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Intervention de Guy Lefrand

Réunion du 16 février 2010 à 21h30
Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Lefrand, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je voudrais apporter quelques rapides commentaires.

J'ai particulièrement apprécié les interventions de Marie-Anne Montchamp et de Jean-François Chossy, qui ont insisté sur le volet « handicap » de cette proposition de loi, mais ont surtout bien montré l'humanité qui se cache derrière des termes parfois un peu techniques.

Vous avez l'un et l'autre évoqué la condescendance ou la compassion que l'on voit parfois s'exprimer à l'égard des personnes handicapées ; je voudrais souligner que cette proposition de loi ne se situe pas dans le registre de la compassion ou de la condescendance, mais qu'elle cherche à agir, de façon très pragmatique, sur la notion de réparation intégrale, en créant les outils communs d'évaluation qui nous font défaut aujourd'hui.

Monsieur Chossy, vous avez proposé d'envisager pour l'indemnisation une limite dans le temps. C'est un problème compliqué, que nous avons souvent abordé dans les auditions. Malheureusement, aujourd'hui, il paraît difficile de fixer un délai : l'évolution est toujours possible, et la consolidation apparaît parfois très tardivement. L'article 6, alinéa 1, de la Convention européenne des droits de l'homme mentionne un délai « raisonnable ». Nous y avons réfléchi lors des auditions mais, aujourd'hui, il paraît difficile d'aller au-delà.

Monsieur Bapt, vous avez rappelé les difficultés de l'indemnisation, et vous avez évoqué, comme Claude Leteurtre, le parcours du combattant que l'on retrouve souvent. Nous allons pouvoir répondre à plusieurs de vos demandes, notamment sur le bilan situationnel que vous avez évoqué.

Plusieurs d'entre vous se sont en effet interrogés sur la rédaction de l'article 9, et notamment sur les différences entre la proposition de loi initiale et celle qui émane de la commission des finances. Il faut savoir que nous avons beaucoup écouté le Conseil d'État – peut-être trop, puisque son avis est purement consultatif. Or le Conseil d'État a considéré que l'article 9 se situait par trop dans le domaine réglementaire : c'est pourquoi nous avions supprimé ce qu'il nous avait demandé de supprimer.

Vos demandes seront satisfaites, puisque l'un des amendements, que nous avons discuté cet après-midi, prévoit de rétablir la notion de bilan situationnel. Je vous proposerai d'ailleurs de sous-amender cet amendement, afin que le principe de l'examen contradictoire, évoqué par M. Bapt, mais aussi par Mme Carrillon-Couvreur et Mme Reynaud, soit clairement inscrit dans la loi, comme vous le souhaitez.

De cette façon, nous arriverons à une vraie concordance de vue, et cela justifiera pleinement la confiance que vous nous avez faite en votant en commission cette proposition de loi à l'unanimité.

Je voudrais aussi vous rassurer sur les articles de la loi Badinter qui sont abrogés, notamment par l'article 13 : les articles supprimés sont tous parfaitement codifiés.

Monsieur de Rugy, vous avez évoqué l'impact financier, tel qu'il a pu être discuté en commission des finances. Ce qui nous a semblé important, et vous l'avez vous-même rappelé, c'est avant tout le côté humain et le côté pragmatique d'une telle proposition. Il est en effet difficile de savoir, aujourd'hui, si cela va coûter plus ou moins cher. La seule chose que je peux vous dire, c'est que certains nous ont, dans le cadre des auditions, proposé de mettre en place un contrat obligatoire pour les conducteurs : vous remarquerez que cette idée n'a pas été reprise dans notre proposition de loi, car nous arriverions à des surcoûts très importants, qui pourraient se révéler difficilement supportables par certains. Il ne nous semblait en tout cas pas opportun, aujourd'hui, d'exiger de l'ensemble des assurés un contrat obligatoire, qui coûterait entre trente et cinquante euros par an, et qui pourrait être assez compliqué à mettre en oeuvre.

Vous avez évoqué un sujet qui m'est cher : il faut en effet éviter la rejudiciarisation. L'objet de cette proposition est de faciliter les relations entre les assureurs et les victimes, de manière à éviter d'engorger davantage les tribunaux.

Monsieur Leteurtre, vous vous êtes interrogé sur le recours du tiers payeur. Un amendement prévoit que la nomenclature unique sépare bien ce qui est patrimonial et ce qui est extrapatrimonial. Cela devrait vous satisfaire. Nous n'avons pas souhaité aller plus loin pour le moment car nous ne voulions pas ouvrir la boite de Pandore sur le recours du tiers payeur – on sait où on commence, on ne sait pas où on s'arrête. Ainsi que certains orateurs l'ont rappelé, nous avons voulu être très pragmatiques : j'aime les choses claires, précises – peut-être mon passé de médecin urgentiste explique-t-il ce trait de caractère. Ouvrir aujourd'hui ce recours au tiers payeur risquait de nous mettre en difficulté, même si, évidemment, les dernières décisions de la Cour de cassation nous inquiètent beaucoup les uns et les autres.

Enfin, vous avez souhaité que la base de données puisse concerner toutes les transactions. Là aussi, nous avons voulu être pragmatiques. Pour le coup, le Conseil d'État a été très clairet très précis sur le champ d'application en ce qui concerne le mélange des données, qu'elles proviennent de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ou d'autres, dans la même base de données que les accidents de la circulation.

Madame Montchamp, vous avez insisté sur l'aspect humaniste de la proposition, ce dont je vous remercie, et sur la notion de spécificité du handicap : je pense notamment aux traumatisés crâniens qui ont ce que l'on appelle souvent un handicap invisible. J'en profite pour saluer l'Association des traumatisés crâniens, qui est à l'origine de cette proposition de loi que nous allons voter ce soir, j'espère à l'unanimité. C'est en partant de cette difficulté de reconnaissance du handicap que nous avons réussi à évoluer.

Notre collègue Jean-Frédéric Poisson a insisté sur le facteur temps. Nous sommes bien sûr tous pressés. Nos amis des associations de victimes ont oeuvré tout particulièrement pour faire en sorte que ce texte soit inscrit à notre ordre du jour. Je leur fais confiance pour solliciter avec autant d'efficacité les sénateurs afin qu'ils examinent rapidement à leur tour cette proposition de loi, surtout si elle est votée à l'unanimité ici.

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