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Intervention de Martine Carrillon-Couvreur

Réunion du 16 février 2010 à 21h30
Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Carrillon-Couvreur :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise s'inscrit dans le prolongement de la loi adoptée en 1985 à l'initiative de Robert Badinter. Les analyses formulées à l'époque saluaient les réelles avancées de cette loi. Ceux qui l'ont votée à l'unanimité avaient toutefois parfaitement conscience qu'elle constituait une étape parmi d'autres à venir, et certains demandaient déjà de réfléchir à une future loi rationnelle, générale et simple. Le chantier était donc ouvert.

Si la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, se voulait généreuse dans ses dispositions, au fil du temps des dysfonctionnements sont apparus dans sa mise en oeuvre, pouvant conduire à une sous-indemnisation des victimes en raison d'un arsenal juridique défaillant.

Aujourd'hui encore, le dispositif d'indemnisation issu de la loi Badinter conduit, dans la très grande majorité des cas, à une transaction amiable avec l'assureur du responsable de l'accident, tandis que les dossiers traités par voie judiciaire peuvent conduire à un montant de réparation parfois majoré de plus de 50 %.

Le déséquilibre manifeste existant entre les parties appelait donc d'autres règles. Il convient de saluer le travail mené par nos collègues Geneviève Levy et Guy Lefrand, car les premières conclusions nous laissaient entrevoir de réelles avancées allant dans le sens du respect des droits des victimes. Cependant, la version dont nous débattons ce soir a été remaniée. Je souhaite appeler votre attention sur certains aspects de cette proposition, car nous nous trouvons devant un texte qui pourrait conduire à la remise en cause du principe même d'une réparation intégrale et juste.

Je veux m'arrêter dans un premier temps sur l'article 9, qui me paraît, dans la présente rédaction, en retrait par rapport à la version originale. En effet, il était initialement proposé de prendre en considération l'environnement habituel de la victime dans le cadre de l'examen médical réalisé par le médecin-conseil de l'assureur. Cela représentait une avancée importante pour les victimes, puisque cette mesure permettait de prendre en compte l'environnement de la personne et de procéder à un bilan situationnel. C'était également rejoindre l'esprit de la définition de l'OMS, qui considère que le handicap est la résultante de la confrontation d'un être humain avec ses capacités et de son environnement avec ses exigences. Nous avions d'ailleurs longuement débattu de ce point lors de l'examen de la loi du 11 février 2005, dont certains de nos collègues ici présents ont été les ardents défenseurs.

Nous savons aujourd'hui que le bilan situationnel, qui constitue un droit pour les personnes, est inopérant en pratique, car les victimes ne connaissent pas ce droit. Son inscription dans la législation, telle que vous nous l'aviez proposée, devait enfin permettre de garantir l'effectivité de ce droit. Ce n'est plus tout à fait le cas avec la version un peu différente qui nous est soumise aujourd'hui.

De plus, toujours dans ce même article, il nous était proposé de renforcer le principe du contradictoire lorsque la victime refusait d'être examinée par le seul médecin mandaté par l'assureur. Ce droit, trop souvent méconnu des victimes, voyait ici son champ d'application devenir effectif. Mais là encore, l'article 9, tel qu'il nous est proposé, revient sur cette avancée.

Je voudrais maintenant aborder l'article 11, qui vise à mettre en place une base de données permettant de recenser les montants des indemnités versées aux victimes dans le cadre des transactions et des décisions de justice. La version initiale semblait garantir une certaine transparence, puisqu'elle laissait entendre que cette base, alimentée par les assureurs, les fonds et offices de garantie ou d'indemnisation et les services du ministère de justice, tendrait – sous le contrôle de l'État – à la neutralité quant à son fonctionnement.

Cette neutralité est essentielle, car elle permet de trouver le juste équilibre entre les victimes et le rôle des assureurs. Ni les uns ni les autres ne doivent avoir la maîtrise de cet outil. Cette porte entrouverte dans la rédaction initiale pouvait nous laisser penser qu'il était désormais possible d'aller un peu plus loin, et de replacer sous le giron du service public la gestion de cette base de données. Des exemples tels que Légifrance existent actuellement. Cet outil, sous le contrôle de l'État, peut être adapté à la cause dont nous débattons, mais en sera-t-il vraiment ainsi avec la version du texte qui nous est soumise ce soir ? Vous proposez en effet qu'il revienne aux entreprises d'assurance d'alimenter et de contrôler cette base de données, alors même que nous mesurons les limites de la base actuelle AGIRA, régie par ce même principe.

Tels sont les deux points majeurs sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Il me semble impératif de les revoir afin que cette loi apporte, dans sa rédaction finale, les garanties nécessaires aux personnes victimes de dommages corporels à la suite d'un accident de la circulation.

Enfin, je voudrais aborder quelques points techniques pour éclairer notre débat. Il est fait mention, à l'article 13 du texte, de la suppression des articles 12 à 27 de la loi du 5 juillet 1985. Pourriez-vous nous garantir que les dispositions afférentes à ces articles seront bien reprises dans leur intégralité dans les textes traitant de l'indemnisation des victimes ?

Plusieurs d'entre nous ont évoqué, en commission, la question des délais d'indemnisation. Si des évolutions significatives sont à observer depuis l'adoption de la loi de 1985, de très nombreuses procédures s'étalent sur une période bien trop longue. Ce sujet est sensible, car il concerne le respect de procédures contradictoires, qui ne peuvent être conduites précipitamment. Toutefois, il serait peut-être utile d'engager une réflexion en ce domaine, afin de fixer un cadre permettant d'assurer une certaine sécurité aux victimes.

Pour conclure, nous remercions encore une fois nos collègues d'avoir ouvert ce chantier de l'indemnisation des victimes, car il permet des avancées substantielles pour toutes les personnes concernées. Nous savons que c'est un sujet sensible et aimerions que vous puissiez nous rassurer en apportant des réponses aux questions que nous nous posons.

Nous considérons que cette proposition de loi constitue une étape importante et espérons que vous prendrez en compte les observations que nous avons formulées, afin que le texte qui nous est soumis contienne les améliorations que nous jugeons indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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