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Intervention de Geneviève Levy

Réunion du 16 février 2010 à 15h00
Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Levy, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de me permettre de vous présenter ce soir le texte que nous avons élaboré, Guy Lefrand et moi-même, et qui a déjà reçu un accueil unanime, tant auprès de la commission des affaires sociales que de celle des finances.

Il est le fruit d'un travail long et minutieux avec tous les acteurs du dommage corporel : en disant cela, je songe, bien sûr, aux associations de victimes, car c'est bien la situation des victimes que nous voulons améliorer, mais nous avons également écouté les avocats, les magistrats, les assureurs, les médecins. Je tiens à les remercier tous.

Les victimes de dommages corporels, notamment à la suite d'accidents de la circulation, sont protégées par la loi Badinter du 5 juillet 1985, qui a instauré une procédure d'indemnisation dérogatoire au droit commun, visant à assurer une réparation rapide et efficace de leurs dommages. Ce texte a marqué un progrès incontestable. Toutefois, les différentes auditions que nous avons menées ont mis en exergue différentes difficultés liées à son application, qui entraînent des dysfonctionnements préjudiciables aux victimes.

J'en relèverai trois. La loi est appliquée de façon trop disparate, et cela ne peut que heurter notre sens de l'équité : selon l'assureur ou le juge auquel la victime aura affaire, l'évaluation médicale et l'indemnisation sont susceptibles de varier dans des proportions non négligeables.

D'autre part, les victimes ne sont pas pleinement garanties par des procédures claires. Ainsi, il n'existe pas de définitions types des missions d'expertise médicale, pas plus qu'un système de reconnaissance des compétences des médecins en réparation du dommage corporel.

Enfin, les règles de calcul et de versement des indemnités méritent d'être améliorées : on sait, notamment, que les règles de capitalisation des rentes sont basées sur les taux d'intérêt et l'espérance de vie constatés en 1986.

Il apparaissait donc urgent pour les acteurs du dommage corporel de rendre plus efficace le système mis en place par la loi Badinter. Que proposons-nous ? En premier lieu, pour rendre l'indemnisation des victimes plus équitable, nous souhaitons mettre en chantier trois outils d'évaluation des dommages et des indemnités.

Le premier de ces outils est une nomenclature des postes de préjudice. Avant d'indemniser, il faut s'entendre sur ce qui constitue un préjudice ; or la nomenclature établie par M. Dintilhac n'a pas de portée contraignante. Moyennant quelques adaptations, nous proposons de la rendre obligatoire, mais non limitative, afin de laisser une certaine souplesse aux juges et aux parties en transaction.

Le deuxième outil est un barème médical unique. Il ne s'agit pas de toucher aux barèmes spécifiques à certaines législations relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles ou aux pensions militaires. Il n'est pas question de toucher à ces barèmes officiels, élaborés dans la transparence. En revanche, pour tout ce qui relève d'indemnités qui ne sont pas régies par des barèmes officiels spécifiques, divers barèmes officieux coexistent : les uns ont la faveur des assureurs, les autres celle des associations. Conséquence : selon le barème appliqué, la victime n'aura pas le même taux d'incapacité. Nous proposons de remplacer les documents officieux et contradictoires par un barème officiel, élaboré dans la transparence.

Troisième outil : une base de données complète sur l'indemnisation des dommages corporels. Avec un tel outil, juges, victimes, avocats et assureurs sauront, pour chaque type de préjudice, quelle indemnité a été allouée dans quelles circonstances. Une telle base de données est déjà prévue par les textes, mais, faute d'un contrôle suffisant par l'État, elle fonctionne mal. Il faut donc renforcer son cadre légal.

Deuxième point : pour renforcer l'impartialité et le caractère contradictoire de la procédure d'indemnisation, nous proposons de reconnaître et d'encadrer les expertises médicales, sous l'autorité de l'Ordre des médecins. Son conseil national définira les compétences ou l'expérience requises pour être médecin conseil dans le domaine du préjudice corporel. Ses conseils départementaux tiendront la liste des médecins compétents et recueilleront leurs déclarations d'intérêts. Parallèlement, les victimes seront informées des risques de conflits d'intérêts des médecins, afin qu'elles puissent choisir leur conseil de façon éclairée.

Troisième point, notre texte tend à rééquilibrer la procédure d'indemnisation dans un sens plus favorable aux victimes. Notamment, pour qu'elles soient mieux informées de leurs droits, l'assureur devra leur remettre une notice officielle d'information dès son premier courrier.

Pour faciliter le retour à leur domicile, qui suppose souvent l'aide d'une tierce personne ou un aménagement de leur logement et de leur véhicule, les victimes pourront obtenir, de plein droit, une provision sur indemnité : c'est une véritable avancée.

Enfin, pour éviter toute transaction hâtive, nous proposons de porter de quinze jours à un mois le délai laissé à la victime pour dénoncer une indemnisation à l'amiable.

Telles sont quelques-unes des principales mesures que nous vous proposons et qui, sans remettre en cause les principes de la loi Badinter, sont de nature à améliorer la protection des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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