nous avons vécue, n'ont aucune relation directe avec la LME. Les difficultés du secteur laitier existaient avant le vote de la loi et, malheureusement, risquent de perdurer encore quelque temps.

Vous estimez par ailleurs que cette loi n'aurait pas dû être adoptée avant la crise. C'est un argument politique qui est un peu facile : comment aurions-nous pu prévoir qu'il y allait avoir une crise économique ? Personne ne pouvait le penser un seul instant.

Le fait d'avoir réussi à faire diminuer les marges arrière de 30 % à 10 % est un vrai succès : Jean Gaubert en convient. Nous allons néanmoins poursuivre les efforts en ce sens car il reste du chemin à parcourir. Je rappelle qu'à l'époque de la discussion du texte, c'était un sujet réputé intouchable : pourtant, 18 mois après l'adoption de la loi, des résultats ont été obtenus et le bilan s'avère très positif.

En matière d'urbanisme commercial, et je demande que cela ressorte davantage dans le rapport, nous avons également de quoi nous féliciter. Lorsque la circulaire du 28 août est parue, la Commission des affaires économiques s'est rendu compte qu'elle remettait clairement en cause l'esprit et le texte de la loi. Qu'avons-nous fait ? Vous le savez, nous avons tout simplement provoqué un changement réglementaire. Ainsi, dès le 24 octobre, nous avons convoqué le ministre en charge du commerce, M. Chatel, pour une réunion de la commission à huis-clos : nous avons eu avec lui une explication très tendue et, le 28 octobre, une nouvelle circulaire paraissait, abrogeant la précédente que nous avions condamnée. C'est un résultat qui doit être souligné ! Nous considérons pour autant qu'il y encore un certain nombre de carences : à cet effet, la commission des affaires économiques s'engage à travailler avec le Gouvernement pour aboutir à la rédaction d'une proposition de loi qui permettra de tenir les engagements pris en la matière.

Sur les prix, on enregistre une baisse de 0,65 % depuis décembre 2008 : même si on peut souhaiter davantage, cela n'est déjà pas si mal, surtout si c'est grâce à la loi. L'assignation des enseignes commerciales devant les tribunaux, c'est également grâce à la loi. Il faut le rappeler avec force !

Je remercie M. Jean Dionis du Séjour d'avoir reconnu qu'il y avait des choses positives dans la LME. Le rapport les fait d'ailleurs ressortir, de même qu'il souligne les faiblesses sur lesquelles nous travaillons actuellement. J'ai évoqué la proposition de loi sur l'urbanisme commercial mais, en matière de relations commerciales, nous pouvons également poursuivre nos travaux. Un comité de suivi, conjoint avec la CEPC et le Gouvernement, pourrait être créé afin de tenir la Commission informée des évolutions en cours et lui permettre ainsi d'intervenir. Enfin, sur les délais de paiement, je ne doute pas que mon co-rapporteur aura des propositions à faire, propositions sur lesquelles nous pourrions également travailler. De manière générale, je souhaite que l'on puisse continuer à avancer et, au-delà des critiques plus ou moins légitimes, que l'on fasse de véritables propositions pour améliorer les choses.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur. La première question à se poser me semble-t-il, c'est de savoir si la loi a fait baisser les prix. Nous avons donné deux chiffres dans le rapport : les prix ont augmenté de 0,4 % pour l'INSEE ; ils ont baissé de 0,65 % pour le Gouvernement. Nous avons donné les deux chiffres, même si, à titre personnel, je croyais que l'INSEE était l'organisme certificateur. Il est de toute façon difficile de se prononcer sur les effets de la loi, car nous sommes entrés dans une période de crise économique, qui a eu pour effet d'entraîner une baisse généralisée des prix. C'est pourquoi il est difficile, même si l'on constate effectivement une baisse, de l'attribuer ou non à la loi.

Dans le même temps, on a connu une baisse des prix agricoles : nous avons d'ailleurs évoqué tout à l'heure la crise du lait. Dès lors, on aurait dû logiquement constater une baisse beaucoup plus forte des produits d'origine agricole dans la grande distribution. Ça n'a pas été le cas.

La deuxième question consiste à se demander si les marges arrière ont diminué. C'est le cas, incontestablement : en moyenne, on l'a dit, elles ont baissé de 30 % à 10 %. Cela a-t-il pour autant fondamentalement changé les choses ? En effet, la baisse des marges arrière était présentée comme un élément permettant de faire baisser les prix : or les prix n'ont pas baissé. Cela a certes assaini le système au niveau des marges arrière mais les distributeurs continuent de demander à leurs fournisseurs le versement de commissions dans des paradis fiscaux. Cela n'a pas changé, malheureusement, parce qu'on n'a pas voulu l'interdire alors que c'est tout de même une pratique assez grave.

Les méthodes ont-elles pour autant été modifiées ? Non, les marges arrière étant devenues interdites, elles ont mécaniquement diminué mais, comme vous le savez, l'imagination de certains est sans limite. À ce titre, vous n'avez pas été sans remarquer la prolifération, dans les grandes surfaces, de la formule « 3 pour 2 ». Or, qui paie le « 3 » pour vendre « 2 » ? Le fournisseur. C'est une autre façon de faire qui s'est désormais considérablement développée. Vous avez également eu connaissance de la « garantie de marge », qui a été condamnée et qui a donc été retirée. Néanmoins, cette pratique a été tentée.

On a également vu, dans le cadre de la libre négociabilité, des distributeurs qui ont accepté de ne faire aucune marge sur un produit donné. Or, si le distributeur voisin fait la même chose sur un autre produit, pour la seule raison que sa négociation a été différente, il va revenir vers le fournisseur en lui demandant pourquoi son concurrent fait « zéro marge » sur un produit : il exige donc également de pouvoir bénéficier de ce « zéro marge ». Il faudra revoir ce point.

En outre, et nous ne pouvons que le déplorer, il subsiste une réelle crainte de révéler les pratiques applicables. Dans certains départements, comme le Finistère notamment, nous avons dû rencontrer des gens à huis clos, en cachette, le soir. Ces personnes ont expressément demandé à ce que leurs noms ne figurent pas dans le rapport ! Or, contrairement à ce que l'on pourrait penser, il s'agit de chefs d'entreprises de PME de 50 à 200 salariés et non pas de PME de trois salariés ! Cela montre bien que l'atmosphère reste invivable et que des pressions demeurent. La CEPC aura donc un rôle à jouer mais, pour le moment, on ne peut pas dire que la partie soit gagnée.

Je l'avais dit au moment du débat sur le projet de loi : il y a des choses que la loi ne pourra jamais régler car les relations commerciales restent fortement marquées par le rapport du fort au faible. La bonne nouvelle, c'est qu'aujourd'hui, le Gouvernement peut saisir la justice dans un certain nombre de cas et faire condamner devant les tribunaux les excès constatés ; on peut espérer que cela aura un effet vertueux, mais pour le moment, on ne l'a pas encore observé.

En ce qui concerne les dérogations aux délais de paiement, comme je l'ai indiqué dans le rapport, il était normal qu'il en existe un certain nombre. La réforme a été mise en oeuvre dans une période où les banques resserraient leur offre de crédits, tant pour les distributeurs que pour les fournisseurs. Je pense qu'il y a quand même un certain nombre de dérogations qui ont été un peu trop généreusement accordées. Dans le secteur du bricolage, par exemple, la dérogation a été accordée relativement tard, bien après la négociation. Or, on n'a pas remis en cause cette négociation alors qu'elle avait pourtant tenu compte de la diminution des délais de paiement : les grandes surfaces du bricolage ont donc un double bénéfice. Ce sont celles qui ont le plus bénéficié de la circulaire du 28 août 2008 et qui, dans le même temps, font les plus grosses marges : dans ce secteur en effet, les marges nettes atteignent plus de 10 % alors qu'elles ne sont que de 2 à 3 % dans les autres secteurs. On s'est souvent focalisé sur les grandes surfaces de « multi-distribution » mais, à la réflexion, c'est peut-être dans le secteur du bricolage même si ce n'est pas le seul, que les abus sont les plus forts.

S'agissant de la saisine de l'Autorité de la concurrence, les élus ont effectivement cette faculté mais ne l'ont pas encore mise en application. Je rappelle que l'Autorité de la concurrence peut également s'auto-saisir : M. Bruno Lasserre, avant de devenir président de cette autorité, nous avait d'ailleurs annoncé qu'il avait l'intention de le faire. Je l'ai revu récemment : il m'a indiqué être très attentif à ces questions et qu'il étudiait actuellement plusieurs dossiers pour savoir si l'auto-saisine était possible ou non.

Sur le problème du « coefficient multiplicateur », l'UFC-Que Choisir s'est prononcée favorablement sur son application pour tous les produits frais d'origine agricole, ce qui n'était pas le cas jusque là. Le rapport Canivet a soulevé un problème d'incompatibilité éventuelle de ce système avec le droit communautaire mais je constate que, dans notre pays, lorsqu'on ne veut pas faire quelque chose, il est facile d'invoquer cet argument d'incompatibilité. Peut-être vaudrait-il mieux commencer par agir et vérifier ensuite si cela est conforme à ce droit. A force de dire qu'un dispositif n'est pas « euro-compatible », on ne fait plus rien : c'est dans la pratique un bon argument quand on veut rester immobile !

Enfin, pour répondre à une question de M. François Brottes, nous avons volontairement choisi de ne pas se pencher sur le statut de l'auto-entrepreneur : tout le monde aura compris qu'il aurait été difficile pour le co-rapporteur et moi-même d'avoir des avis convergents sur ce sujet alors que, s'agissant des relations commerciales, même si nous n'avions pas le même avis, il était plus aisé de formuler des observations communes.

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