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Intervention de Claude Leteurtre

Réunion du 16 février 2010 à 21h30
Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Leteurtre :

Monsieur le président – dont je tiens à saluer la majestueuse présidence (Sourires) –, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, près de douze personnes perdent la vie chaque jour sur nos routes et 230 personnes, en moyenne, sont blessées chaque jour dans un accident de la circulation. Outre qu'ils nous imposent la plus grande vigilance quant à notre politique de prévention des accidents, ces chiffres soulignent toute l'importance que revêtent les règles relatives aux indemnisations des victimes.

Comme vous le savez, la loi Badinter du 5 juillet 1985 a permis d'instaurer un régime spécial d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation. Affirmation du principe de la réparation intégrale des préjudices causés aux victimes d'un accident de la circulation, raccourcissement des délais de traitement des dossiers d'indemnisation : les apports de cette loi sont nombreux. Pourtant, l'indemnisation demeure pour les victimes un véritable parcours du combattant. Nombre d'entre elles sont en effet confrontées à de graves difficultés pour faire valoir leurs droits à l'indemnisation. Au demeurant, on constate que les victimes sont trop souvent dans l'ignorance de leurs droits.

C'est la raison pour laquelle nous devons non seulement réaffirmer les deux principes intangibles que sont la réparation intégrale du préjudice et l'individualisation de la réparation, mais aussi en améliorer les conditions d'application. J'émettrai cependant une réserve : en l'état, la proposition de loi ne va pas assez loin par rapport à l'esprit du rapport Dintilhac. Il serait en effet logique de rendre impossible les recours des tiers payeurs au titre des dommages extrapatrimoniaux. Sinon, nous ne serions pas cohérents avec les deux principes que je viens de rappeler.

Par ailleurs, les complexités de la procédure ne doivent en aucun cas s'ajouter à la douleur subie par les personnes victimes d'un accident de la route. Le dispositif d'indemnisation doit donc être juste, rapide, efficace, respectueux du droit des victimes, et rendre effective la réparation intégrale des préjudices subis. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre se félicite de l'initiative de nos collègues Guy Lefrand et Geneviève Lévy, qui ont fait un travail remarquable afin de réaffirmer et de compléter les principes et dispositions de la loi Badinter de 1985.

La présente proposition de loi n'en modifie d'ailleurs pas l'économie générale ; elle vise au contraire à améliorer le droit des victimes. Le texte tend notamment à combler certaines lacunes de l'actuelle législation, comme l'absence d'outils communs d'évaluation du préjudice entre assureurs, juges et victimes. Il est ainsi proposé de refondre les différents barèmes médico-légaux actuels en un barème unique, publié dans un délai de deux ans, et de garantir aux victimes la totale indépendance des experts médicaux impliqués dans la procédure d'indemnisation. Il s'agit d'une avancée majeure.

Comme vous le savez, la présente proposition de loi a fait l'objet d'une véritable concertation entre la commission des affaires sociales et celle des finances de notre assemblée. Tenant compte des remarques du Conseil d'État, elle distingue clairement les dispositions communes aux victimes de dommages corporels et les dispositions particulières aux victimes d'accidents de la circulation.

J'aimerais pour ma part revenir sur trois d'entre elles.

La première consiste dans la création d'une base de données en matière de réparation du dommage corporel recensant les transactions et les décisions judiciaires et administratives. Je vous rappelle que le texte initial proposait l'élaboration d'un référentiel national indicatif de certains postes de préjudices corporels. Il s'est avéré que, pour le moment, ce référentiel ne faisait pas consensus, et ce pour une raison très simple : il irait à l'encontre des principes d'individualisation de l'indemnisation et de réparation intégrale.

Pour sa part, le Nouveau Centre souhaite étendre ce recensement à toutes les transactions et décisions judiciaires et administratives ayant trait à l'indemnisation des victimes de dommages corporels. En effet, limiter la base de données aux seuls accidents de la circulation serait en contradiction avec l'esprit et la lettre des autres articles de la présente proposition de loi, qui ont vocation à s'appliquer à tous les contentieux et à toutes les transactions.

Au reste, je me félicite que la plupart des mesures contenues dans ce texte ne soient pas limitées aux accidents de la route. Elles auront en effet un champ d'application plus large, notamment celles relatives au barème médical unique d'évaluation des atteintes à l'intégrité physique et psychique et aux définitions-types de missions d'expertise médicale, aux conflits d'intérêts, à la table de capitalisation ou à la nomenclature. Ainsi, les accidents survenus sur des chemins de fer et sur des voies de tramway, jusqu'à présent exclus du champ de la loi de 1985, seront désormais concernés. C'est une des avancées majeures que nous avons obtenues en commission des affaires sociales.

Deuxièmement, le texte vise à rendre obligatoire une nouvelle nomenclature qui s'inspirera pour une large part, tout en l'améliorant, de celle du rapport Dintilhac, qui recense les différents chefs de préjudices indemnisables, tant lors de la procédure amiable que contentieuse. La sécurité juridique des victimes s'en trouvera véritablement renforcée puisque cette nomenclature fournit une liste exhaustive des postes de préjudices dont une victime peut demander réparation. Surtout, une telle nomenclature n'avait jusqu'alors aucune force contraignante, si bien que, si de nombreux assureurs et tribunaux s'y référaient, ils n'y étaient pas obligés ; d'où les différences de traitement constatées.

Par ailleurs, il est indispensable de réaffirmer que les postes de préjudices à caractère extrapatrimonial ne peuvent faire l'objet d'aucun recours. Il s'agit, pour le Nouveau Centre, d'un point essentiel et même primordial. En effet, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles et strictement définies, la loi réservait la possibilité pour l'organisme tiers payeur d'exercer un recours sur les postes de préjudices extrapatrimoniaux. Or, dans des arrêts récents, la Cour de cassation a inversé de façon aberrante les termes et l'esprit de la loi, en autorisant un véritable pillage de ces postes. Ce n'est pas acceptable. Il faut donc graver dans la loi le principe du non-recours sur les indemnités à caractère extrapatrimonial.

Troisièmement, le texte prévoit la réactualisation du barème de capitalisation. Sur ce point, nous avons formulé deux propositions.

La première a pour objet de réduire la fréquence de révision du barème de capitalisation, afin d'éviter des variations trop importantes, en cours de procédure, des sommes sollicitées au titre des postes capitalisés.

La seconde vise à indexer le présent barème sur l'évolution du SMIC. En effet, depuis trente-cinq ans, l'indice de revalorisation des rentes évolue plus faiblement que l'augmentation du SMIC. Ainsi, de 1985 à 2005, les rentes ont été revalorisées de 59 %, alors que, pour la même période, le SMIC a été revalorisé de 107 %. Cette différence est telle que l'indemnité allouée à la victime devient insuffisante pour lui permettre de bénéficier de l'assistance dont elle a besoin. L'indice de revalorisation doit donc être adapté au poste de préjudice indemnisé – le SMIC, par exemple, lorsqu'il s'agit d'une tierce personne – pour que le préjudice soit intégralement réparé.

Enfin, j'aimerais évoquer d'autres mesures contenues dans cette proposition de loi, ayant vocation, non pas à revenir sur la loi Badinter, mais à renforcer encore la protection des victimes. Je citerai l'instauration d'une expertise médicale réellement contradictoire, au cours de laquelle la victime sera assistée par son propre médecin-conseil, ou encore l'allongement du délai de dénonciation de la transaction, qui constituent autant de progrès majeurs pour les victimes et leurs familles.

Je veux également insister sur la disposition visant à obliger l'assureur à présenter sous un mois une offre prévisionnelle après une première expertise médicale – une disposition fondamentale pour les victimes qui, actuellement, attendent beaucoup trop longtemps des propositions d'indemnisation.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, ce texte constitue une avancée majeure afin que les deux principes de réparation intégrale du préjudice et d'individualisation de la réparation ne soient pas vains et théoriques, mais représentent une réalité vécue pour l'ensemble de nos concitoyens qui éprouvent la douleur d'être confrontés au fléau des accidents de la circulation. C'est la raison pour laquelle le groupe Nouveau Centre et moi-même nous réjouissons de son examen devant notre assemblée. L'expert judiciaire que j'ai été jusqu'à une période récente tient à remercier les deux rapporteurs pour ce texte qui constitue une vraie avancée pour les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe SRC.)

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