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Intervention de Régis Juanico

Réunion du 18 février 2010 à 15h00
Débat sur les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'occasion de ce débat initié par le groupe socialiste, radical et citoyen, je souhaite aborder la question de l'article 35 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, censé clarifier les compétences, qui prévoit la suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements.

Si le texte devait être adopté en l'état, les conséquences seraient extrêmement négatives pour nos territoires, les collectivités départementales et régionales n'ayant plus la possibilité de financer un certain nombre de compétences facultatives comme la culture, le tourisme, la vie associative ou le sport.

Si je prends la parole dans cette discussion, c'est en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le budget « Sports, jeunesse et vie associative », mais aussi en tant qu'élu local, comme un grand nombre d'entre nous cet après-midi, et conseiller général de la Loire.

L'article 35 du projet de loi qui a été voté par le Sénat le 4 février dernier dispose que la région et le département exercent, en principe exclusivement, les compétences qui leur sont attribuées par la loi. Dès lors que la loi a attribué une compétence à l'une de ces collectivités, cette compétence ne peut être exercée par une autre collectivité.

Un certain flou, vous en conviendrez, entoure la rédaction de cet article, qui renvoie à une future loi devant être adoptée dans les douze mois la répartition des compétences des régions et des départements.

Le Président de la République a été très clair dans son discours sur l'avenir des territoires ruraux le 9 février dans le Loir-et-Cher. La commune, on n'y touche pas, a-t-il déclaré à cette occasion. L'idée, c'est d'arrêter avec la clause de compétence générale pour le département et la région.

En clair, cela signifie qu'il a bien confirmé la suppression de la clause de compétence générale pour ces deux collectivités, qui n'auront plus la faculté de financer, en plus de leurs compétences obligatoires, des actions facultatives pourtant indispensables en matière d'aménagement du territoire et de solidarité entre les populations.

Une telle décision aurait des répercussions considérables au niveau local pour le monde associatif et le mouvement sportif, qui se verraient privés des financements ou subventions indispensables à leur pérennité. Il faut savoir que les départements et les régions contribuent au budget des associations loi de 1901 à hauteur de 15 % environ sur un budget total annuel de 60 milliards d'euros.

Pour le sport, domaine que je connais le mieux, les collectivités territoriales assurent 75 % des financements publics, soit près de 10 milliards d'euros. L'État assure un peu plus de 3 milliards d'euros si l'on intègre le sport scolaire. Sur les dix milliards des collectivités, 90 % des dépenses sont faites par les communes, essentiellement pour des équipements sportifs, mais les régions et les départements interviennent à hauteur de 1,2 milliard d'euros. À titre de comparaison, le budget du sport s'élève en 2010 à 1 678 millions d'euros.

Le financement public du sport par les régions et les départements est donc le double du budget du ministère des sports. L'enjeu est considérable, et le mouvement sportif, par le biais du comité national olympique et sportif français et de son président, Denis Masseglia, l'a bien compris en se mobilisant très tôt sur cette question, car c'est bien l'avenir du modèle sportif français ancré dans les territoires qui est en jeu.

Je veux prendre pour exemple le territoire où je suis élu.

En Rhône-Alpes, le budget du sport de la région représente 12 millions d'euros. Certes, cette somme ne représente que 0,7 % du budget total de la région, mais ce budget, sous l'impulsion de Thierry Philip, vice-président du conseil régional, permet d'intervenir pour accompagner le mouvement sportif régional à travers les ligues, de développer l'emploi associatif avec les emplois tremplins, de baisser le prix des licences sportives pour les lycéens, de favoriser la pratique sportive pour les publics qui en sont le plus éloignés pour des raisons sociales, géographiques ou physiques, de soutenir les centres de formation, en particulier les trente-cinq pôles espoir en Rhône-Alpes, de financer un centre de ressources pour les bénévoles et de construire ou rénover les équipements sportifs scolaires aux côtés des autres collectivités à hauteur de 7 millions d'euros chaque année.

Dans le département de la Loire, le budget du sport du conseil général représente 8 millions d'euros : 3 millions pour le sport pour tous, 2 millions pour le sport de haut niveau, et 2,5 millions pour les équipements de proximité. Huit millions d'euros, c'est à peine 1 % du budget du département, mais ces financements sont vitaux et indispensables pour la vie des 300 clubs sportifs ligériens amateurs et professionnels concernés par les subventions du département, pour les cinquante-sept comités départementaux, la rémunération des cadres techniques étant prise en charge par le département, pour les centres de formation des clubs, mais aussi pour le handisport, le sport scolaire ou universitaire, qui sont également aidés.

Monsieur le secrétaire d'État, qui prendra le relais de ces financements départementaux et régionaux si la clause de compétence générale est supprimée pour ces deux collectivités ?

L'État ? C'est exclu, au moment où celui-ci se désengage comme jamais sur le plan financier et fait subir avec la revue générale des politiques publiques une cure d'austérité sans précédent aux personnels des services déconcentrés de la jeunesse et des sports qu'on éloigne du terrain.

Les communes et leurs regroupements, qui, en vertu de la loi, conserveraient seuls le libre choix de leurs politiques au nom de l'intérêt local ? On peut en douter fortement dans le contexte actuel, difficile, alors que les finances communales sont fragilisées par la suppression de la taxe professionnelle.

Les équipements sportifs et le soutien à la vie associative resteront-ils des priorités pour les exécutifs communaux ou intercommunaux aujourd'hui asphyxiés financièrement par les réformes du Gouvernement ?

De plus, les politiques communales ou intercommunales sont par définition très locales, avec de fortes disparités de richesses entre territoires. Est-ce le bon niveau pour penser une politique du sport, en particulier pour la construction des équipements ou des infrastructures ? L'échelon départemental ou régional me paraît plus pertinent.

Certes, tel qu'il a été voté par le Sénat, l'article 35 autorise la pratique des financements croisés entre collectivités territoriales, « encadrée afin de répartir l'intervention publique en fonction de l'envergure des projets ou de la capacité du maître d'ouvrage à y participer ». Les collectivités pourraient donc participer aux investissements pour les équipements sportifs, me direz-vous.

Je vous rappelle tout d'abord que les investissements des régions et des départements pour les équipements sportifs ne représentent que la moitié de la somme de 1,2 milliard d'euros consacrée au sport. Le problème demeure donc pour les 600 millions d'euros de subventions aux associations.

Au-delà du caractère flou de cette disposition, on voit bien que la notion de capacité du maître d'ouvrage à participer aux financements croisés va exclure de fait de nombreuses communes, en particulier en milieu rural, qui n'ont pas les moyens financiers de se lancer dans de tels chantiers et pour qui ce sera mission impossible.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous restons convaincus que la clause de compétence générale constitue la marge d'adaptation des collectivités aux spécificités du territoire. L'abandon de cette clause serait une régression historique pour le développement local.

C'est pourquoi nous nous battrons lors des débats à venir à l'Assemblée nationale pour obtenir non seulement une exception culturelle, mais aussi une exception « sport, jeunesse et vie associative », afin que les collectivités territoriales puissent continuer à s'engager et à s'impliquer auprès des acteurs associatifs de terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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