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Intervention de Michel Liebgott

Réunion du 10 février 2010 à 15h00
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Liebgott :

Avant d'en venir à ce qui, dans ce projet, me paraît aberrant, laissez-moi vous indiquer ce qu'il conviendrait de faire au niveau local.

Il faudrait tout d'abord permettre à nos gendarmes et à nos policiers de se loger correctement afin que leurs conditions de travail puissent être qualifiées de normales. Pendant des années, en tant que maire, puisque l'État n'avait pas les moyens de les loger dans la caserne où se trouvaient quelques militaires, j'ai mis des logements communaux à la disposition des gendarmes.

Aujourd'hui encore, alors qu'une communauté de brigade – couvrant d'autres communes que la mienne – a pris le relais de la brigade de gendarmerie locale, la construction d'une gendarmerie reste à l'ordre du jour parce qu'une autre commune veut récupérer des locaux habités par des gendarmes. Certes, les gendarmes n'occupent plus de maisons individuelles mises à disposition par la commune, mais habitent dans deux endroits différents. Or l'État se révèle incapable de construire la caserne que cette situation rend indispensable, alors que, par ailleurs, il se méfie des bailleurs sociaux qui, en Moselle, ont jusqu'à présent construit des casernes.

De surcroît, l'État refuse de reconnaître qu'il n'est plus en mesure de payer les loyers. Il propose tout simplement à la collectivité locale principale, c'est-à-dire au maire que je suis, de construire cette caserne, ce qui représente au bas mot de trois à cinq millions d'euros. C'est hors de question à ce prix, d'autant que nous ne disposons pas des textes de la hiérarchie de la gendarmerie qui nous permettraient de savoir dans quel cadre juridique nous pourrions le faire.

Contraints de nous débrouiller, nous n'avons pu échapper à des solutions farfelues puisque le groupement départemental de gendarmerie est allé jusqu'à inviter, pour ne pas dire convoquer, un certain nombre de promoteurs privés éventuellement intéressés par la construction d'une caserne de gendarmerie, cela sans leur indiquer quel serait le plan de financement ! Bien entendu, le maire n'a pas été prévenu d'une telle démarche. Si je m'en suis offusqué, nous n'en avons pas moins continué de travailler.

Ainsi, nous avons pris contact avec le groupe Eiffage, qui construit les gendarmeries, mais qui ne nous a toujours pas fait de propositions, faute d'instructions précises de l'État et notamment de la hiérarchie de la gendarmerie. Si l'amélioration de la situation implique qu'on loge décemment les gendarmes, il en va de même pour nos concitoyens.

J'ai eu la chance d'être en 2005, dans le Grand Est, le premier maire bénéficiaire de l'ANRU. Il s'agissait de requalifier un quartier en difficulté. Or aujourd'hui les règles changent et nous ne parvenons pas à boucler le dispositif ANRU. Je lance donc un appel, depuis cette tribune, monsieur le ministre : avant d'édicter de nouveaux textes, encore faudrait-il loger ces gendarmes ou ces policiers dans des conditions décentes et permettre aux habitants de ces quartiers, j'insiste, d'être eux-mêmes logés dans des conditions satisfaisantes.

Je souhaite insister ensuite sur la question des effectifs. Dans les quartiers sensibles, on affecte souvent de jeunes gendarmes et même quelquefois des gendarmettes. Vous imaginez bien que face à des adultes très revendicatifs et parfois authentiques délinquants, ces jeunes gendarmettes et gendarmes, tout juste sortis de l'école, ne font pas le poids. Nous sommes confrontés à une demande d'effectifs importants et expérimentés de la part des gendarmes eux-mêmes, gendarmes dont je me fais ici le porte-parole.

J'ai récemment vécu un événement assez cocasse. Je me suis retrouvé, dans une des rues plutôt tranquilles de ma commune, en sortant de la mairie, en présence d'une voiture brûlée. Les sapeurs-pompiers sont arrivés les premiers, les gendarmes dans la foulée. Alors que je m'enquerrais auprès des riverains de la situation, aucun des gendarmes ne s'est adressé à moi, ne me connaissant pas plus que je ne les connaissais. Je me suis alors rendu compte que j'avais affaire à des gendarmes qui, manifestement, ne connaissaient pas la ville. Ils venaient en effet de Dijon, à 250 kilomètres de là. Ils m'ont informé qu'ils allaient passer le relais à leurs collègues pour mener l'enquête.

Autre point sur lequel je souhaite insister, il convient de réaliser un travail de proximité. Vous vous souvenez sûrement des émeutes de 2005, à la suite desquelles les gendarmes ont fait valoir l'importance de la présence d'éducateurs dans la rue, en particulier pendant la nuit. Le capitaine du groupement de mon département lui-même a rempli cette fonction et je lui en sais gré car, travaillant avec le club de prévention, les centres sociaux, les prêtres-ouvriers, les imams, bref, avec l'ensemble des acteurs locaux, il a réalisé une tâche extraordinaire qui va à l'encontre de la philosophie du présent texte.

Or je vous rappelle que ces quartiers ont avant tout besoin de lien social, d'emplois aidés. Les jeunes de treize ans ne sont pas ceux qui nous posent le plus de problèmes, au contraire des jeunes adultes, à moins qu'ils ne trouvent une vie sociale dans des associations, en particulier sportives.

Avant d'en venir à une critique plus radicale du texte, laissez-moi revenir sur une mesure que nous avons prise il y a quelque temps : l'achat d'un radar. Nombre de nos collègues de droite eux-mêmes ont fini par admettre que les radars servaient à sanctionner les braves gens qui dépassent de seulement deux ou trois kilomètres par heure la vitesse maximale autorisée. Eh bien, ces gens en ont marre d'être sanctionnés.

Il est vrai que cette pratique permet d'augmenter le taux d'élucidation puisqu'un PV, par nature, c'est 100 % d'élucidation. Voilà qui permet de faire du chiffre, de faire rentrer de l'argent et donne l'illusion de l'efficacité de la police et de la gendarmerie.

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